TROP DE JEU, TUE LE JEU ?
TROP GOURMANDE ET PAS ASSEZ PRÉCISE POUR S’OFFRIR UN SUCCÈS PLUS LARGE, L’ÉQUIPE FRANCILIENNE A TOUT DE MÊME SÉDUIT PAR SA FAROUCHE VOLONTÉ DE JOUER. UN VRAI PLAISIR À REGARDER.
Et si l’unique suspense de la rencontre n’avait finalement pas été ce point de bonus qu’aucune des deux équipes n’a finalement été fichue de décrocher ? La question a germé au cours d’une fin de rencontre complètement folle. Trois essais pour le Racing 92, un seul pour Toulon et un score de 22-13, les deux formations auraient pu obtenir chacune un point de plus au cours des cinq dernières minutes d’une rencontre jouées sur un rythme haletant. Et franchement enthousiasmant. De « turn-over » en ballons perdus, Racingmen et Toulonnais se sont jetés dans la bataille avec l’envie de tenter tout ce qui était faisable et le plus longtemps possible un peu avant et juste après la sirène. À toi, à moi, en vain.
Jusque-là les joueurs de Patrice Collazo avaient tant bien que mal réussi à ralentir le rythme d’une rencontre qu’ils savaient dangereuse pour eux dans l’hypothèse d’une cadence trop élevée. Mais pour ce qui est du suspense, il faudra repasser. Certes, les Varois ont mené de six points (16e) en début de match. Mais il y avait une classe d’écart samedi entre ces équipes. Dans la droite lignée de ses performances européennes de décembre, le Racing a développé un volume de jeu immense après un premier quart d’heure privé de ballon. Impossible de comptabiliser toutes ces passes après contact tant il y en a eu. À une main pour Finn Russell, par-dessus la tête pour Leone Nakarawa, dans le dos pour Chavancy, il y en a eu pour tous les goûts. Prise de risque maximale. On s’est même mis à penser l’espace d’un instant que ce match de rugby ressemblait davantage à un show des « Harlem Globetrotters ». Bernard Le Roux, « himself », pas forcément le plus à l’aise dans l’exercice, s’y est essayé. Ce qui a parfois agacé son entraîneur Laurent Travers. « Il a tellement été performant que lui aussi a voulu montrer qu’il savait faire des passes, a commenté ce dernier, mais au final, il a déjoué. »
Parce que c’est là que le bat blesse. Entre régalade et indigestion, la frontière est parfois infime. En confiance et bien épaulé par un système de jeu maîtrisé qui requiert mouvement et vitesse, Szarzewski et ses partenaires ont parfois surjoué, abandonnant au passage quelques occasions de « tuer » le match. Péché de gourmandise post-fête de fin d’année ? « Il y a un petit goût d’inachevé, reconnaît le trois-quarts centre Olivier Klemenczak. Nous avons manqué un peu de précision, ce qui a entraîné beaucoup de déchets. »
LE ROUX : « RUSSELL, IL EST COMPLÈTEMENT DINGUE »
De son côté, Bernard Le Roux, avec un large sourire et une bonne dose de facétie avait une autre explication. « C’est la faute de Finn Russell, a-t-il rigolé. Lui, il est un peu fou. Il veut jouer tous les ballons. A un moment, je lui ai demandé de sortir du camp au pied, mais il m’a répondu « t’inquiète Bernie, on va marquer. » Et Le Roux d’ajouter dans un immense éclat de rire : « Je crois qu’il est complètement dingue. » Dans les propos de l’international français, le plaisir transpire. Dans son large sourire aussi. Le Roux ne cache pas que l’ambition du club est à la hauteur du volume jeu proposé. Extraits : « On veut être la meilleure équipe d’Europe, ne pas perdre un seul match cette saison en H Cup. On doit en passer par là, mais il nous reste pas mal de travail. » Justement, samedi prochain face à l’Ulster, le Racing jouera un « véritable huitième de finale », dixit Klemenczak. C’est probablement en pensant à cette rencontre que Laurent Travers a déclaré que son équipe avait manqué de « patience » et de « précision ». « On aurait dû être capable de faire un ou deux temps de jeu supplémentaire plutôt que de tenter des passes improbables », a-t-il ajouté. En Champions Cup, on ne peut pas se permettre ce genre de comportements. Sauf que, en Top 14, malgré un déchet colossal, ça fonctionne quand même.