« Happy hour », triste rugby
DES TRIBUNES VIDES, DES AUDIENCES EN BERNE, DES SONDAGES QUI NE DISENT RIEN D’AUTRE QUE LE DÉSAMOUR DU PUBLIC, LES BLEUS DOIVENT RÉAGIR ET LA FFR REMPLIR LES STADES. COÛTE QUE COÛTE...
C’était en février 2018. Un sondage réalisé pour RTL et Groupama par l’institut Odoxa révélait déjà une très forte désaffection du public pour le XV de France. Certes, 60 % des personnes interrogées déclaraient avoir une bonne opinion des Bleus, mais c’était 29 % de moins qu’un an plus tôt. La dégringolade était encore plus significative chez les amateurs de rugby qui n’étaient que 59 % seulement à conserver une opinion positive des hommes de Jacques Brunel. Un an plus tôt, ils étaient 96 %… Qu’en est-il aujourd’hui ? La question est perfide, la réponse évidemment connue. Dans les faits, la désaffection du public pour le XV de France s’est affichée en taille XXL lors des tests-matchs de novembre. Les travées désertes du Stade de France contre les Fidji, dans une moindre mesure contre l’Afrique du Sud, ont fait peine. À ce rythme, le rugby est en passe de redevenir confidentiel et ne pourra bientôt plus revendiquer son statut de deuxième sport le plus médiatique.
La situation a contraint la FFR à brader une partie des billets pour les matchs au Stade de France. Du 5 au 8 novembre, entre 12 heures et 14 heures, les responsables fédéraux ont lancé l’opération « Happy Hour » ou plutôt « Sauve qui peut ». Dans les bars, c’est l’heure joyeuse pour tous ceux qui veulent s’offrir un petit verre à moindre coût. Au rugby, la ristourne, sous son maquillage festif, trahit le désamour. Et se traduit dans les audiences du diffuseur. Sur France 2, le XV de France a perdu près d’1/3 de son public. Dans la presse, Bernard Laporte avait comparé les tournées 2012 et 2018 qu’il jugeait similaires. Méthode couée ou véritable aveuglement ? Dans les deux cas, la chute est vertigineuse : -29 % de téléspectateurs sur l’ensemble des trois rencontres. « Je ne remets pas en cause le désintérêt général, précise Mathieu Lartot, commentateur des matchs des Bleus sur le service public. Mais c’est aussi lié à une situation globale. Les audiences de la télévision linéaire s’érodent. Les modes de consommation ont évolué. Les gens profitent du week-end pour aller sur des plates-formes comme Netflix ou sur les Replay et consomment davantage de réseaux sociaux. Mécaniquement, il y a donc moins de monde devant les programmes TV. » Mais Lartot n’en demeure pas moins lucide. « Le live en sport reste pourtant un événement important pour la télé, c’est pour ça que les résultats du XV de France sont une catastrophe pour nous. Nos téléspectateurs en ont vraiment ras le bol de voir une équipe qui perd. » Las, ils ne sont pas les seuls. Sans une prise de conscience rapide, les Bleus pourront bientôt jouer leurs matchs à Charléty, sans diffuseur pour retransmettre leurs défaites. Evidemment, on caricature un peu. Mais pas tant que ça…