BLEUS DE FRANCE
À L’IMAGE DE JORDAN JOSEPH, LE JEUNE N°8 DU RACING 92, UN VENT DE JEUNESSE SOUFFLE SUR LE RUGBY FRANÇAIS. TOUR D’HORIZON DE CES ESPOIRS QUI FRAPPENT DÉJÀ À LA PORTE DES TRICOLORES.
Jordan Joseph vient d’avoir 18 ans et compte déjà quatre feuilles de match avec le Racing 92. Arrivé dans les Hauts-de-Seine en provenance de Massy, le champion du monde des moins de 20 ans tricolores n’a semble-t-il pas nourri le moindre complexe au moment de jouer des coudes avec les autres numéros 8 du club (Fabien Sanconnie, Antonie Claassen et Leone Nakarawa), tous internationaux. « Il s’est intégré très rapidement, explique Laurent Travers, le coach des avants franciliens. Jordan n’est pas vraiment timide. Il pose des questions, est demandeur de conseils sur tel mouvement, tel secteur de jeu… C’est un garçon surprenant. »
Doté d’un physique irréel pour un jeune homme à peine sorti de l’adolescence (1,89 m et 116 kg), Jordan Joseph n’a pas vraiment souffert à l’instant de se frotter à des joueurs aguerris au plus haut niveau et dont certains comptaient quinze ans de plus que lui, au Racing. Travers poursuit : « Dans ma carrière d’entraîneur, j’ai connu deux joueurs avec une telle maturité physique : Camille Chat et Teddy Baubigny. Jordan ne souffre pas sur les impacts mais il a dû se faire au rythme du rugby pro : en trois mois, il est quand même passé de deux entraînements par semaine avec les Crabos de Massy à deux séances par jour, avec nous… »
De ce que l’on entend ici et là, le staff du Racing 92 souhaite s’accorder du temps concernant le nouveau phénomène du rugby français. De ce que l’on sait, le prodige originaire d’Haïti devrait pourtant être un élément incontournable des phases finales du club francilien… Si phases finales il y a, bien évidemment. « On ne va pas non plus lui brûler les ailes, enchaîne Travers. Au sujet de Jordan, je vais d’ailleurs vous citer une phrase de Roger Federer : « En France, les sportifs ont du mal à percer parce qu’on les fait rois avant qu’ils ne le soient. » Ça me semble plutôt juste… » De fait, la marge de progression du numéro 8 des moins de 20 ans est encore immense. Un exemple ? Avant de signer au Racing, Jordan Joseph n’avait jamais sauté en touche de sa vie. Initié à ce jeu-là par « Toto » Travers, le môme vola à l’alignement parisien le ballon le plus important du dernier derby.
READ… MAIS PAS PICAMOLES ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître lorsqu’on le voit évoluer en Top 14, Jordan Joseph n’a commencé le rugby qu’à 13 ans et ne compte donc pas encore les cinq années de licence FFR qui feront de lui, en avril 2019, un Jiff à part entière. Jeoffrey Delacour, son ancien entraîneur à Massy, raconte : « Jordan est quelqu’un qui aime jouer, se faire plaisir. Il est aussi très attaché à ses copains d’enfance et à Massy. En lui proposant six ou sept fois moins que le Racing, nous aurions presque pu le garder chez nous, juste parce qu’il avait du mal à quitter ses potes… » Et rugbystiquement, alors ? « À mon sens, poursuit Delacour, il sera au-dessus des Yacouba Camara, Sekou Macalou ou Judicaël Cancoriet (tous issus de Massy, N.D.L.R.). L’autre jour, Gilles Ulrich (responsable historique des jeunes du club) me disait d’ailleurs qu’en vingt ans de rugby, il n’avait vu que Mathieu Bastareaud et Jordan Joseph à un tel niveau d’excellence. » Programmé pour régner, Joseph a enfin passé des heures à observer les plus grands spécialistes du poste. Delacour conclut : « Avec son entraîneur au pôle espoir de Lakanal, nous lui avions demandé de regarder les matchs des meilleurs numéros 8 du monde. Moi, j’adore Kieran Read et lui aime bien Billy Vunipola. Mais lorsque Jordan a commencé à nous parler de Picamoles, on lui a dit : « Tu ne vas pas finir comme lui, à te contenter d’un rôle de perce-muraille. Tu as les qualités pour être beaucoup plus complet. » J’espère qu’il nous a écoutés. » Et Jacques Brunel espère la même chose, paraît-il…