Midi Olympique

UN SEUL ÊTRE VOUS REVIENT…

ALORS QU’IL NE DEVAIT PAS PARTICIPER À LA RENCONTRE, MORGA PARRA S’EST FINALEMENT RETROUVÉ SUR LE BANC APRÈS LA BLESSURE VENDREDI DE PATRICIO FERNANDEZ. ET SUR LE TERRAIN DÈS LA MITEMPS, OÙ SON ENTRÉE EN JEU À UNE NOUVELLE FOIS CHANGÉ LA FACE DE SON ÉQUIP

- À l’image d’Alivereti Raka qui déborde ici la défense lyonnaise, les Auvergnats ont littéralem­ent pris leurs adversaire­s de vitesse. Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr LYON CRETIN TOUCHÉ À L’ÉPAULE

Photo Vincent Duvivier

Et Patricio Fernandez resta sur le carreau, touché aux adducteurs. On était vendredi, à 48 heures du match. Privé de son ouvreur titulaire, Franck Azéma se voyait alors placé face à un terrible dilemme, au moment de faire monter le polyvalent Tim Nanai-Williams à l’ouverture. Qui placer sur le banc ? Sauf que le manager clermontoi­s n’eut même pas à se poser la question, puisqu’une main vint instantané­ment lui frapper l’épaule. Agrémentée d’une petite voix qui lui disait : « C’est bon, je suis là… » Cette voix ? C’était celle de Morgan Parra.Victime d’une fracture du poignet voilà trois semaines, le demi de mêlée auvergnat n’avait retiré son attelle que depuis 48 heures lorsqu’il fut placé par le destin face à ses responsabi­lités. Et décida, en bon capitaine, d’y faire face. « On n’est jamais vraiment prêt à 100 %, souriait Parra. Si tu attends d’être en pleine possession de tes moyens pour jouer, tu ne fais pas beaucoup de matchs. J’ai encore une petite gêne, bien sûr. Mais l’inconnue était surtout physique, parce que je ne savais pas du tout à quel niveau je me situais, d’autant que je n’avais plus fait de muscu pendant trois semaines. Même si j’avoue que ça ne m’avait pas vraiment manqué. »

Voilà donc comment Morgan Parra se retrouva sur le banc, à la grande surprise de tous les observateu­rs, dont l’entraîneur adverse Pierre Mignoni qui crut sûrement à une intox. « C’était une surprise pour tout le monde qu’il soit là. En revanche, ce qu’il a encore fait n’a surpris personne. Et c’est malheureux pour nous… » Ce qu’il a fait, précisémen­t ? Oh, trois fois rien : simplement changer le visage de la partie. Ainsi, alors qu’ils menaient péniblemen­t 8-6 à la pause, les Auvergnats transfigur­és par l’entrée de leur capitaine surent aller chercher un point de bonus offensif qui ne souffre d’aucune contestati­on. « L’entrée de Morgan n’a rien à voir avec la prestation de Charlie Cassang, je lui ai d’ailleurs bien expliqué à la mi-temps, expliquait après coup le manager Franck Azéma. Mais au vu des difficulté­s que connaissai­t Tim dans la gestion et le jeu au pied, c’était important de faire rentrer Morgan. Il nous a permis de monter en intensité. Les sorties de balles ont été plus rapides dans les rucks, et c’est ce qui a permis de faire péter le verrou adverse. » La présence de Parra sur le terrain ayant en effet le réflexe de transcende­r ses partenaire­s, comme rassurés et surmotivés par l’arrivée de leur cornac. Sans que celui-ci n’ait pourtant eu besoin de grands discours… « À la mi-temps, Franck ne m’a pas donné de consignes, se souvenait Parra. Ah si, de gérer un peu le jeu au pied par rapport à Tim. Je ne m’étais jamais entraîné avec lui, à part lors de la mise en place de vendredi. j’ai tourné avec lui deux ou trois fois, mais c’est tout. C’était dur pour lui, parce qu’en plus il ne parle pas bien français. Mais je pense qu’il était quand même bien entouré, avec Wesley Fofana, George Moala et Ice Toeava, qui l’ont bien guidé. »

AZÉMA : « IL CONNAÎT MIEUX LE PROJET QUE MOI »

Et Parra, donc, à qui Franck Azéma ne se privait pas de tirer un grand coup de chapeau. « Je ne lui ai pas donné de consignes parce qu’il est assez grand pour ne pas en avoir besoin, s’amusait le manager. Et c’est justement ce qui est appréciabl­e, quand on peut compter sur des joueurs aussi autonomes. Avant le match, il n’a eu besoin que de quelques minutes pour apprendre la stratégie. Quand à notre projet, je n’en parle même pas. En tant que capitaine de l’équipe, c’est aussi le sien, et il le connaît peut-être mieux que moi. » Un leader, un vrai, probableme­nt de la trempe de ceux qui ont si cruellemen­t manqué aux Bleus durant cette tournée de novembre… Une nouvelle plaie sur laquelle Parra a pourtant préféré ne pas s’attarder. « Quand je me suis blessé, j’ai su tout de suite que quelque chose n’allait pas, ce que l’IRM a confirmé. Mais aujourd’hui, j’ai plus de recul par rapport à l’équipe de France. Je prends ce que je peux prendre, je ne vais pas me taper la tête contre les murs si je n’y suis pas. Je suis surtout comme vous : je suis Français, alors même si je n’y étais pas, ce qui s’est passé m’attriste. Ça m’embête pour les joueurs, pour tout le monde, parce que j’y ai quand même quelques copains. Après, quand tu n’es pas dedans, tu ne sais pas ce qui se passe. Alors, je vais m’abstenir de tenir des raisonneme­nts. »

Parra préférant aux discours la vérité du terrain. Ce dont les Bleus, comme Clermont, auront bien besoin pour l’ouverture du Tournoi, dans quelques semaines…

Compétitio­n féroce à défaut d’être spectacula­ire, le Top 14 a ses propres codes, dont les Bleus ne finissent plus de pâtir. L’un de ces codes, hérité de l’antédiluvi­enne culture du rugby français ? Il est que, pour l’emporter à l’extérieur, mieux vaut privilégie­r la méthode Clausewitz qu’un rugby total. À savoir occuper le terrain, défendre proprement, et attendre une éventuelle occasion de contre. Une méthode que le Lou de Pierre Mignoni maîtrise évidemment par coeur… Meilleure défense du championna­t avec seulement 17 points de moyenne encaissés et à peine 14 essais depuis le début de la saison, forts de buteurs exceptionn­els (79 % de réussite sur l’ensemble de la saison), les Lyonnais présentaie­nt avant ce match une autre statistiqu­e révélatric­e : celle d’être l’équipe du Top 14 à utiliser le moins le ballon dans son camp, avec seulement 66 % de possession dans sa propre moitié de terrain. Une preuve parmi d’autres du pragmatism­e rhodanien, illustré par la compositio­n d’équipe concoctée pour l’occasion par Pierre Mignoni. En privilégia­nt par exemple Doussain à Beauxis, le technicien lyonnais souhaitait ainsi blinder au maximum la zone de l’ouvreur, tout en optant pour le pack le plus mobile possible (avec Oosthuizen en deuxième ligne et Goujon sur le banc, tandis que Fourie occupait le poste de numéro 8 en l’absence de Fearns, ménagé) et des trois-quarts taillés pour le jeu aérien (Ngatai au centre et mignot à l’aile au détriment de Wulf et Arnold). Autant de choix qui ne laissaient aucune part au doute : pour réaliser un coup à Clermont, les Lyonnais avaient plus que jamais pris le parti d’une stratégie qui oppose, plutôt qu’un rugby qui propose…

20 PÉNALITÉS CONCÉDÉES, RECORD DE LA SAISON

Le truc ? C’est que les Lyonnais se sont trouvés, à leur corps défendant ou presque, beaucoup plus à l’attaque que prévu en première période. La faute à l’insigne faiblesse dans le jeu au pied des Clermontoi­s, entre autres, qui leur permit d’occuper à peu de frais le camp adverse, et même d’y tenir régulièrem­ent le ballon. Sauf que jamais le Lou ne parvint à trouver la faille, en panne d’idées voire de lucidité, à l’image d’un deux contre un d’école gâché en bout de ligne par Oosthuizen, ou d’un lancement après mêlée sur lequel Mignot eut la mauvaise idée de s’empaler sur Toeava, avant de se faire projeter en touche. Et on ne parle pas, évidemment, d’un surnombre qui semblait gagnant en bout de ligne, annihilé par une mauvaise transmissi­on de Buttin. « On a scoré à coups de trois points, mais globalemen­t, on n’a pas assez marqué, regrettait Mignoni. À ce jeu, il faut être réaliste et nous n’y sommes pas parvenus. Ensuite, Clermont nous a poussé à la faute. On concède, 20 pénalités, le record de la saison. » Autant de scories qui, au retour des vestiaires, ne pouvaient que faire se retourner la stratégie des Lyonnais contre eux. « Jusqu’à la mi-temps, on était bien dedans, soupirait le capitaine Puricelli. On réussissai­t à les frustrer un peu en leur mettant de la pression sur la charnière, en isolant plutôt bien Raka… Et tout s’est écroulé. c’est peut-être de ma faute, car j’avais beaucoup insisté dans la semaine sur l’importance d’être dans le coup à la mi-temps. On s’est un peu endormi là-dessus. Maintenant, si on ne comprend pas qu’un match dure 80 minutes. Il va falloir qu’on soit capable de changer de disque. » Surtout pour empocher un succès à Clermont, après lequel le Lou court toujours depuis 65 ans. Sorti en première période après un choc frontal avec Fritz Lee, le jeune troisième ligne lyonnais Dylan Cretin souffre d’une entorse acromio-clavivulai­re qui devrait le tenir éloigné des terrains plusieurs semaines.

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