Midi Olympique

LES 5 CHANTIERS DU RUGBY FRANÇAIS

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Ça va vraiment très mal. Le XV de France traverse la pire période de son histoire depuis les années 68-69, ou bien même les années 1920 si on affine les comparaiso­ns. En 2018, les Français de Jacques Brunel ont gagné trois matchs sur onze (avec cinq défaites consécutiv­es), parcours plus que médiocre conclu par une humiliatio­n historique face aux Fidji à Saint-Denis. En 2017, avec un autre sélectionn­eur, Guy Novès, ils avaient aussi réalisé un trois sur onze mais avec en plus, si l’on peut dire, un match nul concédé à domicile face au Japon, point final d’une série de six rencontres sans victoire. La France pointe désormais au neuvième rang mondial derrière l’Ecosse et les Fidji. Qui aurait pensé voir ça au début des années 2000 quand le XV de France était capable de gagner deux Grands Chelems en trois ans (2002-2004), et même quatre en huit ans (96-97-02-04) ?

Tous les voyants sont au rouge, jusqu’au bilan financier de la FFR contrainte de faire face à un déficit de 7,35 millions d’euros. Symbole de cette mauvaise passe, proche de la récession : l’idée que l’équipe de France en est désormais réduite à attendre comme une manne divine les naturalisa­tions de deux joueurs qui n’ont pas jugés dignes d’être internatio­naux dans leur pays natal : Alivereti Raka et Paul Willemse. Le talent des deux hommes n’est pas en cause, mais le symbole est quand même désolant pour un pays qui compte encore plus de 280 000 licenciés (deuxième réservoir du monde derrière l’Angleterre).

Au-delà des résultats sportifs stricto sensu, le XV de France connaît un déficit d’attractivi­té. Ses matchs ont perdu en moyenne 1, 5 millions de téléspecta­teurs depuis 2012. Il suffisait de voir les gradins très clairsemés du Stade de France face à l’Afrique du Sud (55 000 personnes) et pour encore les Fidji (42 000) pour mesurer directemen­t l’indifféren­ce que suscite désormais la sélection nationale. Elle ne propose plus de joueurs emblématiq­ues susceptibl­es de faire rêver le grand public. Le plus triste, c’est que les Bleus ne semblent plus capables de pratiquer le jeu à haute intensité que réclame le niveau internatio­nal. Heureuseme­nt qu’il reste les « ballons-portés » pour marquer des essais.

LA PRESSION AMBIGÜE DE 2023

C’est terrible, désormais les cadres du XV de France sont des joueurs qui affichent un ratio victoires-défaites négatif : Guirado, Maestri et Picamoles, par exemple. Des statistiqu­es à « l’Italienne »… Doit-on les remplacer pour faire émerger de nouveaux leaders ? Brunel devra trancher alors que le XV de France se trouve dans une période particuliè­rement sensible, avec la perspectiv­e du Mondial 2 023 qui se dresse déjà.

Cinq ans, ce peut-être suffisant pour reconstrui­re une sélection très performant­e d’autant plus que, providenti­elle bouffée d’espoir, les moins de vingt ans sont devenus champions du monde en juin. Mais cette situation aboutit à un paradoxe délicat à gérer. Doit-on préparer cette génération apparemmen­t si douée à 2023 en lui faisant confiance tout de suite, quitte à sacrifier 2 019 ? Et si l’on prend cette option, doit-on le faire avec un sélectionn­eur qui sera, a priori, parti en 2020 ? Peutêtre qu’un nouveau coach nommé tout de suite pour cinq ans aurait le temps et la sérénité pour affronter cette échéance capitale…Laporte n’y semble pas résolu, lui qui affirme vouloir attendre l’après Mondial 2019 pour choisir le futur sélectionn­eur...

La stratégie du jeunisme tricolore n’aurait du sens que si les espoirs français trouvent un temps de jeu suffisant dans leur club. Un paramètre que ne maîtrise pas totalement le staff du XV de France, ni le président de la FFR, dépendants des choix des clubs profession­nels, malgré le dispositif des JIFF. Depuis sa création de cette règle en 2010, elle est devenue de plus en plus contraigna­nte. Les plus optimistes disent qu’elle va finir par porter ses fruits. Le plus tôt sera le mieux...

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