« Provoquer une circulation défensive »
Pourquoi est-il si difficile d’inscrire un essai quand une équipe arrive dans les fameuses zones de marque ?
Cela vient de la densité défensive. Comme l’adversaire ne couvre plus le champ profond, son premier rideau s’en trouve renforcé avec l’intégration de l’arrière, des ailiers et du 10 dans la ligne. Comme il n’y plus de brèches, on doit mettre en place un jeu qui vise à compresser cette défense, par du jeu d’avants avec du pick and go ou des cellules de trois. Par ce jeu, on espère provoquer une circulation défensive qui resserrera les ailiers défensifs et nous permettra de contourner la défense. D’où l’intérêt de trouver des moyens d’atteindre ses ailiers pour le faire.
Les brèches sont donc rares à cet endroit du terrain…
Oui, d’autant que certaines équipes construisent des terrains avec des en-but minuscules, comme c’est le cas au Racing ou en Angleterre. Il y a aussi le rôle des neuf physiques, qui peuvent faire office de neuvième avant en défense. C’est le cas à Aurillac avec Paul Boisset notamment, qui fait office de troisième ligne supplémentaire quand on s’approche de leur ligne. Voilà pourquoi il est intéressant de songer à d’autres options, comme la passe au pied, le renversement du neuf pour l’ailier côté fermé, ou le jeu au pied court du 10 pour l’ailier intérieur.
Parlez-nous de cette dernière option…
C’est un peu comme un lancement sur mêlée, où les équipes attaquent très rapidement la zone du 10 par un coup de pied par-dessus ou rasant tapé par l’ouvreur pour son ailier qui vient à l’intérieur, en direction d’une zone qui est délaissée parce que le neuf met la pression au huit adverse. Là, c’est la même chose, sauf que le neuf est occupé à défendre dans le premier rideau.
Quels sont les avantages et inconvénients de la diagonale au pied ?
Niveau inconvénients, c’est du 50/50 et si on perd le ballon il n’y a personne pour défendre derrière. Si on échoue, on se débarrasse du ballon dans une zone de marque et l’on ne tente même pas de pousser l’adversaire à la faute. Côté avantage, c’est une bonne solution pour les équipes qui ne peuvent s’imposer par leur densité, et c’est une bonne façon de marquer à moindre effort. Pendant plusieurs mois, nos adversaires ont fait le choix de nous défendre avec un premier rideau à 14. Dans ces conditions, l’option du jeu au pied s’imposait. Après, ce jeu au pied doit être construit, anticipé, préparé. Cela ne peut pas venir sur le moment. Il faut, au préalable, avoir fait travailler la défense, alterner le jeu, etc.
Quid de la passe sautée du neuf pour son ailier dans le côté fermé ?
C’est très intéressant, surtout pour les équipes qui possèdent des joueurs capables de faire la différence en un contre un. Ce n’est pas un hasard si on l’a souvent vu à Montpellier : quand on sert Nadolo à cinq mètres de la ligne, on a de grandes chances de marquer. L’idée est la même : compresser la défense, provoquer une circulation défensive et trouver un intervalle dans un renversement. Dans ce cas-là, on est plutôt sur un jeu en lecture, dans lequel le demi de mêlée doit être capable de lire le mouvement de la défense adverse et de solliciter son ailier si c’est le bon moment. Vous imaginez bien qu’inverser sur l’ailier alors que le rideau adverse n’a pas bougé et qu’il est seul face à cinq défenseurs n’est pas une bonne idée… Notons enfin les exigences techniques du geste : pour que cela réussisse, il faut une passe dite « laser », rapide, précise et tendue pour éviter de se faire intercepter. Tout comme il faut un coup de pied très précis dans le cas de figure de la diagonale au pied.