LA FORCE TRANQUILLE
IRRÉPROCHABLE SUR LES FONDAMENTAUX ET PARFAIT DANS SA GESTION TACTIQUE, LE STADE FRANÇAIS A REMPORTÉ SA DEUXIÈME VICTOIRE À L’EXTÉRIEUR EN DÉGAGEANT UNE IMPRESSIONNANTE SENSATION DE PUISSANCE. MAIS COMMENT HEYNEKE MEYER S’Y EST PRIS ?
Une saison de Top 14, c’est comme un marathon. C’est beau de partir fort, mais cela ne sert à rien si l’on ne tient pas dans la durée. » Ces mots sont ceux de Yoann Maestri, l’exemplaire soldat du rugby français qui s’est récemment vu offrir par Heyneke Meyer une promotion éclair au rang de capitaine de son nouveau club. Et au vu des performances, de la lucidité et de l’intelligence du deuxième ligne des Bleus, on comprend le choix de l’exsélectionneur des Springboks. Maestri connaît la musique. Il dispute en ce moment sa douzième saison professionnelle. Et sait trop à quelle vitesse le vent peut tourner dans ce Top 14 : « Beaucoup de choses positives nous arrivent en ce moment… C’est bien, mais le club a connu beaucoup de changement et cet ensemble reste fragile. Nous devons encore travailler dur pour stabiliser tout cela car on peut prendre une claque rapidement. » Soit. Mais il aura beau se montrer le plus prudent du monde au sujet des performances de son équipe, nous pensons sincèrement que ce Stade français-là à de quoi aller loin. Très loin, même, tant sa prestation au Hameau a exprimé un sentiment de toute-puissance. Un sentiment que partageaient les Palois, à leur grand désespoir : « Cette équipe du Stade français dégage une telle densité et une telle confiance… Ils ont imprimé leur rythme à la rencontre, nous ont impactés fort en défense et nous ont contrés. Ils étaient clairement plus en place que nous. » Un constat pour le moins étonnant, venant de la part d’un joueur dont le staff et le groupe sont stabilisés depuis de longues années. Le Stade français, lui, a profondément renouvelé son effectif et changé 80 % de son staff. Malgré tout, il est « en place » : solide en mêlée, précis en touche, intraitable en défense, mordant sur ses contres, et parfait dans sa gestion tactique avec une charnière Van Zyl-Steyn de très haut niveau. Rien que ça. Soit tous les ingrédients nécessaires pour s’imposer sans mal sur la majorité des pelouses du Top 14. Aimé-Giral est déjà tombé. Le Hameau vient de tomber. À qui le tour ?
UN GROUPE MÉTAMORPHOSÉ
Heyneke Meyer a déjà façonné le Stade français à son image, en faisant du club de la Capitale une équipe rude, précise, pragmatique et redoutable en contre. Mais surtout, il a aussi changé la psychologie de ce groupe. Et sa façon d’aborder les matchs à l’extérieur : « De toute évidence, l’équipe ne s’est pas souvent imposée à l’extérieur l’année dernière. C’est quelque chose que nous voulions changer avec le staff. J’estime qu’un point est un point, qu’il vienne d’une victoire à domicile ou à l’extérieur. Pour moi, c’est pareil. Et je veux que les joueurs abordent les rencontres de la même façon, avec la même ambition. » Et les mêmes hommes, car Meyer a reconduit l’intégralité du XV de départ qui a corrigé Toulon à Jean-Bouin la semaine dernière (37-10). Un choix rarissime en Top 14. Mais assumé par le technicien : « Nous n’avons pas la même profondeur d’effectif que d’autres, alors il nous faut de la continuité. Nous voulons stabiliser le groupe, et ensuite nous procéderons à des rotations », détaillait méthodiquement l’ancien sélectionneur sud-africain.
L’autre grand changement observé au Stade français porte sur la condition physique des joueurs. Après une préparation qualifiée de « très dure » par les Soldats roses, certains semblent métamorphosés : Gaël Fickou a retrouvé son accélération et ses appuis déroutants, Jonathan Danty son punch et son activité en défense… Idem pour Yoann Maestri, qui se pose en incontournable pour les tests de novembre, ou encore Julien Arias qui « a perdu dix ans en quelques mois », du propre aveu de Meyer : « Tout le crédit revient aux joueurs », insiste ce dernier : « Ils ont travaillé dur, et se sont adaptés à tous les changements que nous avons opérés sans sourciller. Je suis très heureux de voir qu’aujourd’hui, ils récoltent les fruits de leur travail. Car tout le mérite leur revient. »
Dès lors, une question nous vient à l’esprit : ce Stade français se serait-il hissé au niveau de son voisin, le Racing 92 ? La saison dernière, il n’y avait pas photo. Mais cette année ? « Restons humbles ! coupait Meyer. Il vaut mieux garder les pieds sur terre, car la correction n’est jamais bien loin en rugby. Tout le monde peut battre tout le monde dans ce Top 14, c’est d’ailleurs pourquoi j’aime autant ce championnat. J’ai vu le match du Racing hier, et c’est une très bonne équipe. Leurs trois-quarts m’ont impressionné. Mais c’est un derby, et je commence à comprendre l’importance que ce match a aux yeux des joueurs, qui commencent à m’en parler. » Le derby est déjà lancé. Et non content d’être explosif, celui-ci s’annonce plus équilibré que jamais, pour notre plus grand bonheur.