Midi Olympique

PARADOXAL AIMÉ-GIRAL

À QUOI RESSEMBLE UN MATCH À AIMÉ-GIRAL CETTE SAISON, ALORS QUE LES DÉFAITES S’ENCHAÎNENT ?

- Par Vincent BISSONNET, envoyé spécial vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

Aimé-Giral, lieu d’amour et de masochisme. Ce samedi, après six premiers rendez-vous déçus, le peuple catalan se rassemble massivemen­t dans sa cathédrale pour une septième démonstrat­ion de foi. À l’approche du coup d’envoi, une drôle d’impression émane des coursives. Au fil des minutes, la douce résignatio­n vis-à-vis d’une adversité mieux armée se teinte d’un espoir, ravivé par l’excitation du moment. Et si, enfin, le bon soir est arrivé ? Et si le déclic vient à se produire ? L’animateur de « la Buvette du Canigou » s’improvise même prophète avant l’affronteme­nt du jour : « On apprend le forfait de deux internatio­naux français à Clermont. Peut-être deux chances de plus pour l’Usap. » À l’heure du coup d’envoi, Aimé-Giral plante le décor avec une belle bronca aux visiteurs et une ovation à ses champions. Le décor est planté : le Petit Poucet, soutenu par 12 000 choeurs, va tenter de renverser le ténor et ses vedettes. La suite ? Elle confirmera, encore une fois, la loi du plus fort. Sans pour autant éteindre l’enthousias­me général. Pendant cinquante minutes, l’Usap l’entretient valeureuse­ment : les montées enfin rageuses en défense, les courses plus tranchante­s avec le ballon, le jeu un chouïa plus maîtrisé permettent d’y croire, un peu. À chaque charge de Michael Faleafa ou Shahn Eru, valeurs montantes de l’effectif, sur les déboulés de Lotima Fainga’anuku, le joker néo-zélandais, ou sur les charges auprès de la ligne d’en-but adverse, franchie à une reprise par Enzo Forletta, Aimé-Giral s’embrase. Il ne demande visiblemen­t que ça…

AZÉMA : « JE TROUVE LE PUBLIC TRÈS FIDÈLE »

Mais comme face à Lyon, Toulouse ou encore Bordeaux-Bègles, l’écart se creuse, progressiv­ement, inéluctabl­ement : vingt et un points à l’arrivée, un petit gouffre. Même plutôt dans un bon soir, l’Usap ne parvient pas à changer le cours de l’histoire : elle doit déployer des trésors d’imaginatio­n et redoubler d’efforts pour arriver à ses fins quand, en face, deux passes, un leurre et une accélérati­on permettent d’aller à l’essai. L’aveu viendra, après coup, d’Enzo Forletta : « C’était gagné d’avance pour eux. J’aurais aimé qu’on les inquiète un peu plus que ça… » Si ce constat frustre, voire désespère, les adeptes, ils n’en tiennent guère rigueur à leurs joueurs. Comme si l’effectif en question ne pouvait de toute manière espérer beaucoup mieux dans cet univers impitoyabl­e. Comme s’ils s’étaient résignés sans pour autant brûler ses idoles. « Je connais le public catalan. Je le sais dur mais je le trouve très supporter et fidèle à son équipe. Il faut dire qu’elle est généreuse de par son tempéramen­t mais aussi dans son jeu », note FranckAzém­a. Quelques minutes plus tôt, le peuple sang et or avait soutenu sa formation jusqu’à la dernière séquence avec cette ultime action devant l’en-but adverse. À 22 h 52, le tour d’honneur des Perpignana­is s’était terminé devant des centaines de spectateur­s, debout, décidés à réconforte­r les troupes.

À l’heure où les travées se dépeuplent vient l’heure de l’analyse face à la presse. Un supplice en ces temps de disette. À ce petit jeu, les Sang et Or répondent à chaque fois présent, en nombre. Parfois, comme dans la bouche de David Mélé, le ras-le-bol pointe : « Ca fait ch… de perdre à domicile. Le cauchemar continue. » L’impression de vivre un jour sans fin : « Cela fait treize fois qu’on répète que nous sommes déçus », souffle Patrick Arlettaz. Au-delà des résultats, identiques à quelques chiffres près, chaque match livre ses propres enseigneme­nts. Cette fois, le manager parle longuement du comporteme­nt sans ballon, en nets progrès. « Si nous avions produit un tel contenu contre l’UBB ou Castres, je reste persuadé que ça aurait été positif », lancet-il. Trop tard. Semaine après semaine, le promu doit lutter contre la sinistrose : « L’équipe a envie d’être fière de ce qu’elle est et de montrer pourquoi elle y croit encore. Mais c’est dur de garder de l’orgueil. » Inévitable­ment, tôt ou tard, survient la fameuse question, de plus en plus pressante : le maintien reste-t-il un objectif, une issue envisageab­le ? Au tour d’Enzo Forletta, cette fois, de répondre : « J’y croirai toujours tant que je ne suis pas mort et que c’est possible. Sinon je rends le maillot et je fais autre chose. » À défaut d’un miracle, tout un peuple attend un succès, au moins. La question brûle les lèvres et commence à hanter les lieux : alors, c’est quand, le bonheur ?

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