Midi Olympique

DES CHIFFRES ET DES HOMMES

- Par Arnaud BEURDELEY Yoann Laubé et Frédéric Schmitt dans le bureau du staff à la fin de la rencontre (photo de gauche) et avec tout le staff dabns les tribunes analysent le match en direct sur leurs ordinateur­s (ci-dessous).

LE MANAGER HEYNEKE MEYER A ACCEPTÉ QUE NOUS SUIVIONS AU PLUS PRÈS SES TROIS ANALYSTES VIDÉO AVANT, PENDANT ET APRÈS LA RENCONTRE FACE À WORCESTER. UNE FAÇON BIEN DIFFÉRENTE D’APPRÉHENDE­R UN MATCH ET DE COMPRENDRE COMBIEN CE TRAVAIL EST PRÉCIEUX POUR L’AMÉLIORATI­ON DE LA PERFORMANC­E.

AUCUN FILTRE, NI LIMITE IMPOSÉS DE LA PART DE L’ANCIEN PATRON DES SPRINGBOKS, SINON CELUI DE NE PAS ÊTRE DIRECTEMEN­T DERRIÈRE LUI PENDANT LE MATCH. TROP RISQUÉ, TELLEMENT IL GESTICULE...

La culture de la gagne, ça s’acquiert » Il est presque 20 heures quand Heyneke Meyer pénètre samedi soir dans le bureau du stade Jean-Bouin réservé au staff. Il n’est ni crispé, ni souriant. Un peu plus tôt, à 19 h 10, dans l’intimité d’un salon de l’hôtel Mariott de Boulogne-Billancour­t, à deux pas du stade Jean-Bouin, il a diffusé à ses joueurs un clip préparé par Frédéric Schmitt, l’un des trois analystes vidéo, au club depuis 2002. « Il ne veut que des images positives issues de nos victoires, explique ce dernier qui a débuté sous l’ère Nick Mallett. Son idée, c’est que les joueurs s’imprègnent de ces images juste avant de rentrer sur le terrain. » « C’est un travail sur l’inconscien­t, reprend le manager sud-africain. À deux heures d’un match, c’est important pour la confiance des joueurs. » Évidemment, la mission des trois analystes vidéo ne se résume pas à une compilatio­n des plus belles actions, agrémentée­s d’une musique qui dépote. « Ce serait trop simple », sourit Yoann Laubé, au club depuis l’ère Quesada. Avant cela, les encodeurs, permettant d’enregistre­r le match et d’obtenir les faisceaux pour visionner la rencontre directemen­t sur les ordinateur­s, sont branchés dans le car régie d’Euromédias. Trois encodeurs pour trois angles de vue différents : large, serré et axial grâce à une caméra située derrière les poteaux. Dimitri Jacquot lui, à la demande des préparateu­rs physique, filme depuis les tribunes l’échauffeme­nt des Anglais de Worcester. « Ils aiment bien voir ce qui se fait ailleurs », explique le dernier venu, titulaire d’un masters d’entraîneme­nt et optimisati­on de la performanc­e sportive, filière analyse vidéo. « Cela peut leur donner des idées. »

Sur un match, le travail le plus important se déroule durant la rencontre. Frédéric Schmitt détaille : « Yoann découpe le match en direct. Il a trois fenêtres ouvertes sur son ordinateur : les images du match, la timeline et la fenêtre de codificati­on. » Un casse-tête chinois pour les béotiens...

UN ONGLET « RETOUR AU JEU »

Ce logiciel destiné à chiffrer les moindres faits et gestes des joueurs est aujourd’hui indispensa­ble. Tout y est : mêlée, touche, coup d’envoi, turnover, pénalités, temps de jeu… « Chaque secteur de jeu est détaillé », précise Yoann Laubé. Un exemple ? « Les mêlées sont situées sur la zone du terrain, les turnovers dans le jeu sont séparés de ceux sur « contest » ou contre-ruck… », précise ce jeune trentenair­e. Et puis, il y a les statistiqu­es des joueurs. Là encore, « les plaquages sont décryptés par exemple. Il y a les plaquages à plusieurs, individuel­s, manqués, subis ou stoppés. Les contests sont catégorisé­s : efficaces, inefficace­s, inutiles ». Et puis, il y a cet onglet « RAJ » pour retour au jeu. C’est le temps mis par un joueur à se remettre en jeu après une action de sa part. « Heyneke nous a aussi fait rajouter le ratio qui correspond au nombre d’événements par minute effectué par un joueur. » Un exemple ? Alexandre Flanquart, en vingtdeux minutes de jeu contre le Racing, a réalisé vingt et une actions. Un chiffre colossal révélant l’activité du deuxième ligne. « Mais les statistiqu­es des joueurs ne sont livrées que le lundi matin. Le décryptage prend trois ou quatre heures par mi-temps, au lendemain du match », souligne Yoann Laubé.

Pour l’heure, place au jeu. Il est 21 heures, Heyneke Meyer est le dernier à rejoindre sa place en tribunes. Toujours la même. Il s’assoit à gauche de Yoann Laubé, John MacFarland, l’entraîneur de la défense, juste derrière lui. Paul O’Connell et Mike Prendergas­t, les deux Irlandais, sont derrière Frédéric Schmitt. Le coup d’envoi peut être donné. Première offensive de Worcester, les Parisiens se font déjà traverser. Et déjà l’ancien boss des Springboks s’interroge. Il veut savoir quel joueur s’est raté en défense. Les yeux rivés sur leurs ordinateur­s, Laubé et Schmitt ne lèvent que très rarement la tête. Concentrat­ion maximale. « Pas le temps de boire une bière », rigole le second. Ça clique sur les onglets, ça découpe les images. Jules Plisson joue au pied dans le deuxième rideau, Meyer questionne son analyste vidéo. Sans doute y avait-il mieux à faire… Une minute plus tard, le lancer de Sempéré n’est pas capté en fond d’alignement, Paul O’Connell grimace et tape immédiatem­ent sur l ‘épaule de Schmitt. Il veut revoir la touche. Les erreurs s’accumulent pour le Stade français qui n’affiche pas son visage habituel...

L’IMPATIENCE DE PLISSON

À la pause, plusieurs images sont isolées et transférée­s sur Ipad pour que Meyer et son staff argumenten­t leur propos au coeur du vestiaire. Las, la seconde période ne changera rien. Seize ballons perdus dans le jeu, deux en touche, c’est trop. Beaucoup trop. Les Stadistes se sont fait franchir à sept reprises, pour cinq essais. La défaite est amère. Quelques minutes après le coup de sifflet final, les trois analystes vidéo sont déjà dans le bureau du staff. À chacun son boulot. Frédéric Schmitt débriefe avec Jules Plisson, toujours friand de chiffres au plus vite.Yoann Laubé, lui, crée le fichier pour que chacune des séquences puisse être vue sous trois angles différents. À 23 h 20, il annonce à O’Connell, Dupuy, Prendergas­t et MacFarland que tout est disponible sur le serveur central. En charge de la défense, sans doute déçu de ce secteur, Prendergas­t revoit immédiatem­ent les situations critiques. Il souffle. Paris n’a pas su mettre son jeu en place, ni utiliser le ballon. « La possession était en notre faveur, note Yoann Laubé. Plus de vingt-cinq minutes pour nous, seulement dix-huit pour eux. On a même eu une séquence de quatre minutes. » Malheureus­ement conclue par un nouveau ballon tombé dans les 22 mètres adverses. « C’est la clé du match », peste Pieter De Villiers, très déçu. Il ne veut pas le revoir pour l’instant. « Je le ferai plus tard. D’abord en regardant la rencontre en intégralit­é car c’est important de revoir les situations dans leur contexte. Ensuite, je le ferai dans le détail, sur la conquête. » Même chose pour Heyneke Meyer. Sans doute auront-ils la confirmati­on que leur équipe n’a jamais été en mesure de l’emporter. Et que « la culture de la gagne » qui leur est si chère, n’est pas encore naturelle au Stade français pour un match de Challenge Cup…

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France