La nécessité d’une élite professionnelle délimitée
Je suis fasciné de voir à quel point les comportements des acteurs de Fédérale 1 ressemblent à ceux des professionnels alors même que cette catégorie est dite « amateur » : présence d’agents, rémunérations conséquentes, vision à court terme des joueurs, présence de joueurs étrangers… Cela ne fait que confirmer le fait que le rugby a échoué à définir le périmètre de ce qui constituait la sphère de l’élite professionnelle. Alors même que certains sports peinent à mettre sur pied une première division professionnelle, le monde du ballon ovale en possède presque trois. Il n’y a pas d’intérêt à voir se constituer une troisième catégorie professionnelle, ni pour le XV de France, ni pour le rugby dans son ensemble. Très peu de clubs sont parvenus à monter en Pro D2 sans retourner directement dans l’échelon inférieur. De plus, parmi les prétendants des saisons précédentes, ceux de la poule « élite », très peu ont rempli les conditions nécessaires à l’accession en Pro D2. L’écart financier entre les deux catégories constitue une barrière d’entrée difficile à franchir. Aussi, ceux qui sont parvenus à se maintenir se sont appuyés sur un recrutement généreusement constitué de joueurs étrangers. Cette mécanique n’est en rien profitable pour le rugby français dans son ensemble.
La Fédérale 1 accueille bien souvent des générations de joueurs ayant occupé les nombreux centres de formation des clubs français et à qui l’on fait miroiter la possibilité de signer, un jour, un contrat professionnel. Parmi ces pensionnaires des centres de formation seule une minorité aura la possibilité d’évoluer au plus haut niveau. Pourtant, de plus en plus jeunes, les joueurs délaissent tout ce qui est hors rugby parce qu’ils commencent à toucher du bout des doigts le monde professionnel. On est en train de créer des générations de joueurs certes professionnels (le rugby comme activité exclusive) mais qui auront toutes les difficultés du monde à trouver leur place lorsqu’il ne sera plus question de rugby. Que des joueurs de Top 14, voire de Pro D2 ne fassent que ça ne me pose aucun problème. Que des joueurs en formation, ou des joueurs des catégories amateurs, délaissent le double projet laisse présager le pire pour les années à venir.
Pour finir, je peine à voir l’intérêt sportif d’une catégorie qui mélange des formations professionnelles (les joueurs n’ont que le rugby pour activité professionnelle) avec des formations intégralement amateurs (les joueurs, même s’ils sont rémunérés, occupent une activité professionnelle hors rugby à plein temps). Dans le climat actuel de remise en cause de ce que l’on souhaite faire du rugby, notamment d’un point de vue médical, la question de la délimitation de l’environnement professionnel se pose plus que jamais.