Midi Olympique

Le banc se lève

- Par Marc DUZAN

Il semblerait que le rugby moderne ait soudaineme­nt honte de ses « remplaçant­s ». Mû par un irrépressi­ble élan de bienveilla­nce à l’égard de ceux qui cirent régulièrem­ent les bancs de touche, sensible à la souffrance coite des bouche-trous et aux caresses de la « novlangue », il aurait même dans l’idée d’imposer sur ses feuilles de match un tout nouveau champ lexical. Au Biarritz olympique, les « remplaçant­s » sont ainsi devenus « renforts ». C’est bien, ça, « renforts ». Ca fait passer le coach pour un seigneur de guerre. En Nouvelle-Zélande, les réserviste­s ont quant à eux muté en « impact player ». Convenez, my dear, que ça a une tout autre gueule que « substitute­s » ! Au temps où Guy Novès avait en mains le XV de France, le traditionn­el suppléant s’était enfin tranformé en « joueur amené à entrer en jeu ». Fatalement, le langage courant épouse donc sans le dire l’inexorable basculemen­t vers ce rugby à 23 (que dis-je, à 35 en Top 14 !) qui a pris le parti de changer ses soldats en cours d’assaut, d’écarter ses perclus au milieu d’une bataille. La Ligue dit que la sécurité des joueurs en dépend. On veut bien l’entendre. On a néanmoins du mal à croire que relancer en fin de match un Ben Tameifuna, un Joe Tekori ou un Louis Picamoles s’étant détendu dix minutes sur un banc de touche participe au bien-être global. M’enfin… En matière de remplaçant, d’impact player ou de renfort, on n’est d’ailleurs pas loin de donner raison à Serge Blanco, lequel nous confiait un jour : « Moi, je tolèrerais simplement les remplaceme­nts en première ligne. Pour le reste, je suis plus sceptique : c’est comme si les boxeurs permettaie­nt à un combattant fatigué de quitter le ring en cours de route pour laisser sa place à un autre, tout frais tout neuf. Que devient le travail d’usure, dans ce cas précis ? » Entendez par là que sur un terrain de rugby, un joueur fatigué est un défenseur tout à coup devenu moins efficace et, par la même occasion, susceptibl­e d’accorder de plus grands espaces aux attaquants. C’est une élucubrati­on dangereuse, vous dites ? Tant que le cirque des douze changement­s en Top 14 n’aura pas prouvé sa profonde utilité, il est pourtant permis d’envisager mille choses pour que ce championna­t en termine enfin avec la besogne ordinaire et ses représenta­tions souvent contrainte­s, sévères et constipées…

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