Parce que les leaders sont en colère
Après les courts revers face à l’Afrique du Sud (17-18, novembre 2017), l’Australie (23-25, novembre 2016), la Nouvelle-Zélande (19-24, novembre 2016) ou encore l’Irlande (13-15, février 2018), une même ritournelle, avec sa rengaine de phrases positives, tantôt sincères, tantôt forcées, avait été mécaniquement reprise : « Il faut croire en nous », disait Guy Novès, « Il peut y avoir de la fierté », reprenait Jacques Brunel, entre autres. Comme si l’avenir allait inévitablement finir par être plus rose, plus bleu. Samedi dernier, une pointe de colère, d’agacement a commencé à poindre - enfin derrière les mots d’encouragement. Dans le sillage de Guilhem Guirado, Yoann Maesti et Mathieu Bastareaud, deux des trentenaires du groupe, ont haussé le ton de plusieurs crans et ainsi décrété, entre les lignes, un premier état d’urgence : « Je n’ai pas envie d’être positif parce que c’est trop gros de perdre un match pareil », coupait court le centre, ulcéré par la répétition de scénarios catastrophes. Yoann Maestri, du haut de ses soixante-trois sélections, partageait cette irritation : « Avec les anciens, on en a connu des matchs de ce type, comme contre l’Irlande au dernier Tournoi, où tu penses que tu vas gagner et la victoire t’échappe finalement. […] Mais ça, on le dit depuis des années et malheureusement, on est à notre place. »
« SE SERVIR DE CETTE COLÈRE OU DE CE QUE VOUS VOULEZ »
Les saisons passent, les staffs changent et le constat reste identique, peu ou prou : « Moi, je n’en peux plus d’entendre qu’on était pas loin, que c’est encourageant. J’ai l’impression qu’on est tatoué à ça. »
Ce souffle de fureur ne garantit rien mais il peut attiser le vent du changement. Amener les joueurs à donner un supplément d’engagement dans les duels, les zones de rencontre, déjà. Mais opérer un déclic dans les têtes, aussi et surtout, pour mieux appréhender les moments clés de rencontres étriquées : sur un trois contre un décisif ou sur une séance de jeu au près à quelques secondes du coup de sifflet final, par exemple. Autant d’instants cruciaux trop souvent défavorables. Les succès face aux meilleures nations passent par cette exigence : « Est-ce qu’il y a du positif ? Oui, l’énergie et l’abnégation qu’on a su mettre, le fait de ne pas avoir subi […]. Mais c’est trop faible ! C’est le minimum quand on porte ce maillot, ce qu’on a déjà su faire mais cela ne suffit pas à ce niveau. »
Les Bleus ont payé pour l’apprendre. La rage suscitée par la succession des défaites du passé va-t-elle nourrir les succès de demain ? « Je ne sais pas s’il faudra se servir de cette colère ou de ce que vous voulez », soufflait Mathieu Bastareaud. Dans la semaine, des joueurs, Wenceslas Lauret et Kelian Galletier en tête, ont en tout cas évoqué leur dépit à la lecture des commentaires écrits à leur sujet. Si l’envie de « faire fermer leur gueule aux journalistes » et autres, dixit le Racingman, peut les amener à se rebeller contre euxmêmes, alors tant mieux...