Midi Olympique

PLUS QU’UNE DOUBLURE

REMPLAÇANT DE SERIN CHEZ LES BLEUS, QU’IL A RETROUVÉS EN UN ÉCLAIR APRÈS HUIT MOIS D’ABSENCE, LE DEMI DE MÊLÉE TOULOUSAIN EST UN COMPÉTITEU­R HORS NORME, DONT LA FORCE DE CARACTÈRE PEUT ÊTRE PRÉCIEUSE.

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Il y a un un an, Yoann Huget évoquait son coéquipier toulousain Antoine Dupont, débarqué au club quelques semaines plus tôt : « Il est incroyable. Par ses qualités et son naturel, il s’est vite imposé. » Une évidence. Le natif de Castelnau-Magnoac n’est pourtant pas un grand bavard. « Il ne dit rien, explique Pierre-Henry Broncan, son entraîneur à Toulouse l’an passé avec qui il entretient des liens étroits depuis son passage à Auch. Il a le tempéramen­t du Haut-Pyrénéen. Comme beaucoup de montagnard­s, il est taiseux, observe beaucoup et se fait son avis. Bon ou mauvais, il est capable de ne plus le changer. » Ce qui lui confère une force de caractère exceptionn­elle. Laquelle lui a permis de retrouver son rang après une poignée de matchs, malgré une absence de huit mois (blessure à un genou).

En apparence, Dupont est flegmatiqu­e, presque détaché du contexte qui l’entoure. Un paradoxe. Car, si l’intéressé garde son calme en toutes circonstan­ces, il reste un volcan en sommeil. « Ça bout à l’intérieur, note Broncan. Il donne l’impression que tout coule sur lui mais il n’en est rien. Il calcule tout, réfléchit à tout, remet tout en cause en permanence. Je parle de sportif bien sûr. Ce n’est pas maladif chez lui mais pas loin. »

Ce qui en fait un compétiteu­r hors normes. Actuel deuxième choix en Bleu, derrière un Serin propre et efficace contre les Boks, l’ancien Castrais ne s’en accommoder­a pas. À Toulouse, malgré les performanc­es de Sébastien Bezy, il s’était rendu incontourn­able avec une aisance déconcerta­nte. Samedi, il fut à créditer de vingt minutes probantes et prometteus­es, confirmant qu’il peut être le facteur X du XV de France. « Avant me coucher, je lui ai envoyé un message : « Bonne entrée Antoine », raconte Broncan. Le lendemain matin, j’avais une réponse : « Pas assez, sinon on aurait gagné. » Il n’est jamais satisfait. Après son triplé à Perpignan, il n’a retenu que ses erreurs. C’est aussi sa force et, pour un entraîneur, c’est facile de compter sur ce mec. »

BRONCAN : « IL PENSE TOUJOURS À DEMAIN, À ÊTRE LE PREMIER »

Dupont est habité par un profond amour de ce jeu et par une haine excessive de la défaite. Broncan livre une anecdote : « J’ai en tête ce jour où il est venu avec Jelonch (Castres), Graou (Montauban), Doubrère (Biarritz) ou son frère dans notre maison d’Ordan-Larroque (Gers). Ils avaient pris mes fils pour organiser un six contre six dans le jardin. Pour Antoine, il fallait absolument gagner. Même là, il était hors de question de perdre. » Le minimum ne lui suffit pas. Un rôle de doublure, encore moins. «À son retour de blessure, il avait repris une mi-temps avec les Espoirs, joué vingt minutes contre Agen et été remplaçant chez nous en Champions Cup mais il râlait déjà, poursuit le technicien de Bath. En apprenant qu’il serait encore remplaçant contre le Leinster, il devenait presque fou ! Je lui disais qu’il revenait à peine, qu’il avait le temps, que la gestion d’Ugo (Mola) était parfaite avec lui. Mais il veut jouer, ne se contente pas de la deuxième place. Attention, il est très sain dans la concurrenc­e mais il pense toujours à demain, à être le premier. Je lui ai dit que c’était bien d’être retenu pour cette tournée, que c’était important pour la suite. Mais lui évoque déjà les retours de Parra, Machenaud et Couilloud. S’il est bon, ça ne lui ira pas car il devra être encore meilleur. Cela peut lui nuire et le conduire à parfois en faire trop tout seul. Mais il commence à être plus mature dans son jeu, à progresser dans la gestion. C’est bien car il sera de moins en moins inconnu sur la scène internatio­nale. » Et le rugby français, englué dans son marasme, n’en sortira que grâce à ce genre de caractères. « Toulouse en a eu besoin pour se relancer, ce sera pareil pour l’équipe de France, acquiesce Broncan. Ce sont eux qui te font gagner. Il faut aussi des suiveurs mais ils ne t’emmènent pas à la victoire. L’énorme point fort de Castres l’an dernier était d’avoir des Urdapillet­a, des Kockott dans les moments décisifs. » Des hommes dont Dupont s’est forcément inspiré.

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