CONTOURNER LES « COUPEURS DE TÊTE »
SI LA DÉFENSE AGRESSIVE DES FIDJIENS SE VEUT DISSUASIVE, CELLE-CI N’EN OUVRE PAS MOINS D’ÉNORMES ESPACES. À CONDITION POUR LES BLEUS D’ÊTRE ASSEZ ORGANISÉS ET ADROITS TECHNIQUEMENT POUR LES EXPLOITER...
Àchaque affrontement du XV de France avec une formation venue du Pacifique, ce sont les mêmes rengaines qui ressortent, qui font la part belle à la nécessité de « rester bien gainé après la passe » sous peine de perdre quelques côtelettes… Le truc ? C’est que, même si on déteste donner raison aux lieux communs, l’antienne se vérifie à chaque fois. Parce que les Samoans, Tongiens et autre Fidjiens raffolent du défi physique et de faire mal à l’adversaire, ceux-ci ont régulièrement tendance à perdre leur organisation après plusieurs temps de jeu pour revenir sur de la défense individuelle, le but étant pour ces derniers d’anticiper et de monter très vite pour prendre l’adversaire en même temps que le ballon. De fait, il n’y a aucune raison d’imaginer que les Fidjiens aillent contre leur nature profonde face aux Bleus, samedi au stade de France. Ce qui constituera un test grandeur nature pour la ligne d’attaque des Tricolores, dont on pourra mieux mesurer la progression après les promesses entrevues le week-end dernier contre l’Argentine.
REPRISE DE LA PROFONDEUR
À ce titre, la performance réalisée par les Écossais le 10 novembre (54-17) constitue le meilleur exemple pour les Bleus, qui vit le XV du Chardon prendre patiemment le dessus dans le combat d’avants pour user les Iliens, avant de lâcher les chevaux dans le dernier quart d’heure. Ce qui fut fait, là encore, avec méthode… Conscients que les Fidjiens allaient, sur la fatigue, céder à leur péché mignon de la défense individuelle, les Écossais avaient mis en place un système d’animation en « double leurre », proche de ce que l’on observe régulièrement dans le rugby à XIII, qui berna complètement leurs adversaires. En clair, en plus du traditionnel troisquarts dans le dos de la cellule d’avants après relance de jeu, les Highlanders sont parvenus au milieu du terrain à faire trancher le deuxième bloc d’avants devant un deuxième trois-quarts. « On savait qu’en fin de match, des espaces allaient s’ouvrir lorsque les Fidjiens allaient vouloir réussir le plaquage décisif plutôt que rester bien en ligne, commentait après coup le sélectionneur Greg Townsend. Tout ce que nous avions à faire, C’était de bien communiquer depuis l’extérieur, et trouver les bons timings pour les attaquer en reprenant de la profondeur. » Une méthode parfaitement exécutée sur le troisième essai de Tommy Seymour (voir ci-dessus), dont le XV de France serait bien inspiré… de s’inspirer, à défaut de le copier ! Car s’il semble illusoire d’attendre des Bleus qu’ils improvisent en moins d’une semaine une animation offensive que les Écossais ont mis des mois à peaufiner, on peut au moins espérer voir les trois-quarts français attaquer avec suffisamment de profondeur pour battre la défense sur la simple qualité du jeu de ligne, en négociant classiquement les surnombres. La défense fidjienne s’y prête, en tout cas. Qui pourrait permettre aux Bleus de conclure ces tests de novembre avec quelques sourires, à condition de s’en créer les conditions.