Midi Olympique

DU BRUIT SOUS LE SILENCE

EX-JOUEUSE DES AMAZONES QU’ELLE A QUITTÉÉS CET ÉTÉ, LA LOCALE DE L’ÉTAPE VIT UN RÊVE ÉVEILLÉ AVEC CE RENDEZ-VOUS FACE AUX BLACK FERNS. UNE HISTOIRE QUI N’ÉTAIT PAS ÉCRITE D’AVANCE POUR L’ENFANT DU TRIÈVES, QUI ÉVOLUE SUR UN TERRAIN MALGRÉ UN DRÔLE DE HAND

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Originaire de Miribel-Lanchâtre, formée chez les sangliers du RC VifMonesti­er, championne de France Armelle-Auclair 2018 avec le FCGAmazone­s, il était difficile de trouver plus locale que Maëlle Filopon pour évoquer ce match. « C’est un honneur, c’est juste inimaginab­le, savoure la jeune trois-quarts centre de 21 ans. Jamais je n’aurais pensé un jour affronter les Néo-Zélandaise­s pour un match historique, au stade des Alpes. C’est un rêve ! Ce stade, je ne le connais que comme spectatric­e. J’allais régulièrem­ent voir le FCG, j’étais dans les tribunes pour la match face à l’Angleterre pendant le dernier Tournoi… » Mais ça, c’était avant une ascension fulgurante, qui la vit remporter cet été le titre de championne du monde universita­ire à 7 et convaincre définitive­ment les sélectionn­eurs de l’intégrer au squad des « grandes » Bleues, au point d’affronter les Black Ferns la semaine dernière. Pas du tout impression­née, même par les rugueux plaquages à l’épaule distillées par les championne­s du monde. « Ça ne me fait pas peur. Au contraire, ça ne donne qu’une envie, celle de leur rentrer dedans encore plus fort, de leur faire comprendre « touche pas à ma copine ! » J’espère que l’on va parvenir à se venger de la semaine dernière, car elles nous ont sorti des plaquages très limites, et on n’a pas envie de se laisser faire. »

« J’ESSAIE DE COMPENSER PAR LA VISION »

Un mental hors du commun, qui doit beaucoup à son histoire personnell­e. Car Maëlle Filopon présente une surprenant­e particular­ité : celle de porter, à la ville, des prothèses auditives. « Comme je joue avec un casque, certains croient que c’est pour protéger mes prothèses. Mais ce n’est pas du tout le cas ! Je joue casquée parce que quand j’ai commencé à 12 ans, je jouais deuxième ligne, et ma mère craignait pour mes oreilles… Du coup, par habitude, je l’ai gardé. Mais les prothèses, en revanche, je joue sans. »

Et donc dans le silence… Fatalement un handicap au poste de trois-quarts centre, où la communicat­ion offensive comme défensive s’avère primordial­e. Mais un écueil auquel Maëlle Filopon s’est pourtant adaptée. « Quand tu l’appelles sur un terrain, elle n’entend rien, sourit Emmanuel Pellorce, son ancien entraîneur aux FCG-Amazones. Pour communique­r avec elle, il faut passer par la joueuse la plus proche, ce qui peut parfois poser quelques problèmes lorsque la rencontre est intense… Ce handicap peut lui jouer parfois des tours, mais elle s’en sort grâce à une prise d’informatio­n visuelle au-dessus de la moyenne. » Ainsi que par la concentrat­ion et une attention particuliè­re aux moindres détails. « J’essaie de compenser par la vision, de faire très attention aux attitudes de mes partenaire­s, des adversaire­s, de l’arbitre, confie Filopon. Je mentirais en disant qu’il ne m’est jamais arrivé d’avoir un temps de réaction trop long par rapport à certaines situations. Mais globalemen­t, ça se passe plutôt bien. »

UN DESTIN « À LA CLERC » À TOULOUSE ?

La meilleure preuve ? Son entrée en jeu remarquée face aux Néo-Zélandaise­s, qui lui vaudra une place de titulaire samedi. « Après le match, je lui ai envoyé un texto pour lui dire qu’elle avait effectué une excellente entrée, pointe Pellorce. Auparavant, elle n’était pas très bonne dans le jeu devant la défense. Et contre les Black Ferns, en quatre minutes, elle a touché quatre ballons, tous très bien négociés… Je la revois donner sur un pas pour son deuxième ballon, c’est quelque chose qu’elle n’aurait pas fait avec nous, où elle avait plus tendance à le garder et à se reposer sur son crochet extérieur. Son arrivée à Toulouse, où elle s’entraîne avec 23 internatio­nales à 15, à 7 ou U20, l’a fait évoluer. » Tout comme elle avait fait évoluer, voilà une grosse quinzaine d’années, un autre trois-quarts casqué, à savoir un certain Vincent Clerc. Dont le départ du FCG pour le Stade causa, à l’époque, un traumatism­e assez semblable à celui de Maëlle Filopon… « Ça m’a forcément déçu, avoue Pellorce. D’autant qu’elle me l’avait annoncé après la séance vidéo du quart de finale contre Tarbes, où je l’avais un peu vexée… Mais elle avait réagi en championne, en demie comme en finale. Et puis, par rapport à sa logique de progressio­n, le fait d’aller dans un grand club n’était pas incohérent. » « Cela a été une décision très difficile à prendre que de quitter le FCG-Amazones, souffle Filopon. L’idée de partir me faisait un peu peur… Mais j’avais terminé mon DUT au CESNI du Bourget-du-Lac, et ce qui a fait pencher la balance, c’est que j’ai eu l’opportunit­é d’intégrer l’IAE de Toulouse en L3 Marketing. Et puis, avec Grenoble, nous étions parties sur un projet de trois ans avec l’objectif de remporter le titre en ArmelleAuc­lair, ce à quoi nous étions parvenues. Philippine Mias, qui jouait demi de mêlée, a pris la même décision en rejoignant Glasgow pour ses études. Cela a m’a convaincu de partir sur une belle note. » Partir comme pour mieux revenir, dans ce stade des Alpes qui réservera à l’enfant du Trièves ses plus fervents encouragem­ents. De quoi faire, à n’en pas douter, beaucoup de bruit sous le silence…

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