UNE SEMAINE POUR DIVORCER
À LA ROCHELLE L’AN DERNIER, LES TENSIONS ENTRE COLLAZO ET SON STAFF, PUIS SES JOUEURS, ONT CONNU LEUR PAROXYSME LORS DE L’ULTIME JOURNÉE DE TOP 14.
Tous les Rochelais d’alors, ceux de la saison 2017-2018, savent que le divorce entre Collazo et son club ne s’est pas joué en un week-end. « C’était l’étincelle, la goutte d’eau, confie un membre du groupe professionnel. Si ça n’avait pas été la confrontation avec « Globus » (Akvsenti Giorgadze, technicien en charge des avants) et tout ce qui a suivi, ça aurait été autre chose. La situation n’était plus tenable. Il fallait que ça explose. »
La lente montée en tension entre l’ancien pilier varois et ses adjoints, puis ses joueurs, a pourtant connu son point de rupture les vendredi 4 et samedi 5 mai 2018, au moment de préparer la dernière rencontre à domicile. Récit.
VENDREDI 6 SAMEDI : UNE TOUCHE EXPLOSIVE
Tout le monde se souvient de Xavier Garbajosa, entouré d’une partie du staff rochelais, regardant sur un écran au bord du terrain de MarcelDeflandre les dernières minutes de Lyon Montpellier. La victoire du Lou actant leur élimination du Top 14. Tout le monde se souvient, aussi, que Patrice Collazo ne s’était pas joint à ses hommes. Personne, pourtant, n’avait remarqué que Garbajosa était arrivé seul au stade, à l’avant du bus. Qu’il avait fendu la foule des supporters sans Giorgadze, ni Collazo. La veille, dans le secret de la mise au vert, « la goutte d’eau » évoquée plus haut était tombée sur la séquence vidéo. La prolongation d’un différent tactique entre « Globus » et Patrice Collazo, au sujet de la touche. Rien qui ne mérite un tel règlement de compte. Mais le fruit était mûr…
Pendant la séance vidéo, donc, Collazo a claqué la porte. Devant les joueurs, médusés. En suivant, Giorgadze a été mis à pied par sa direction et Garbajosa s’est rangé de son côté. Solidaire. Il s’est surtout retrouvé seul, finalement, pour conduire son équipe vers une victoire bonifiée inutile, le Stade rochelais n’ayant alors plus son destin sportif en mains.
Seul, de bout en bout ? Pas vraiment. Lorsque les joueurs ont débarqué dans les vestiaires de Deflandre, ils y ont trouvé Patrice Collazo, assis sur un banc et qui les avait devancés. L’ancien pilier international refaisait surface, après de longues heures sans donner de nouvelles. Il reprenait, du même coup, son costume et ses fonctions de patron du sportif. Sans explication particulière, Collazo dirigea l’échauffement et l’avant-match, coacha son match… Avant de rentrer chez lui. Depuis, il n’a plus recroisé la route de ses anciens adjoints.
LUNDI À MERCREDI :
TROIS JOURS DE FLOU ARTISTIQUE
La suite de la brouille, jusqu’à son épilogue, s’est jouée dans les bureaux des services administratifs rochelais. Ceux de Pierre Venayre (directeur général) et Vincent Merling (président). Un objectif du côté des décideurs : recoller les morceaux. Une mission impossible, ce que les dirigeants mettront trois jours à comprendre. Révélées dans nos colonnes le lundi 7 mai, les tensions et l’explosion à venir du staff ont alors à peine fait réagir dans un club pourtant habitué à une communication musclée. Un seul communiqué, flou et positiviste, en complet décalage avec la réalité de la situation : « Le Stade rochelais tient à manifester son soutien à l’ensemble de son encadrement sportif et à le remercier pour le travail réalisé cette saison. […] Notre staff doit continuer à oeuvrer ensemble, sous l’égide de son manager Patrice Collazo », pouvait-on y lire. L’information d’une réunion de conciliation, réunissant les parties opposées, fuitait. Elle n’eut jamais lieu, chacun étant reçu séparément. Les positions étaient figées, les rancoeurs trop profondes. Le changement devenait obligatoire, au grand regret du président Vincent Merling. Garbajosa et Giorgadze, alors, semblaient les plus en danger. « Collazo est tellement puissant à La Rochelle. Celui qui le fera partir n’est pas encore né », confiait alors un proche du dossier.
Devant les tergiversations de sa présidence, c’est pourtant Collazo qui prenait les devants. Considérant la neutralité de sa direction comme un désaveu, il l’informait de son choix de partir. Non-négociable.
L’ancien pilier est un homme dont la conviction tourne parfois à l’obstination. Suffisamment rare pour être souligné : il ne réclamait aucune compensation financière du club, alors que son contrat Photos M. O. - D. P.
(2022) lui aurait permis d’ouvrir des négociations.
Patrice Collazo à La Rochelle, c’était fini. Xavier Garbajosa et Akvsenti Giorgadze restaient en place, rejoints par Grégory Patat et bientôt Jono Gibbes, dans un fonctionnement à construire à partir de novembre, en cours de saison. Bancal ? Oui, forcément. Le Stade rochelais et ses dirigeants ont opéré dans l’urgence… En attendant, c’est sans Gibbes que le club maritime se rendra à Felix-Mayol, pour les retrouvailles entre Collazo et ses anciens adjoints. Chaleureuses ? Ce serait surprenant.