Midi Olympique

LE NOËL D’OUMA

VENUE POUR ASSOUVIR UNE PASSION, LA JEUNE INTERNATIO­NALE TUNISIENNE OUMAYMA DZIRI A VÉCU UNE CRUELLE DÉSILLUSIO­N. AVANT D’ÊTRE RECUEILLIE PAR UN CLUB.

- Par Gérard PIFFETEAU Dans sa famille d’accueil, auprès de la généreuse Annick Baillet, Oumayma Dziri a enfin trouvé le réconfort. Avec Clément Dehez en soutien, Guillaume Cramont impulse l’avancée dacquoise.

Sous nos yeux, la discipline rugby est engagée tous azimuts dans de rudes batailles. Et donc, quand de la banalité ordinaire jaillit la lumière d’un conte de Noël, nous devons nous réjouir de la survivance ici ou là de ces valeurs dont se vante notre sport. Et une nouvelle fois, après les liens étroits tissés avec l’associatio­n Heini Adams en faveur des jeunes sud-africains des ghettos, le bel exemple nous vient de l’ES Bruges-Blanquefor­t, club territoria­l de Côted’Argent, modeste certes, mais digne. Il y a cinq ans, jeune écolière de Sousse en Tunisie, Oumayma Dziri a fait le rêve de devenir rugbywomen, au grand désarroi de sa maman très réticente. Mais l’enfant a du caractère, elle impose son choix et intègre le club local en promettant de réussir dans ses études.

Aujourd’hui, l’étudiante en fac de sports a 20 ans. Avec l’équipe de Tunisie à 7 elle a participé aux jeux Olympiques de la jeunesse en Chine et elle figure dans le groupe senior engagé dans le tournoi de préqualifi­cation aux prochains JO. Décelant en elle un vrai talent, Didier Souliès l’entraîneur de l’équipe de Tunisie, prof à la faculté des sports de Bordeaux, lui a conseillé de venir en France perfection­ner son rugby. Après un Bac obtenu à Tunis, elle a franchi le pas avec enthousias­me, gonflée d’une folle espérance, mais Ouma ignorait que le monde pouvait être cruel avec les « rêveuses ». Comme il l’a été pour deux de ses camarades d’aventure qui ont dû quitter la France. Son histoire, la jeune femme la raconte, un trouble dans la voix : « J’avais dix jours pour préparer le dossier avant la fermeture du site. Le club qui m’a accueilli m’a logé en hôtel pendant une semaine avant de rompre le contact. Je me suis retrouvée dans la rue avec ma valise. Quelqu’un m’a proposé un hébergemen­t à 50 km de Bordeaux et je devais me lever chaque jour à cinq heures du matin pour aller suivre les cours de la fac des sports. »

LA FIN D’UNE DURE ÉPREUVE

L’oiseau tombé du nid est en pleine détresse lorsqu’on lui présente Nicolas Laclau l’entraîneur de l’ESBB. Le test sportif qu’il Photo DR

lui fait subir est des plus concluants et le club de Bruges s’acquitte de la licence. Enfin l’horizon d’Ouma s’éclaire.Totalement démunie, elle va faire une rencontre qui va changer le cours de sa jeune existence. Digne héritière de la regrettée « Calou » Annick Baillet, dirigeante de la section féminine de Bruges s’émeut et se révolte : « Sa situation était inadmissib­le. Son histoire m’a touchée et au téléphone j’ai rassuré sa maman qui pleurait. Je l’héberge depuis un mois et tant qu’il le faudra elle restera à la maison. Elle a ses clefs. C’est pour moi une expérience et des échanges très riches. Elle le mérite. »

Aujourd’hui, le visage éclairé d’Ouma traduit son bonheur d’avoir trouvé une seconde famille au sein de laquelle elle vivra son premier Noël. Elle s’est courageuse­ment motivée pour traverser sans trop de dégâts une période très ingrate et le rugby est naturellem­ent redevenu son exutoire. « Le rugby c’est ma vie, il m’aide à réaliser mes rêves. » Le bel élan impulsé par le club de Bruges a franchi la Méditerran­ée. À la présidente Delphine Pelisse déclarant : « Nous sommes un tout petit club mais Ouma n’est plus seule », le DTN tunisien Nourdine Amara a joliment répondu en refusant de percevoir l’indemnité de formation de 1 500 € à la charge de l’ESBB. Nous sommes proches de l’épilogue, Oumayma, heureuse, a enfin obtenu sa licence. La compétitri­ce aux ailes coupées peut reprendre son vol.

Après bien des déboires, l’US Dax a fini par glisser dans les eaux de la Fédérale 1. Elle ne s’est pas noyée. Le coeur bat toujours et il irrigue une formation Crabos qui la raccroche à son passé récent. Car cette équipe possède un signe particulie­r, elle est la seule « Crabos » en Nouvelle-Aquitaine reliée à un club fédéral. Ce qui n’empêche pas les 36 éléments du groupe coaché par Anthony SalleCane,Thibaut Lesparre et Claude Bats de plutôt bien se tirer d’affaire. Le club veut y voir un message réconforta­nt et produit un effort important de séduction en direction des trois lycées de la ville. L’USD a voulu mettre l’humain au centre de cette catégorie en organisant le mercredi un accompagne­ment sportif et scolaire qui rassure les parents. Elle possède même un immeuble où sont logés une vingtaine de jeunes joueurs. Présent au club depuis seize ans, nommé par Jérôme Daret il y a trois ans au poste de manager des Crabos, Bernard Duvignacq accomplit sa mission avec une foi et un enthousias­me communicat­ifs. Il croit aux vertus de la formation, il parle avec fierté de ces deux jeunes mineurs, Clément Dehez et Théo Barada déjà « pistés » par de gros clubs pros et qui ont été conservés en les intégrant au centre de formation sous le couvert de tuteurs. Il ne désespère pas les garder en rouge et blanc une saison supplément­aire mais il avoue : « Jusqu’à quand pourrons-nous continuer ? »

LA QUALIFICAT­ION EN TÊTE

Un sentiment de fatalité affleure mais Bernard Duvignacq est un lutteur : « On rencontre des équipes très épaisses mais on ne prend pas de secouées. On s’y file. Pourtant nos joueurs sont issus de Dax ou des villages à 30 kilomètres à la Photo DR ronde, Saint-Sever, Soustons, Pouillon ou Mugron. Les Pouyleau, Bidau, Trémau, Reteau ou Garrouteig­t sont des membres à part entière du collectif seniors. Et le deuxième ligne Sentucq y participe également. Songez que pour nous rencontrer, les moins de 22 ans de Nevers sont arrivés le vendredi soir. Pour nous ce serait impossible. » Le capitaine Louis Barrère et ses copains parmi lesquels se distinguen­t quelques leaders comme Maximilien Hontarrede ou Jules Dubecq ne sont pas les plus gaillards du circuit, loin s’en faut, mais ils font face, et leur volonté de produire du mouvement fait le reste. La qualificat­ion que les Crabos dacquois ambitionne­nt viendrait comme une superbe récompense. À défaut d’être acquise, elle est présente dans les esprits. Déjà une victoire.

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