Midi Olympique

Inanimatio­n offensive

RAPHAËL IBANEZ, L’ANCIEN TALONNEUR ET CAPITAINE DU XV DE FRANCE A ACCEPTÉ D’ANALYSER LA RENCONTRE DES BLEUS, VIDÉO À L’APPUI À NOS CÔTÉS. LE CONSTAT EST AMER ET LUCIDE SUR LES OPTIONS DE JEU TRICOLORES ET LES MANQUEMENT­S NOTAMMENT EN TERMES DE COMBAT.

- Par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

Il était enthousias­te, Raphaël Ibanez. Et même emballé à l’idée de porter un regard éclairé sur les progressio­ns de l’équipe de France aperçues lors du match à Lille face à l’Argentine, une semaine plus tôt. Quand l’exercice a été proposé à l’ancien capitaine emblématiq­ue des Bleus, il était convaincu de l’avancée. Rendez-vous avait donc été pris dimanche matin, dans le cadre de l’hôtel Louison, situé à quelques encablures de la gare Montparnas­se. L’ancien manager de l’UBB était bien présent à 7 h 45, une tasse de café à la main mais le coeur lourd. « C’est terrible d’avoir à analyser une

telle rencontre, dit-il d’emblée. J’aurais tellement aimé être porté par ce qui a été vu contre les Pumas. Je n’ai jamais fait cet exercice et je me retrouve à essayer d’expliquer une défaite historique. » Et d’ajouter dans un long soupir : « Je vais essayer de mettre mon émotion de côté pour trouver des raisons objectives à ce revers. »

Pendant une heure et demie, Raphaël Ibanez a donc vu et revu les images des rares mouvements offensifs tricolores. À chaque fois, la même rengaine. « S’il y a un domaine qui a totalement échappé au XV de France, c’est le jeu dynamique, assène-t-il. La meilleure tactique pour l’équipe de France durant cette rencontre a été le ballon porté. Ce qui a, certes, permis de rester dans la course. Mais qui s’est révélé totalement insuffisan­t. » Ibanez a donc choisi d’opposer (lire ci-dessous) le contraste des intentions françaises à celles des Fidjiens. Ce qui se révèle saisissant. Là où les Français ont répété jusqu’à en vomir le même principe de jeu (ballon porté, prise du milieu de terrain par Bastareaud et retour dans le fermé), les Iliens ont affiché de farouches velléités dans le jeu dynamique. « Le contraste a été saisissant entre une équipe de France très prévisible dans ses initiative­s ballon en main et les Fidjiens en démonstrat­ion offensive, détaille

Ibanez. Sur la vitesse d’exécution, sur la prise d’initiative et le gain de la ligne d’avantage, il n’y a pas eu photo. Les Bleus m’ont semblé timorés, ils n’ont fait que du jeu à une passe (voir encadré en bas), comme si la passe était une prise de risque. » « PARFOIS QUAND LES MAUVAIS CHOIX SE SUCCÈDENT, L’ENGAGEMENT PHYSIQUE PARVIENT À RATTRAPER LA MÉDIOCRITÉ DU JEU » Les images se sont succédé, la sensation d’Ibanez est restée la même. Celle de la veille était la bonne. Faute de mouvement suffisant de la part des avants et en raison de la stratégie établie par le staff censée trouver des failles sur les retours intérieurs, les joueurs de Jacques Brunel, sa charnière Serin-Lopez notamment, se sont fourvoyés. « Aucune équipe ne peut faire planer de menace sur une défense adverse en jouant sur un périmètre

aussi restreint, juge Ibanez. C’est trop lisible et trop facile à défendre pour l’adversaire. L’équipe de France a basé son jeu sur le défi physique, seulement, à aucun moment ou presque, la ligne

d’avantage n’a été gagnée. » L’action décryptée plus bas est caractéris­tique de l’état d’esprit qui anime cette équipe de France. L’homme aux 98 sélections en était convaincu ce dimanche matin. Il a d’ailleurs identifié plusieurs situations quasi-identiques. Trop, beaucoup trop, pour les deux seules pages d’un journal aussi spécialisé soit-il…

Meurtri, Raphaël Ibanez s’est donc montré parfois agacé par des choix ou des comporteme­nts. Mais pas seulement. Le manque d’agressivit­é des uns ou des autres dans les zones de combat au sol l’a particuliè­rement irrité. Il a donc tapé du pied sur le sol et du poing sur sa cuisse droite. Il a repris un café aussi, avec un peu sucre pour adoucir. « Parfois quand les mauvais choix se succèdent, l’engagement physique parvient à rattraper la médiocrité du jeu, reprend-il. Mais, ça n’a pas été le cas sur ce match. Le peu d’engagement qu’il y a eu sur les zones de combat de la part des Français a permis aux Fidjiens de gagner leurs

duels et d’avancer sur les impacts. » De jouer, tout simplement. Mais aussi de construire des actions abouties. À croire que cette équipe fidjienne, pourtant en manque d’entraîneme­nt commun, avait plus de repères collectifs que le XV de France. Et ça, c’est franchemen­t problémati­que.

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