Midi Olympique

« Nous n’avons pas de marge »

MATHIEU BASTAREAUD - Trois-quarts centre du XV de France DIMANCHE MATIN, LE TOULONNAIS A ACCEPTÉ LE PRINCIPE D’UN LONG ENTRETIEN AFIN DE REVENIR SUR LES DEUX PREMIERS MATCHS DE LA TOURNÉE. ET D’ÉVOQUER AUSSI SON NOUVEAU RÔLE AU SEIN DU XV DE FRANCE.

- Propos recueillis à Lille par Pierre-Laurent GOU pierre-laurent.gou@midi-olympique.fr

Est-ce plus facile de se réveiller après une victoire probante qu’après une cruelle défaite ?

Tu t’endors plus vite, tu dors mieux et tu as moins mal le matin. Tout le monde s’est levé avec le sourire au petit-déjeuner. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça. Chacun d’entre nous a le sentiment d’avoir fait le boulot et pourra arriver cette semaine aux entraîneme­nts avec plus d’entrain.

On a l’impression que les « anciens» du groupe ne voulaient pas rater leur match. Aviez-vous l’intention de démontrer que vous n’étiez pas finis, que l’on pouvait encore croire en vous ?

Après le revers face aux Springboks, nous nous sommes parlé en tout début de semaine pour évacuer la frustratio­n de la défaite afin de se dire «Stop : arrêtons de discuter et montrons des actes.» C’est bien de prendre la parole au nom du groupe mais c’est mieux de démontrer sur le terrain quelle est ta vraie valeur. Et nous, leaders, on se devait de montrer la voie au groupe, d’emmener les autres avec nous.

Vous paraissez afficher une confiance, une sérénité que nous ne vous connaissio­ns pas. À quoi est-ce dû ?

Depuis l’année dernière, que ce soit en club ou en sélection, j’ai de nouvelles responsabi­lités à assumer. J’ai appris le métier de leader sur le tas ! J’ai eu des bons modèles à Toulon ou en équipe de France. Quand j’ai été nommé capitaine, j’ai essayé de m’inspirer d’eux tout en ne changeant pas ma façon d’être. Je ne suis pas quelqu’un qui s’exprime beaucoup. J’aimais la manière dont Thierry Dusautoir transmetta­it ses attentes. En un regard, il savait faire passer ses messages. J’essaie de fonctionne­r pareil.

Après, le terrain parle. Je tente d’être performant et irréprocha­ble en match.

Je ne triche pas dans mon investisse­ment. Je crois que les mecs le voient et me suivent.

Êtes-vous plus rigoureux sur le terrain qu’auparavant ?

Avec l’âge et l’expérience, je suis devenu moins « foufou ». Côtoyer des joueurs comme Jonny Wilkinson ou Ma’a Nonu m’a beaucoup apporté sur ce plan-là. Ils restent calmes et froids en toutes circonstan­ces, quelle que soit la physionomi­e du match. J’ai beaucoup appris à leurs côtés.

Comment est née votre complicité avec Guilhem Guirado ?

Cela commence à faire longtemps qu’on cohabite. Nous avons appris à nous connaître à Toulon. Nous sommes tous les deux de gros caractères et, pourtant, on ne s’est jamais engueulé. Guilhem s’investit énormément dans la vie d’un groupe. Ce gars-là, tu as envie de le suivre.

Depuis quelque temps, on a l’impression que vous avez cherché à étoffer votre palette. Terminé le «Bastareaud 100 % bulldozer» ?

Effectivem­ent, j’ai essayé de faire évoluer mon jeu car il en avait besoin. Par le passé, on m’a souvent cantonné dans un rôle de joueur puissant. Mais c’était aussi une question de confiance. Il y a des choses que je m’interdisai­s de tenter. On m’avait tellement rabâché que je n’étais pas capable de les faire que j’ai fini par le croire. Je n’osais pas adresser une passe longue, je cherchais à me sécuriser dans ce que je savais faire... Aujourd’hui, j’arrive à un âge où le jugement des autres m’importe moins. Du coup, je me lâche plus. J’ai aussi davantage confiance en mes moyens rugbystiqu­es.

Pourquoi avez-vous plus confiance en vous ? Grâce aux titres décrochés avec le RCT ?

Non. Ce qui m’a donné confiance, c’est l’évolution du regard de certains de mes coéquipier­s. Des joueurs que j’admirais quand j’étais plus jeune. Quand tu perçois dans les yeux d’un Ma’a Nonu la confiance qu’il a en toi, au moment de recevoir ou de te faire une passe, tu évolues, tu progresses. J’avais une étiquette de «coffre à ballon» pour beaucoup, mais pas pour lui. Lui, ou Matt Giteau d’ailleurs, m’ont transmis cette confiance, petit à petit. J’étais aux premières loges pour les observer à l’entraîneme­nt. Ils tentent énormément de choses. Je m’y suis mis. J’ai commis des erreurs mais, à force de pratiquer, je me suis renforcé.

Faut-il croire en ce groupe France ?

La victoire était importante pour notre confiance. Nous en avions besoin. Ceci dit, le boulot n’est pas terminé. Il reste un match, qui a tout du piège. Cela n’aura servi à rien de mettre 30 points aux Argentins, si on perd face aux Fidjiens. Nous n’avons pas de marge d’erreur comme peuvent l’avoir les Irlandais ou les Anglais. On se doit de mettre la même intensité dans notre investisse­ment, dans notre exigence et ceci face à n’importe quel adversaire. Dans ces cas-là, nous sommes capables de belles choses. Autrement, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle déconvenue. Samedi prochain, nous serons dans la peau du favori, cela ne nous a jamais trop réussi. Il va falloir assumer et terminer le travail de cet automne.

Votre associatio­n avec Gaël Fickou est apparue convaincan­te. Jusqu’à présent, vous aviez plutôt tendance à vous croiser, mais pas à être utilisé ensemble…

Pourtant, cela fait longtemps qu’on se connaît avec Gaël. Il a réalisé un début de saison impression­nant avec le Stade français. C’était logique, légitime, qu’il ait sa chance à un moment dans cette tournée. Nous avons préparé ce match le plus simplement possible. Gaël est un joueur avec énormément de qualités. C’est facile d’évoluer à ses côtés.

Pour la première fois de votre carrière, vous semblez « installé » en équipe de France…

(Il coupe) Je sais par expérience que l’on n’est jamais installé, surtout chez les Bleus. Je me donne juste les moyens pour postuler. Au centre, c’est un des postes où il y a énormément de concurrenc­e avec pas mal de profils différents. C’est très bien, cela stimule !

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