« 9-2 », C’EST LA CHAMPIONS LEAGUE
RACING PASSÉ UN DÉBUT DE CAMPAGNE CONVAINCANT, ON EST ENCLIN À DIRE QUE L’EUROPE SIED BIEN AUX RACINGMEN. MAIS POURQUOI, AU JUSTE ?
Dans le « 9-2 », on s’en cache à peine. « J’ai parlé avec Jacky Lorenzetti il y a quelques semaines, explique Éric Blanc, l’ancien arrière du Racing, il m’a clairement dit que l’objectif numéro 1 de cette saison était la Coupe d’Europe. […] Il y a trop longtemps que le Racing tourne autour de la Champions Cup. À force de perdre ces finales arrive un jour où il les gagnera. Et moi, je pense que ce sera cette saison. » Parfois poussifs en championnat, très sanctionnés par les arbitres du Top 14 et globalement moins sereins face à des équipes réduisant le jeu à outrance, les Franciliens semblent en revanche intouchables en Europe et, comme ce fut encore le cas dimanche dernier, proposent des spectacles à la hauteur de l’investissement financier réalisé par les uns et les autres, dans les Hauts-de-Seine.
Étions-nous morts d’ennui face à Lyon ou Agen en championnat ? Clairement. A-ton pris un panard incroyable face à Leicester, dimanche dernier ? D’évidence. Pour expliquer cette schizophrénie rugbystique, deux raisons s’imposent à nous. D’abord, les leaders de jeu du Racing sont par atavisme davantage portés sur l’Europe que sur le championnat domestique. Laurent Labit, l’entraîneur des trois-quarts des Ciel et Blanc, analyse : « Nos joueurs anglo-saxons — Finn Russell, Leone Nakarawa ou Simon Zebo — sont par nature plus intéressés par cette compétition. Avant qu’ils n’arrivent ici, le championnat domestique n’avait que peu d’importance à leurs yeux. C’est ainsi qu’ils ont été éduqués en Écosse ou en Irlande. Et puis, nos Français n’ayant pas encore la chance d’être internationaux se rendent compte que la Champions Cup est une extraordinaire compétition, bien plus proche du très haut niveau qu’on ne le pense. »
FINN RUSSELL, À BALLES RÉELLES
À bien des égards, l’arbitrage de la Champions Cup encourage également les Racingmen dans la voie du jeu, une appétence pour la vitesse ou les espaces qui n’est pas pour eux routinière en Top 14. Labit poursuit : « Sans mettre en doute les compétences de nos arbitres français, les triplettes de Coupe d’Europe sont toutes entièrement professionnelles. La philosophie est différente, les équipes qui portent le ballon sont récompensées, elles ont beaucoup plus de liberté. Du coup, les profils de nos XV de départ sont très différents, dès lors qu’on évolue en Champions Cup ou en Top 14. En championnat, l’occupation et la défense sont encore les valeurs refuges de la majorité des équipes. » Face à Leicester, dimanche dernier (36-26), le Racing a par exemple compté 60 % d’occupation du terrain et de possession de balle. Les Franciliens se sont fait 197 passes et ont participé à 165 rucks. Malgré cette hyperactivité, Nigel Owens ne les a sanctionnés qu’à une seule reprise (!) dans le jeu courant. Comment expliquer, dès lors, que le Racing soit l’équipe la plus sanctionnée du championnat ?
Quelle que soit la réponse à cette étrange dichotomie, les Racingmen s’apprêtent à disputer dans les Midlands un test à balles réelles. Sous des conditions climatiques qui s’annoncent difficiles et sur un terrain traditionnellement lourd, les Franciliens sauront s’ils sont oui ou non une équipe « tout terrain ». Éric Blanc poursuit : « Dans le salon de Nanterre, Finn Russell est un maître. Il fait de grandes sautées, prend des trous et, surtout, fait jouer les autres. C’est un vrai régal. Mais sorti de là, gèrera-t-il les rencontres aussi bien que Dan Carter ? Comment s’en sortira-t-il sous la pluie ? » À ce sujet, Laurent Labit n’est pas dupe. Pourtant, le coach est aussi conscient d’avoir à disposition des armes dont il ne s’est pas encore servi depuis le début de saison : « Les retours prochains de Maxime Machenaud et Pat Lambie vont nous permettre d’élargir notre palette. On pourra bientôt commencer une rencontre avec une charnière de gestionnaires et la finir avec un brin de folie ou inversement ». C’est ce qu’on appelle le choix du roi, n’est-ce pas ?