NÉVROSE D’ÉCHEC
Et dire, qu’avant d’être un sport professionnel, le rugby était un jeu ! Magnifique, formateur et amical malgré le combat nécessaire mais aussi l’évitement et la prise de risques. Finalement, du fait de leur culture, de l’enchâssement dans leur vie quotidienne au pays, la splendide partie jouée par les Fidjiens nous a rappelé, un peu, ces temps heureux. Quant à notre équipe, elle va de Charybde en Scylla, de gouffre en gouffre, vers l’enfer de la désillusion et pire du désamour. Pour soulager notre détresse, on ne peut se contenter du discours effondré et pathétique du sélectionneur ou de « la prochaine fois… il faut travailler » des vaillants perdants Guirado et Bastareaud. Non, il s’agirait plutôt de reconnaître que ce groupe présente une névrose d’échec qui entraîne échec puis échec encore. Ce comportement inconscient n’a pas de rapport avec une incapacité (nos joueurs, certains ont du talent) ou de la malchance : drop de Sexton, durée du match dépassé ou contre les Springboks alors que la partie était pliée. C’est de manière inconsciente et prégnante que les joueurs du XV de France se « reconnaissent » plutôt dans la défaite que dans la victoire.
La culpabilité suit et on va répéter toujours les échecs histoire de confirmer les malheurs antérieurs. Proposer alors un travail psychologique paraîtrait envisageable mais semble impossible. Les joueurs préférant parler de « confiance » plutôt que de « mental » comme si cela était un signe de faiblesse, une reconnaissance de sa fragilité psychologique alors que l’on est plus fort lorsque l’on prend conscience de ses problèmes. Par le passé, l’équipe de France a eu un préparateur mental, François Peltier, avant le Mondial 2011,puis le psychologue Christian Ramos pour l’édition suivante. Mais pour 2019, Jacques Brunel a décidé de faire sans. Les joueurs qui ont utilisé ces soutiens le cachent pensant, encore une fois, que c’est un signe de fragilité. Pourtant les Néo-Zélandais eux, intègrent systématiquement la préparation mentale. Sont-ils fragiles ? Non, il s’agit pour nous d’un refoulement, d’une résistance à l’effort critique nécessaire. Car, cette équipe est, de fait, fragilissime. Éric Blandeau, préparateur mental avec Clermont et Montpellier en témoigne quand il déclare que le danger de trop d’attente de victoires nuit à leurs réalisations. Que nous reste-t-il comme petite espérance ? Le prochain Tournoi risque d’être fort complexe, mais les propos de Steve Hansen, le sélectionneur des All Blacks qui témoigne que l’évolution actuelle du jeu fait que : « La réalité commerciale de ce sport impose son évolution car on vend un produit et la télé paie pour ça » mais il déclare aussi : « L’équipe de France peut gagner l’an prochain. Elle peut gagner n’importe quelle édition de la Coupe du monde. » Merci Monsieur, mais voilà la manifestation du complexe néo-zélandais vis-à-vis des anciennes équipes de France. Alors ? 2023, avec les Bleuets, à condition qu’ils jouent et que leurs temps de jeu ne soient pas limités par des retraités talentueux du Sud. Une névrose c’est curable, jouable, c’est le cas de dire, encore faut-il la reconnaître pour la traiter. La crainte c’est que l’on ne prenne pas ce chemin.