Midi Olympique

« Prendre des kilos n’est plus ma priorité »

FLORIAN VERHAEGHE - Deuxième ligne de Toulouse LE DEUXIÈME LIGNE DU STADE TOULOUSAIN, QUI S’IMPOSE AU SEIN DU PAQUET D’AVANTS ROUGE ET NOIR, DÉCOUVRE LA COUPE D’EUROPE POUR SA TROISIÈME SAISON CHEZ LES PROFESSION­NELS.

- Propos recueillis par Nicolas AUGOT nicolas.augot@midi-olympique.fr

Avec le départ de Yoann Maestri, les blessures de Richie Gray, vous avez pris une nouvelle dimension cette saison. Aviez-vous la sensation pendant l’intersaiso­n que votre heure était venue ?

Je suis plus souvent titulaire et j’ai plus de responsabi­lité au niveau de la touche, donc c’est bien. Je ne me posais pas plus de questions que ça pendant la préparatio­n. Le début de saison m’a été favorable. J’ai saisi ma chance de me faire une meilleure place dans l’équipe. On me l’a donné aussi…

Remplacer Yoann Maestri, est-ce une pression ?

Je ne pense pas que je le remplace. Nous ne sommes pas dans le même profil. Je suis juste un autre deuxième ligne qui joue dans l’équipe.

Vous êtes titulaire après un apprentiss­age auprès du groupe profession­nel pendant plusieurs saisons. Estce d’autant plus appréciabl­e ?

Ce n’est pas arrivé en un claquement de doigts. Pendant deux ans je me suis entraîné avec les profession­nels sans disputer le moindre match. Il y a deux ans, je n’ai joué qu’un seul match en toute fin de saison. L’an passé, j’ai fait quelques matchs comme titulaires… Je crois que c’était moitié, moitié entre les matchs comme titulaire et ceux débutés sur le banc. Cette année, ça se passe bien.

Étiez-vous patient pendant ces dernières années ?

Non, pas spécialeme­nt. C’était vraiment très frustrant. Ça me permet maintenant de bien me rendre compte qu’il faut toujours bosser pour garder sa place une fois qu’on l’a. Je mesure les efforts à consentir pour, tout du moins, essayer de la garder.

Pendant ces années-là, vous a-t-on demandé de prendre quelques kilos, de vous épaissir ?

Au début, c’était effectivem­ent ce que l’on m’a demandé si je voulais prétendre à l’équipe première. Pendant cinq mois, je n’ai quasiment pas joué au rugby. Je pense que je devais jouer au rugby seulement une fois par mois. Le reste du temps, j’essayais de prendre des kilos. Tout le monde a vu que ça ne marchait pas même en étant tout le temps à la salle de musculatio­n… Enfin, ça marchait difficilem­ent même en étant assidu. Il faut donc que je joue sur mes qualités, et même si je continue d’essayer de m’épaissir, ce n’est plus ma priorité comme ça a pu l’être. Les entraîneur­s ont vu que j’arrivais à m’en sortir sur le terrain. Le jeu du Stade toulousain me convient bien aussi. Peut-être que si j’étais dans d’autres effectifs, dans un autre mode de jeu ça serait plus compliqué pour moi, mais là ça me correspond bien.

Ne pas prendre de kilos, était-ce votre plus grande frustratio­n ?

Ne pas arriver à prendre des kilos n’était pas une frustratio­n. Il y a deux ans et même trois, la frustratio­n venait du fait de m’entraîner hyper régulièrem­ent avec l’équipe sans pouvoir y jouer le week-end. Retrouver les espoirs le jeudi, même si c’étaient mes potes, après avoir passé tout le début de semaine avec l’équipe première, c’est quelque chose de difficile. S’entraîner toute la semaine avec les pros sans connaître les matchs, ça finit par devenir très frustrant.

Avez-vous compris ce choix des staffs techniques ?

Bien sûr… mais étant joueur, on se dit forcément que si c’était arrivé plus tôt, ça n’aurait pas changé grand-chose. Mais personne ne peut le savoir. Je comprends la position du staff. Mais est-ce que je me dis que c’était la meilleure méthode ? En tant que jeune joueur, qui n’a pas trop foulé les terrains, on se dit toujours que ça serait mieux d’y aller plus tôt.

Avez-vous toujours joué en deuxième ligne ou avezvous eu une poussée de croissance tardive ?

J’ai joué une saison en position de numéro huit quand les mêlées se faisaient encore à six. C’est tout (rires). J’ai toujours été grand. J’ai une image en benjamin, je ne sais pas quel âge ça fait, je jouais avec Montauban contre Selevasio Tolofua et nous faisions la même taille. L’un a arrêté de grandir et a pris en largeur et un autre a pris en longueur (rires).

Votre morphologi­e a-t-elle pu être un complexe ?

Dans le monde du rugby, je suis le gringalet, le fin, le tout ce que l’on veut dans ce registre. Dans la vie, je ne suis pas si fin que ça. Je connais plus de personnes plus fines que des gens plus épais que moi en dehors du rugby. Donc ça ne m’a jamais posé de problème.

Vous avez déjà débuté autant de matchs de Top 14 cette saison que l’an passé, est-ce que cela change quelque chose dans votre approche, votre quotidien ?

Je suis quand même quelqu’un d’assez discret. Attention, je ne dis pas que je suis celui qui reste tout au fond du vestiaire, mais je suis assez discret. C’est vrai que cette saison, j’arrive un peu plus à donner mon avis, par exemple au niveau du secteur de la touche, je me sens… on va dire, légitime, au même titre que d’autres bien sûr. Je peux donner mon avis. C’est vrai que là-dessus, ça a pas mal changé. J’annonce régulièrem­ent les combinaiso­ns, même si je partage ce rôle avec Louis-Benoît Madaule et François Cros.

On vous entend peu, notamment dans les médias…

Ce n’est pas l’exercice que je préfère. Je n’ai pas envie de faire du bruit. Je ne suis pas quelqu’un d’extraverti. Sur le terrain, je suis un peu différent que dans la vie, même si les anciens sont là pour parler. Cette saison, maintenant que je connais bien tout le monde, c’est différent et je m’exprime. Quand je suis arrivé à 18 ans, c’était autre chose. C’est forcément particulie­r quand on arrive dans un vestiaire où il y a Thierry Dusautoir, etc. On a tendance à être discret.

Le rajeunisse­ment de l’équipe vous permet-il de vous sentir plus à l’aise ?

Bien sûr, je prends les joueurs de la première ligne en exemple. Ju (Julien Marchand, N.D.L.R) est capitaine. Doudou Aldegheri qui est, je ne vais pas dire ancien, mais ça fait déjà longtemps qu’il joue en première. C’est aussi le cas de Cyril Baille ou de François Cros. Ce sont des jeunes qui sont au club et avec les pros depuis un moment donc ils ont une place de cadre dans l’équipe. D’un côté, les anciens restent les papas et, d’un autre, les jeunes ont pris des responsabi­lités. Ça fonctionne plutôt bien pour l’instant. Le rajeunisse­ment de l’équipe est positif.

Quels sont vos objectifs personnels cette saison ?

Je me suis fixé d’être bon tout simplement. De son côté, le staff m’a demandé de m’imposer un peu plus, de devenir un peu leader de la touche. Les entraîneur­s m’ont laissé l’occasion de le faire, et j’ai saisi l’opportunit­é. Après je veux progresser dans tous les domaines, le jeu aérien, le déplacemen­t, l’activité.

Le plaisir doit être au rendez-vous dans cette équipe actuelleme­nt en pleine confiance ?

Ballon en mains, je suis encore un peu discret. Je sais que je ne m’exprime pas trop dans le secteur offensif. Mais la place que j’ai dans l’équipe me plaît.

C’est votre première campagne européenne, est-ce vraiment différent de ce que vous connaissie­z ?

C’est incontesta­ble. On joue des équipes que l’on ne connaît pas, que l’on ne joue pas tous les ans et où on ne connaît personne en face, si ce n’est les internatio­naux à la télévision. C’est vraiment particulie­r, d’autant plus qu’avant d’y aller, on entend beaucoup de choses sur le niveau plus élevé, la vitesse, le rythme, etc. Tout est vrai. Sur le premier, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais c’est très enrichissa­nt. Ça permet d’être confronté, je ne sais pas si on peut dire à un niveau supérieur car beaucoup d’équipes françaises font des bons résultats en Coupe d’Europe, mais en tout cas c’est un jeu différent.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany

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