Jokers, la blague de trop
Il était 14 h 40 mercredi lorsque tous les téléphones portables et autres boîtes mail des journalistes « spécialisés dans le rugby » (eh oui, même si la demande est en baisse, il y en a encore…) furent tirés de leur léthargie. Le motif ? Une belle communication officielle de la LNR sous forme de communiqué, pour un sujet qui nous traumatisait tous : celui des dispositions prises par le Comité directeur en vue de cette Coupe du monde 2019 qui, n’en doutez pas, s’annonce mémorable. Eh bien, qu’ont-ils décidé, nos caciques ? On vous le donne en mille : de ne rien changer…
Alors, autant être honnête : il y a belle lurette qu’on n’attend plus des clubs pros une mesure audacieuse, soucieuse de l’intérêt général plutôt que des résultats particuliers à court terme. Pourtant, la part de naïveté et d’optimisme qui sommeille en nous susurrait qu’à force d’assister à la déliquescence du XV de France, matérialisée par ce revers non moins historique contre les Fidji survenu cinq jours plus tôt, on pouvait espérer un geste, une mesure forte, quelque chose… Mais non, rien de tout ça. Voilà comment, en 2019 comme en 2015 et comme encore avant, les clubs pourront blinder leurs effectifs de « jokers Coupe du monde » et autres « Joueurs additionnels XV de France », voire pourquoi pas de jokers médicaux si un de leurs salariés devait se blesser lors de la grand-messe mondiale au Japon. Une règle qui, bien sûr, bénéficiera aux clubs les plus riches, qui pourront récupérer les meilleurs joueurs moyennant finances avant, pourquoi pas, de les conserver en tant que joueurs supplémentaires ou autre subterfuge. Mais qui, surtout, cantonnera au plus profond des compétitions espoirs de jeunes joueurs français qui, eux, n’attendaient justement que l’absence des internationaux pour grappiller un peu de temps de jeu et, pourquoi pas, se faire remarquer ! Pour tout dire, à l’heure où tout le monde se goberge à parler de formation, maintenir le simple principe de joker médical est une insulte à la cohérence. Mais renouveler celui des jokers Coupe du monde, alors qu’on peine à constater que les Bleus viennent de se faire doubler par les Fidjiens une douzaine d’années après l’avoir été par l’Argentine, les bras nous en tombent… On sait bien depuis Audiard à quoi reconnaître le genre d’individu qui ose tout, mais là, franchement, il fallait le faire. Allez, dors bien, mon pauvre rugby français. Des hommes éclairés te gouvernent…