COLLAZO, C’EST QUOI LE PROBLÈME ?
TOULON EN DIFFICULTÉ SPORTIVE AVEC SON NOUVEAU CLUB, PATRICE COLLAZO INTERPELLE PAR SA COMMUNICATION, SES CHOIX ET SES CHOIX D’HOMMES. DÉCRYPTAGE D’UNE SITUATION DONT IL EST, AUSSI, LA VICTIME.
Collazo, c’est quoi le problème ? Si la question autour du bouillant manager varois -souvent précédé par sa réputation- peut paraître provocatrice, elle n’en reste pas moins induite par des constats sans équivoque. Des chiffres, tout d’abord. Depuis l’arrivée du technicien, le RCT a gagné seulement deux de ses neuf rencontres, pointe à la douzième place du Top 14 à égalité de points avec le treizième et a déjà vu s’envoler ses espoirs de qualification pour les phases finales de Coupe d’Europe. Les impressions, aussi, marquent les esprits. Les Rouge et Noir balbutient leur rugby à tous les niveaux ou presque entre un paquet d’avants au rendement pour le moins irrégulier, des lignes arrière en flagrant déficit d’efficacité, de confiance et de repères, ou une charnière en perdition.
« LES METTRE EN CONFIANCE »
Dans ce faux départ manifeste, quelle part de responsabilité peut être imputée à Patrice Collazo ? Des circonstances atténuantes doivent être avant tout retenues : le manager compose avec une équipe dont il n’a pas -en grande partie- choisi ou validé les joueurs en raison de son engagement tardif ; son effectif s’avère, sans surprise, hétérogène avec de vrais postes en souffrance, numériquement ou qualitativement ; le vestiaire apparaît fatalement usé par les changements incessants de manager et l’instabilité permanente au sein du club ; les absences de Rhys Webb et Facundo Isa le privent de deux valeurs sûres ; enfin, les recrues, à l’exception de Stéphane Onambele, déçoivent. Pour l’heure, les prédictions émises par l’ancien pilier lors de sa conférence de presse d’intronisation sont toutes démenties. « Ça fait longtemps que le RCT n’a pas eu autant de temps pour se préparer. Quatre semaines, c’est précieux », avait-il apprécié, avant d’estimer : « Quand on prend le groupe dans son effectif global, il y a de quoi faire une équipe équilibrée et compétitive. » Avant la première journée de Coupe d’Europe, il avait revu et corrigé son analyse, plaçant les joueurs devant leurs responsabilités : « Les gens ne se rendent pas compte : il y a des joueurs de qualité, mais en termes de vécu de groupe avec toutes les nouvelles choses que nous avons mises en place, on part de très loin. Le staff demande des choses à ce groupe qui ne lui ont jamais été demandées. […] Concernant le potentiel de l’équipe, tant que ces choses n’auront pas été intégrées, assimilées… Ce sont eux, les joueurs, les acteurs. C’est à eux de s’approprier le jeu. Il n’y a qu’eux qui peuvent faire basculer un match. On va leur mettre un cadre et on va les mettre en confiance, mais quand ils entrent sur la pelouse, ce sont eux. »
« ÇA BASCULERA À FORCE »
Si le mot de la fin revient toujours aux « acteurs », les metteurs en scène influent sur le cours des événements. Le temps donnera peut-être raison à Patrice
Collazo mais, pour l’heure, ses orientations et ses idées n’aboutissent pas : ses schémas de jeu ne sont pas assimilés ou, en tout cas, appliqués avec succès par ses ouailles ; ses repositionnements, plus ou moins contraints, n’ont pas été concluants (Swan Rebbadj en troisième ligne, Josua Tuisova au centre, Sébastien Taofifenua à droite…) et ne favorisent pas la continuité ; enfin, en cette période de guigne, son obstination - à l’image du choix de la pénaltouche face à Newcastle - le dessert. La succession de résultats défavorables n’a visiblement pas ébranlé ses convictions et sa confiance : « On ne va pas faire rire longtemps », promettait-il après Montpellier. « Ça basculera à force », assénait-il au coup de sifflet final du revers devant Newcastle. Avec un agacement de plus en plus perceptible, le technicien réclame du temps et de la tranquillité. À La Rochelle, il avait pu bénéficier des deux et avait bâti son projet, progressivement, minutieusement. À Toulon, la temporalité et le contexte ne le permettent pas et ce, même si son président se montre jusqu’à présent solidaire, compréhensif.
Au-delà du symbole, la réception de La Rochelle revêt une importance capitale. Une victoire pourrait amorcer une dynamique, le calendrier aidant, avec, en suivant, trois réceptions en quatre journées, face à Perpigan, Grenoble et Lyon. Un revers compromettrait sérieusement l’opération remontée du RCT, relégué à dix points de la sixième place. Il attribuerait un premier trimestre de Collazo une triste note de 2/10.