« Le rugby a un peu rêvé »
JEAN-PIERRE DUMARTIN DAX EN FÉDÉRALE 1, SAINT-SEVER EN HONNEUR, HAGETMAU, SAINT-PAUL ET MUGRON MENACÉS. JAMAIS LE RUGBY LANDAIS N’A ÉTÉ AUTANT AFFAIBLI. JEAN-PIERRE DUMARTIN EN PARLE.
Depuis près de quarante-cinq ans, JeanPierre Dumartin vit avec la passion du rugby chevillée au corps. Durant quinze ans, le Landais a présidé aux destinées d’un SA Hagetmau bastion aquitain. Aujourd’hui en retrait, il reste un observateur attentif du rugby landais et l’inquiétude qu’il manifeste doit nous interpeller.
Le tableau que l’on peut dresser du rugby dans les Landes n’est pas très réjouissant, êtes-vous inquiet ?
Inquiet nous devons l’être mais je ne pense pas qu’on puisse aller plus bas. C’est catastrophique. Ou bien il va falloir regrouper les clubs comme l’on fait Amou et Pomarez pour survivre. La Fédération de Bernard Laporte qui n’est pas ma tasse de thé mais je n’ai rien contre lui, veut pénétrer les écoles et les collèges et c’est ce qui manque aussi. Sur les Landes le bilan est très inquiétant. Voyez ce qu’est devenu Saint-Sever. Même Tyrosse qui dominait la Fédérale 1 a de plus en plus de difficultés. Et Dax n’est pas encore remonté.
Localement, y a-t-il des causes objectives à cette sorte de déclin ?
Au niveau école de rugby Hagetmau a perdu beaucoup de ses effectifs. Dans toutes les communes nous avons la concurrence du foot et du basket et cela nous fait mal. Dans tous les villages il y a de belles salles de basket où ils organisent des troisièmes mi-temps à tous les matchs, et surtout ils jouent le samedi. Du côté du rugby, les parents ont de plus en plus de craintes avec les dramatiques accidents. Ils ont peur de la violence qui apparaît dans le rugby pro. Dans ce contexte le rôle des éducateurs est très important. C’est un réel problème. Bernard Laporte veut former des éducateurs mais cela ne va pas se faire du jour au lendemain.
L’enracinement culturel du rugby en Aquitaine n’est-il pas devenu finalement un handicap ? Les gens n’ayant pas eu l’habitude de lutter pour exister.
À mon époque c’était peut-être trop facile. Il faut dire qu’aujourd’hui, dès qu’un jeune joueur sort de l’ordinaire il est récupéré par un grand club. C’est normal mais je pense qu’ils sont recrutés un peu trop tôt. Ensuite, tout le monde rouspète quand ils partent, mais dans le fond les clubs sont fiers. Comme pour le jeune Tauzin de Saint-Sever qui joue à Toulouse. À Hagetmau il y a très longtemps que nous n’avons pas eu un jeune promu.
N’avez-vous pas aussi le sentiment que la puissance économique indispensable aux clubs s’est déplacée vers l’est et le nordouest ?
Au plan local c’était déjà difficile et la conjoncture n’étant pas extraordinaire ça n’aide pas. Nous allons arriver au rugby des grandes villes, j’en suis persuadé. Nous y sommes. Tyrosse a aujourd’hui du mal à produire un budget qui approcherait les 1 million d’euros. Financièrement il n’y a aucun club de la région qui puisse aligner un budget de 3 millions d’euros. Et je ne vois pas comment cela peut s’améliorer car les gros sponsors ne sont pas attirés par nos clubs.
L’observateur que vous êtes préconise-t-il des solutions pour redonner la santé à un rugby landais malade ?
À moins de faire sur le plan local un très gros investissement sur les jeunes je ne vois pas de solution. Si nous ne pénétrons pas de façon importante les écoles, les collèges et les lycées nous sommes morts. Il faut surtout investir auprès des parents, les intéresser, leur montrer que le rugby des jeunes n’est pas un sport de « rentre dedans ». Il faut tout reprendre à la base et ça va être long car notre équipe de France n’est pas attractive. Mais il n’y a pas que les Landes qui sont dans la difficulté. Le rugby a un peu rêvé en se croyant le plus fort et nous le payons.