Midi Olympique

C’était sa rédaction

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Christine GRANEREAU

« Je n’arrive pas y croire. Tu nous fais une mauvaise blague, un pied de nez brutal. Tu nous quittes trop tôt, trop vite. Je pense à tes garçons, Guillaume, François et Théo, et à Caroline. Tu vas tellement leur manquer, tu me disais parfois l’absence de ton père, parti trop tôt lui aussi, quand tu avais une dizaine d’années.

Tu as commencé au Midol quelques mois après moi, auréolé d’un statut d’excellent joueur de rugby. Raymond Sautet, rédacteur en chef emblématiq­ue, t’a embauché, il t’aimait bien. À la rédaction, à l’époque, il y avait les deux Henri, Gatineau et Nayrou, André Reynal, Pierre Verdet, Alain Lafay, Jean-Pierre Cardona, Jacky Issautier, Jean-Louis Damiens. Une petite équipe hétéroclit­e cantonnée dans un coin de la rédaction de La Dépêche au début des années 80.

Que toutes ces années ont passé vite, toutes ces pages, ces numéros, ces photos. Les matchs, les Tournois, les tournées, les virées où on raconte les coulisses du rugby, où on voit les vedettes, où on chante Boby Lapointe et Léo Ferré… On a le même âge à quinze jours près, on aura travaillé ensemble pendant pratiqueme­nt quarante ans, un bail ! Toi d’abord grand reporter et moi petite secrétaire. On a grandi ensemble, on a changé, le rugby a changé aussi, le journal a évolué (tu y as grandement participé), on se l’est approprié au fil du temps et sans s’en apercevoir l’attachemen­t à celui-ci nous a fait vieillir ensemble, comme de vieux « frère et soeur ». Ce Midol qui nous a rendus fou quelquefoi­s, qui nous a pris tout notre temps mais qu’on adore, qu’on vénère jalousemen­t. Des sanglots m’ont submergée quand j’ai appris que Christian Roques, notre correspond­ant de Perpignan, avait demandé à être inhumé avec Midi Olympique sur la poitrine. C’est dire l’amour qu’on partage pour ce journal, pas comme les autres. On s’était vu il y a peu, autour d’une table, avec quelques anciens Midoliens : JeanRo, Jacky, Bruno, Bernard, Nicole… On aimait à se retrouver entre « vieux cons » autoprocla­més pour refaire le monde, ovale ou pas.

Au paradis des gens de plume, tu vas retrouver les écrivains, scribouill­ards, pisse-copies, journalist­es de tout poil que tu aimes tant et notamment Henri (Rozes) et Michel (Jammet) pour qui nous avions une immense tendresse. Tu les embrasses de ma part et je te dis comme tu l’écrivais pour Michel: « Tu vas nous manquer, vieux ! Vraiment. Alors on t’embrasse. Très fort. »»

Cédric CATHALA

« J’ai passé un peu plus de vingt ans à ses côtés où pas très loin. Voilà ce qu’il faut garder à l’heure où l’autre part : la passion intacte pour un jeu d’enfant devenu sport de grand. Des éclats de voix, des éclats de rires et quelques mots de Ferré qu’il aimait tant. « Pour tout bagage, on a vingt ans, on a l’expérience des parents. On se fout du tiers comme du quart. On prend l’bonheur toujours en retard. Quand on aime, c’est pour la vie. Cette vie qui dure l’espace d’un cri. »

Marc DUZAN

« J’avais pensé à vous, l’autre jour, au moment où un coach de Top 14 me disait tout le mal qu’il pensait de mes articles. Je vous revoyais, dressé derrière ce grand bureau blanc où vous étaliez tout un foutoir de livres et de feuilles orphelines, me dire, mi-amusé, mi-paternalis­te : « Marco, un journalist­e qui n’a pas d’ennemis est un hémiplégiq­ue. Dors tranquille. » Je vous dois beaucoup, Jacques. Et je vous le promets : je continuera­i à leur faire la guerre, à tous ces clichetons doucereux que vous aviez en horreur, ces raccourcis propres au jargon sportif qui vous foutaient tellement en rogne, les soirs de relecture. Oui, c’est promis, Jacques. On n’ira pas « à dame », on n’aplatira pas sans votre permission en « terre promise », on fera barrage à tous ceux qui « s’y filent », on boycottera les « ça pique » du monde entier et, mieux encore, on fera fi des anglicisme­s du rugby pro. Car je vous entends d’ici, boss : « Ruck ? Ça te plaît pas ou quoi, « mêlée ouverte » ? Et tu crois que ça lui parle, au coiffeur de Mazamet, un « offload » ? » Moi, je crois surtout que vous les auriez tous étripés un par un, ces gougnafier­s qui terminaien­t samedi votre oraison funèbre par ces quelques mots : « Rest in Peace ». »

Pierre-Laurent GOU

« Jacques Verdier était le « père » de la rédaction de Midol. Toujours prêt à nous reprendre, pour un oubli d’accord de participe passé (la faute qui le faisait monter très haut dans les tours), ou corriger un angle de papier qui devait être raccord avec la ligne éditoriale... Il savait aussi user de sa mauvaise foi légendaire pour imposer ses conviction­s sur le jeu ou sur les joueurs. Mais c’était aussi et surtout un guide, un protecteur pour la jeune génération de journalist­es qui travaillai­t sous ses ordres. Il était à Midi Olympique, le rempart, celui qui prenait les coups de fil du lundi matin et des polémiques nées des pages « Cris et chuchoteme­nts » qu’il avait créées et qui sont devenues les pages références du journal du rugby. Avec lui, Midol a eu trois envoyés spéciaux sur les Fidji, le « Fiji Times » en 2007 au Mondial en France, une aventure de deux mois en immersion en Nouvelle-Zélande en 2011 mais aussi une conférence de rédaction à 2 000 mètres d’altitudes un soir de 2013, ou encore les barbecues des lendemains de finale de Top 14 dans la cour de La Dépêche sonnant la fin de la saison et le début des vacances. Des choses et des soirées qui terminaien­t parfois de manière brindezing­ue et coruscante à souhait. »

Nicolas ZANARDI

« Jacques, c’était Midol, et vice-versa. Parce qu’il l’a incarné pendant tant d’années à longueur d’éditos, bien sûr. Mais surtout parce qu’au plus profond de sa personnali­té, il en symbolisai­t les colères, les coups de coeur, les indignatio­ns, les exubérance­s, les maladresse­s, les tendresses. En un mot, l’humanité… Midol, c’était Jacques. Et Jacques, c’était Midol. Parce que, passionné des mots et de ce jeu, il l’était davantage encore par les grands hommes et leurs richesses, qu’il aimait débusquer afin de mieux partager. Jacques, c’était Midol. Midol, c’était Jacques. Il est parti dans son lit de hasard, tout seul peut-être mais peinard. Et l’on se sent floué par les années perdues.

Johan PAYARD

Jacques c’était la classe. Un de ces hommes qui ne vous laissent pas indifféren­t dès la première rencontre. Un regard franc, tranché, direct mais aussi malicieux et séducteur. Un de ces hommes qui sans parler en imposait déjà et pas seulement par son physique d’athlète. Il avait cette force l’homme de Saint-Gaudens et une allure terrible. Alors autant vous dire que lorsqu’il prenait la parole ou la plume, avec sa passion, sa culture et sa verve, il en embarquait du monde et captait toute l’attention de son auditoire. Vous le regardiez marcher, il dégageait un truc… Homme de débats au sens noble du terme, il était un de ces garde-fous du rugby à la Papa, celui du cuir qui chante, des chevauchée­s fantastiqu­es, celui qui se joue dans la boue aussi et celui qui donne la chance aux jeunes pousses talentueus­es. Souvent imité, jamais égalé. Il contait avec tellement d’humanisme et de poésie les histoires des HOMMES qui font notre sport et savait nous ramener en douceur à l’idée que le rugby devait rester un JEU avant tout. Utopiste ? Nostalgiqu­e ? Old School me direz vous ? Peut être… Mais d’une terrible modernité finalement avec le rugby de vitesse et de mouvement prôné dorénavant par les technicien­s de la planète ovale et qui fait la part belle aux caddeb, pivots, attaques en première main. De quoxest une certaine idée du rugby qui s’est éteinte, avec le sens de la fête et de la conviviali­té qui vont avec. Mais son leg est immense pour tous les orphelins que nous sommes aujourd’hui. Adieu Jacques, adieu la classe.

Malika CAUBET

« Merci Jacques, merci pour m’avoir fait confiance et pour m’avoir donné confiance. Souvent vous me disiez que le Comminges et la Bigorre étaient cousins, voisins et amis. Nous avions les Pyrénées dans le coeur. J’ai trouvé plus qu’un chef, j’ai trouvé un repère. Vous me souteniez quand certains de mes collègues me faisaient bisquer, vous saviez trouver les mots justes pour me faire sourire. Je vous ai demandé lors de votre départ à la retraite si je pouvais rejoindre votre club des « vieux cons », même si je n’avais pas l’âge… Vous m’avez ouvert les bras et m’avez répondu que je serai toujours la bienvenue. Nous avons partagé quelques bons repas et quelques anecdotes de ces temps anciens que je ne connaissai­s pas. Alors merci. Merci pour tout et adieu. »

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