PARADOXAL AIMÉ-GIRAL
À QUOI RESSEMBLE UN MATCH À AIMÉ-GIRAL CETTE SAISON, ALORS QUE LES DÉFAITES S’ENCHAÎNENT ?
Aimé-Giral, lieu d’amour et de masochisme. Ce samedi, après six premiers rendez-vous déçus, le peuple catalan se rassemble massivement dans sa cathédrale pour une septième démonstration de foi. À l’approche du coup d’envoi, une drôle d’impression émane des coursives. Au fil des minutes, la douce résignation vis-à-vis d’une adversité mieux armée se teinte d’un espoir, ravivé par l’excitation du moment. Et si, enfin, le bon soir est arrivé ? Et si le déclic vient à se produire ? L’animateur de « la Buvette du Canigou » s’improvise même prophète avant l’affrontement du jour : « On apprend le forfait de deux internationaux français à Clermont. Peut-être deux chances de plus pour l’Usap. » À l’heure du coup d’envoi, Aimé-Giral plante le décor avec une belle bronca aux visiteurs et une ovation à ses champions. Le décor est planté : le Petit Poucet, soutenu par 12 000 choeurs, va tenter de renverser le ténor et ses vedettes. La suite ? Elle confirmera, encore une fois, la loi du plus fort. Sans pour autant éteindre l’enthousiasme général. Pendant cinquante minutes, l’Usap l’entretient valeureusement : les montées enfin rageuses en défense, les courses plus tranchantes avec le ballon, le jeu un chouïa plus maîtrisé permettent d’y croire, un peu. À chaque charge de Michael Faleafa ou Shahn Eru, valeurs montantes de l’effectif, sur les déboulés de Lotima Fainga’anuku, le joker néo-zélandais, ou sur les charges auprès de la ligne d’en-but adverse, franchie à une reprise par Enzo Forletta, Aimé-Giral s’embrase. Il ne demande visiblement que ça…
AZÉMA : « JE TROUVE LE PUBLIC TRÈS FIDÈLE »
Mais comme face à Lyon, Toulouse ou encore Bordeaux-Bègles, l’écart se creuse, progressivement, inéluctablement : vingt et un points à l’arrivée, un petit gouffre. Même plutôt dans un bon soir, l’Usap ne parvient pas à changer le cours de l’histoire : elle doit déployer des trésors d’imagination et redoubler d’efforts pour arriver à ses fins quand, en face, deux passes, un leurre et une accélération permettent d’aller à l’essai. L’aveu viendra, après coup, d’Enzo Forletta : « C’était gagné d’avance pour eux. J’aurais aimé qu’on les inquiète un peu plus que ça… » Si ce constat frustre, voire désespère, les adeptes, ils n’en tiennent guère rigueur à leurs joueurs. Comme si l’effectif en question ne pouvait de toute manière espérer beaucoup mieux dans cet univers impitoyable. Comme s’ils s’étaient résignés sans pour autant brûler ses idoles. « Je connais le public catalan. Je le sais dur mais je le trouve très supporter et fidèle à son équipe. Il faut dire qu’elle est généreuse de par son tempérament mais aussi dans son jeu », note FranckAzéma. Quelques minutes plus tôt, le peuple sang et or avait soutenu sa formation jusqu’à la dernière séquence avec cette ultime action devant l’en-but adverse. À 22 h 52, le tour d’honneur des Perpignanais s’était terminé devant des centaines de spectateurs, debout, décidés à réconforter les troupes.
À l’heure où les travées se dépeuplent vient l’heure de l’analyse face à la presse. Un supplice en ces temps de disette. À ce petit jeu, les Sang et Or répondent à chaque fois présent, en nombre. Parfois, comme dans la bouche de David Mélé, le ras-le-bol pointe : « Ca fait ch… de perdre à domicile. Le cauchemar continue. » L’impression de vivre un jour sans fin : « Cela fait treize fois qu’on répète que nous sommes déçus », souffle Patrick Arlettaz. Au-delà des résultats, identiques à quelques chiffres près, chaque match livre ses propres enseignements. Cette fois, le manager parle longuement du comportement sans ballon, en nets progrès. « Si nous avions produit un tel contenu contre l’UBB ou Castres, je reste persuadé que ça aurait été positif », lancet-il. Trop tard. Semaine après semaine, le promu doit lutter contre la sinistrose : « L’équipe a envie d’être fière de ce qu’elle est et de montrer pourquoi elle y croit encore. Mais c’est dur de garder de l’orgueil. » Inévitablement, tôt ou tard, survient la fameuse question, de plus en plus pressante : le maintien reste-t-il un objectif, une issue envisageable ? Au tour d’Enzo Forletta, cette fois, de répondre : « J’y croirai toujours tant que je ne suis pas mort et que c’est possible. Sinon je rends le maillot et je fais autre chose. » À défaut d’un miracle, tout un peuple attend un succès, au moins. La question brûle les lèvres et commence à hanter les lieux : alors, c’est quand, le bonheur ?