Le Mondial en creux
Oh bien sûr, tout ceci paraît si loin. Une équipe qui ne gagne plus, n’enchante plus et soudain n’intéresse plus beaucoup la foule, se préoccupe assez peu de savoir où elle en sera, dans un an, avec quels hommes et sous quels augures. La question du Mondial, d’ailleurs, ne fut même pas posée aux Bleus empêtrés dans bien d’autres marasmes.
La France est dans une préoccupation d’immédiateté, une quête vitale de victoire oxygénante qui n’autorise pas la projection à si long terme. Bien avant de savoir si on battra les Argentins au Japon, il faut absolument les battre ce samedi, à Lille, où l’expatriation provinciale doit redonner de la chaleur aux productions maladroites de cette équipe. C’est bien tout ce qu’on demande à cette équipe, à cette étape d’un chantier où tout reste à faire.
La question, c’est logique, fut en revanche posée cette semaine aux Argentins. À Nicolas Sanchez, ex-futur francophile, de Bordeaux à Paris en passant par Toulon. Il n’y a pas si longtemps, les Pumas étaient tout aussi pressurisés que nos Bleus. Comme en France, cela a coûté sa place au sélectionneur, Daniel Hourcade, après trois roustes indécentes sur leurs terres en juin, face au pays de Galles puis l’Écosse. Le changement, chez eux, a connu des effets plus glorieux avec des Four Nations d’un tout autre standing, deux victoires à la clé.
Ces Argentins s’avancent donc en regain de confiance, de certitudes et d’appétit. Assez pour accepter, eux, de se projeter. « L’équipe qui gagnera samedi gagnera au Japon », a claqué le futur ouvreur du Stade français. Avant de nuancer : « Au moins, elle prendra un fort ascendant psychologique. » C’est tout de même plus acceptable et situe sérieusement l’enjeu du match. Bouillant, à tous les égards.
Entre la France et l’Argentine, la facette mentale n’est pas à négliger. Elle est même principale, dominante sur beaucoup des choses habituelles du rugby. L’histoire prouve l’émotivité qui émane invariablement de ces rencontres latines. Jacques Brunel ne l’ignore pas, qui a connu les confrontations du Mondial 2007 où les mots ont, souvent, fait plus mal que les coups. Pour lui, comme ses hommes, samedi, le Mondial à venir ne sera qu’un décorum à l’urgence. L’ignorer serait, toutefois, une folie.