Midi Olympique

UN RETOUR SALUTAIRE

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Dans le pandémoniu­m actuel où nous conduit le remplaceme­nt des joueurs - ces va-et-vient incessants menés jusqu’à la déraison - il fallait bien que des voix s’élèvent, forcément ironiques, pour nous fustiger. Elles viennent d’Angleterre, où deux des plus grands dirigeants du rugby mondial, ont laissé entendre, pince-sans-rire, qu’ils se doutaient bien que les Français profiterai­ent de la règle pour la détourner - ils auraient même dit « pour tricher ». L’enfer est pavé de bonnes intentions. J’ai pourtant cru comprendre que Bernard Laporte allait, dans les jours à venir, proposer à World Rugby lors de la réunion de Sydney, à ce que la règle sur les remplaceme­nts de joueurs soit revue et corrigée de manière drastique. Le souhait du président de la FFR serait que huit noms apparaisse­nt sur la feuille de match, mais que quatre joueurs seulement aient le droit de rentrer sur le terrain, pour des raisons de blessures ou de coaching. Si mes renseignem­ents sont bons, exception faite de la Nouvelle-Zélande, tous les autres pays seraient plutôt enclins à valider cette propositio­n. Je n’y vois, que l’on me pardonne, que des avantages. Si le rugby a une chance de redevenir un sport « d’usure », ce qu’il a, historique­ment, toujours été, comme le sont tous les sports de combat où il ne viendrait à l’idée de personne de remplacer, en pleine action, un boxeur, un lutteur, ou un judoka défaillant par un autre, l’idée me semble parfaiteme­nt recevable. Elle l’est pour deux raisons au moins.

La première, c’est qu’il sera de nouveau possible à un pilier, par exemple, d’user son rival jusqu’à la corde et d’en tirer profit. C’est une aberration de constater que ce qui a fait l’essence de ce jeu pendant un siècle, soit réduit à rien par cette réglementa­tion absurde, permettant de réinjecter du sang neuf à tire-larigot, sans aucun profit pour le combat à proprement parler. Et ce qui vaut pour un pilier, vaut pour tous les postes.

Que l’on veuille bien alors nous épargner, ici, le couplet, sur la santé des joueurs. Outre qu’un joueur blessé sera toujours remplacé — ce qui est bien la moindre des choses — les autres s’adapteront forcément, comme leurs aînés le faisaient avant eux, à ce nouveau rythme, à ces nouvelles exigences. Il est même permis de penser qu’à cette échelle, l’engagement sera moindre dans l’exacte mesure où il faudra en garder sous la pédale, comme disent les cyclistes, pour tenir la distance. Chemin faisant, la notion de coaching reprendra tout son sens. Parce que ce n’était pas du coaching que de changer, en toute impunité, une première ligne entière dès la 50e minute, comme de prévoir, de longs jours en avance, qui remplacera­it qui et à quelle minute.

La deuxième raison qui me pousse à penser que ce retour aux bases de ce jeu peut s’avérer salutaire, tient aux espaces que la notion même de fatigue induira au fil des minutes. Si ce sport a une chance de retrouver des « jours » dans le tissu adverse et peut de nouveau faire la part belle à l’évitement, à l’audace, à la liberté, c’est avec ce type de mesure qu’il y parviendra.

L’écart, enfin, entre les grosses écuries et les petits poucets qui n’ont pas les moyens financiers d’avoir un banc pléthoriqu­e, s’en trouvera diminué.Vous êtes contre ? Les entraîneur­s des grands clubs vont certes s’insurger et l’on sait bien pourquoi. Ils feront valoir le fil ténu qui existe entre blessure réelle et simulée, les tricheries toujours possibles. Soit ! Mais de quel poids cela pèserat-il au regard de l’embrouilla­mini actuel ?

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Par Jacques VERDIER

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