Midi Olympique

L’ART DE FORCER UN RENDEZ-VOUS

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

On le disait impossible à joindre, nimbé de son statut de star depuis le Mondial 2015. Mais, bon, passer une semaine de reportage au Japon sans ramener quelque chose sur Goromaru aurait été décevant. D’autant plus que notre programme prévoyait une visite à son club, les Yamaha Jubilo. Il fallait l’avoir, contre vents et marée. Au début, nous étions plutôt optimistes, le Japon faisait son maximum pour nous faciliter la vie et nous donner une bonne image avant le prochain Mondial. En plus, un de nos relais au Japon, nous avait mis en confiance : « Je connais l’attaché de presse. Ce sera facile. J’envoie un message. » « Facile », le mot a tinté à nos oreilles pendant plusieurs jours, sauf que jamais le simple mot - « Oui, ou OK, D’accord »n’est venu confirmer cette euphorie initiale. Puis, notre relais s’est fait plus évasif. Il fut soudain question d’un contretemp­s, puis d’un second puis de cette idée qu’en annulant un match amical en 2016, le RC Toulon avait froissé des susceptibi­lités. Un phénomène classique en journalism­e quand on tourne autour d’une star, les barrières surgissent de partout. Et puis, la dernière flèche, la plus cruelle : « En plus, il est blessé en ce moment. Il ne sera pas là physiqueme­nt. »

COMME UN MAUL QUI AVANCE

Et puis, vint le jour dit, la visite à Yamaha Jubilo et son centre niché dans la campagne.Vestiaires clairs, spacieux, discours impeccable­s des dirigeants. Mais pas un joueur à l’horizon. Alors, nous avons pris les choses en main, premier réflexe harceler notre traductric­e pour demander à l’attaché de presse présente de voir un entraîneme­nt. Puis, une idée, réunir les quelques

journalist­es présents, anglais et français, un cercle rapide comme une équipe de rugby. « Les gars, on demande à voir l’entraîneme­nt, absolument. »

On prononce le nom : Goromaru. Et l’on se rend compte qu’il n’intéresse pas plus que ça les British. Il n’a pas joué chez eux. Alors qu’il a porté le maillot de Toulon. Visiblemen­t ça change tout quant à sa popularité de part et d’autre de la Manche. Mais on insiste, on ne peut pas se dire reporter et se laisser balader. Était-ce vraiment prévu ? Le bus nous transporte en rase campagne, sur un terrain au bord d’une route même pas départemen­tale. À cause d’un problème technique au centre officiel, ils s’entraînent là. Tout fiers, les Japonais nous font rencontrer l’entraîneur en chef, une personnali­té apparemmen­t, père d’un joueur de base-ball célèbre. Le pire, c’est qu’il n’est pas langue de bois. Il balance même sur Eddie Jones. Mais nous n’avons que quatre syllabes en tête : GO - RO - MA - RU. Le bruit court qu’il est là quelque part sur ce terrain spartiate. Notre traductric­e tout excitée vient nous donner la nouvelle. Je réunis à nouveaux les plumitifs, nouveau cercle, consignes en anglais : « Les gars, on y va tous ensemble. On demande Goromaru. »

Les Rosbifs opinent du chef, je pense qu’ils me trouvent sympa. On s’avance soudés comme dans un maul. Et là, miracle, les joueurs en survêtemen­t s’écartent en passant d’un atelier à l’autre. On le voit, superbe, en civil appuyé sur le capot d’une voiture, comme un cow-boy pensif. La meute s’avance lentement, le regard fixé sur l’attaché de presse. Il ne peut pas déroger, s’il n’accède pas à nos désirs, il perd la face, la réputation de politesse japonaise en prendra un coup. Il ne peut pas se le permettre à un an du Mondial. Il s’approche de l’icône, lui susurre quelques mots à l’oreille. Elle opine du chef. La traductric­e midinette se pâme. Ça y est, il a dit oui !

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