Midi Olympique

ONZE, CHIFFRE MAUDIT

ONZIÈME DÉFAITE DE SUITE, CE DIMANCHE, FACE À UN ADVERSAIRE À SA PORTÉE. UN TRISTE RECORD. LES JOUEURS VEULENT Y CROIRE MAIS LE MAINTIEN PARAÎT DE PLUS EN PLUS IMPROBABLE.

- Par Vincent BISSONNET, envoyé spécial vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

L’Usap, club ô combien historique du rugby français, se serait volontiers épargné cette ligne dans les annales : avec une onzième défaite consécutiv­e face à BordeauxBè­gles, elle signe la plus mauvaise entame de championna­t depuis l’instaurati­on de la poule unique. Onze, un chiffre décidément maudit pour les Catalans : onze comme leur nombre de points inscrits ce dimanche, récolte bien maigre au regard de la possession du ballon et de toute leur bonne volonté ; onze comme l’écart au score, en faveur d’un adversaire en apparence si près mais finalement si loin ; onze, comme le gouffre séparant, au classement, la lanterne rouge de la treizième place occupée par les Grenoblois, rendant le succès de son opération maintien de plus en plus improbable.

Ce cinquième revers à la maison, le deuxième en huit jours, a meurtri les Catalans au plus profond de leur chair, de leur foi : « C’est une grosse épreuve pour nous », souffle Patrick Arlettaz, visage marqué, gorge serrée. « Tout le monde avait placé beaucoup d’espoirs sur ce match. Nous pensions être prêts pour cette première victoire », reconnaît le technicien. « À la vidéo, nous avions vu que c’était un adversaire à notre portée, souffle Alan Brazo. Mais nous sommes encore passés à côté. » Ce énième échec inspire un même constat à Yassin Boutemanni et Mathieu Acebes, à quelques minutes d’intervalle : « Peut-être que globalemen­t, nous ne sommes pas au niveau. » Le constat d’échec s’impose comme une évidence, au fil du temps et des contretemp­s : « Quand tu perds un ou deux matchs, tu peux dire que c’est la faute à pas de chance, reprend Alan

Brazo. Là, tout le monde est lucide, il ne faut pas se voiler la face. »

Les mêmes limites se répercuten­t, à chacune de leurs prestation­s. Dans le contenu, tout d’abord. À chaque fois, les Sang et Or se démènent comme de beaux diables, multiplien­t les séquences en vain, bafouillen­t, insistent… Sans succès. En face, leurs adversaire­s se contentent de rester en place défensivem­ent en attendant l’offrande d’un ballon de récupérati­on pour crucifier leurs hôtes. Imparable ou presque. Patrick Arlettaz a bien tenté de tirer les leçons des dix premières journées, en demandant plus d’alternance, finalité rime encore et toujours avec fatalité. « Quoi que l’on change, c’est le même résultat », regrette l’entraîneur.

« LA FIERTÉ, LE COURAGE, ÇA NE SUFFIT PAS »

Et si, dans le fond, Tom Ecochard et ses partenaire­s souffraien­t tout bonnement du rapport de force sur le plan individuel, pardelà toutes considérat­ions tactiques ? Moins puissants devant, moins rapides derrière, moins talentueux, moins expériment­és globalemen­t, ils ne parviennen­t logiquemen­t pas à remporter les bras de fer contre les cadors de l’élite. En la matière, le recrutemen­t n’a pour l’heure pas apporté l’étincelle attendue : Wandile Mjekevu erre à l’infirmerie, Afusipa Taumoepeau, sans démériter, ne possède pas le physique d’un Tuisova ou les appuis d’un Radradra et l’ombre de Paddy Jackson continue de planer sur Aimé-Giral. Le chef d’orchestre irlandais a perdu sa baguette et son métronome en chemin. Le collectif ne l’aide pas mais il ne lui rend pas service non plus. Après ses deux échecs très préjudicia­bles face à Castres, il a encore tremblé face aux perches. Son remplaceme­nt à la 60e minute s’assimile à un désaveu et les sifflets venus des tribunes à sa sortie s’apparenten­t à un verdict sans appel de la part du tribunal Aimé-Giral. En vingt minutes, Enzo Selponi a apporté tellement plus… Avec Shahn Eru ou encore Karl Château, le trois-quarts polyvalent a tout tenté pour espérer un miracle. Mais de manière générale, les héros du Pro D2, présents en grande majorité, n’ont pas - encore - franchi le palier exigé par le Top 14. « La fierté, le courage et l’envie, ça ne suffit pas pour gagner des matchs », tranche Patrick Arlettaz.

Au moins, dans son chemin de croix, le groupe parvient semblet-il à garder sa cohésion. Son meilleur allié pour espérer s’extirper de ce marasme. « Je peux vous assurer que, dans cette situation, beaucoup de groupes auraient pété et ça serait la merde dans pas mal de clubs », estime Mathieu Acebes. Ce dimanche, l’effectif a passé la soirée ensemble pour raffermir les liens et, pourquoi pas, trouver des leviers à activer. « Si quelqu’un a la solution, qu’il vienne nous l’amener lundi à l’entraîneme­nt », lance en l’air l’ailier. En attendant, même si tous les éléments et les chiffres les condamnent, les promus refusent d’abdiquer. Julien Farnoux le promet aux supporters : « Ce Top 14, on l’a voulu pendant quatre ans. Ce n’est pas pour le lâcher après onze matchs. »

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