À CENT À L’HEURE
PORTÉ PAR UNE LIGNE DE TROIS-QUARTS HYSTÉRIQUE, LE RACING 92 MÈNE UN TRAIN D’ENFER DANS CETTE POULE 4. À FOND LA FORME !
Il n’y a qu’à jeter un oeil sur la composition d’équipe de Leicester pour se rendre compte que les Tigres, pris individuellement, sont tout sauf des truffes. Ben Youngs est un Lion britannique, Dan Cole est l’un des droitiers préférés d’Eddie Jones en sélection, Ellis Genge est une bombe à retardement, George Ford a une classe folle, Matt Toomua et Tatafu Polota-Nau comptent quelques dizaines de sélections avec les Wallabies et Manu Tuilagi, ma foi, reste Manu Tuilagi. Comment expliquer, dès lors, que cette équipe ait été à ce point écrasée par le Racing 92 ? Comment légitimer ces quarante points encaissés devant 20 000 spectateurs n’ayant jamais cessé d’hurler leur fierté d’être « Tigers », quand d’autres auraient probablement jeté des pierres aux battus du jour ? Il faut croire que cette équipe francilienne a, sinon la gueule d’un champion, au moins les atouts d’un finaliste…
À ce sujet, Austin Healey, 53 sélections en équipe d’Angleterre et deux fois vainqueurs de la Coupe d’Europe, ne mâche pas ses mots : « Le Racing est la seule équipe qui puisse aujourd’hui priver le Leinster d’un deuxième titre consécutif. Leur jeu est structuré, servi par une belle conquête, une défense sereine et, surtout, une ligne de trois-quarts hallucinante. Personne n’a une telle puissance de feu sur la scène européenne ! Greffez Teddy Thomas à ces mecs-là, le résultat sera probablement effrayant. » À Welford Road, les attaquants franciliens ont ainsi surclassé la ligne de trois-quarts anglaise, marquant même un essai en première main de toute beauté (lire ci-dessous). Boris Palu, auteur d’un match convaincant dans les Midlands, en rigole encore : « L’an passé, on faisait souvent chier nos trois-quarts. En clair, on leur disait qu’on se tapait tout le boulot ! » Les choses ont changé, n’est-ce pas ? « Ils sont cette année impressionnants, poursuit le deuxième ligne Ciel et Blanc. Nos attaquants sont capables de percer sur chaque possession et, une fois qu’ils ont pris le trou, on ne les revoit plus… » Si le Racing 92 n’est
plus qu’à quelques pas d’un quart de finale à domicile, il le doit donc en partie aux zébulons des lignes arrières, plutôt à l’aise lorsqu’il s’agit de bonifier un ballon. Austin Healey poursuit : « Les Racingmen ont aussi la chance de compter sur le meilleur ouvreur d’Europe. De fait, Finn Russell a totalement changé le jeu de cette équipe depuis son arrivée dans les Hauts-de-Seine. Il est actuellement dans une autre dimension. Sur chaque action, il a deux temps d’avance sur tout le monde… » En deux matchs et soixante-dix points passés aux Tigers, les Racingmen ont impressionné l’Angleterre et disputeront, en janvier prochain, la finale de cette poule 4 en Ulster. Boris Palu poursuit : « Mieux vaut jouer un quart de finale à l’Arena que d’aller chez les Saracens ou au Munster, vous ne croyez pas ? Ce prochain match vaudra donc très cher. L’Ulster est une belle équipe qui tentera probablement de nous déborder en produisant beaucoup de jeu. »
TROP FACILE ?
Dix-neuf points sur vingt points possibles depuis le début de la Coupe d’Europe, des victoires chez deux des fiers bastions du vieux continent (Llanelli et Leicester) et, globalement, une impression de serénité à l’extérieur qui n’existait pas jusqu’à présent, au Racing. Pour légitimer la cinquième victoire loin de ses terres (Toulon, Paris, Montpellier, Llanelli, Leicester), Laurent Travers met en exergue un basculement culturel dans les Hautsde-Seine : « Pour nos joueurs anglo-saxons (Russell, Zebo, Nakarawa, Ryan…), il n’y a pas de différence entre un match à domicile et un match à l’extérieur. Ces mecs-là nous donnent aujourd’hui une autre vision des choses. » Largement en tête de sa poule en Champion’s Cup et quatrième du Top 14 en cours, le Racing 92 vit pour le moment une saison plutôt sereine. « Concernant cette équipe, conclut Austin Healey, je me demande simplement si elle sera capable de s’épanouir dans un cadre plus restreint comme le seront nécessairement les matchs de phase finale contre le Leinster ou les Saracens. Nakarawa acceptera-t-il de faire une croix sur les off loads ? Russell trouvera-t-il toutes ses touches ? Là est la clé… »