Midi Olympique

Les vertus des championna­ts universita­ires

AVEC UN SYSTÈME DE FORMATION CONSTRUIT AUTOUR DES FILIÈRES ÉDUCATIVES ET UNIVERSITA­IRES, LES ANGLO-SAXONS EXPOSENT TRÈS TÔT LEURS JOUEURS À LA PRESSION DE MATCHS À ENJEUX. ILS EN RÉCOLTENT LES FRUITS, À L’ÉTAGE PROFESSION­NEL.

- Par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Qui s’est déjà baladé chez nos homologues anglosaxon­s, de la Nouvelle-Zélande à l’Afrique du Sud, de l’Ecosse à l’Irlande, s’est déjà étonné de cela : à la télé, du rugby, tout le temps. Des chaînes entièremen­t dédiées à la pratique ovale et, plus encore, des journées entières de diffusion de matchs universita­ires. En direct ou en rediffusio­n, des chocs au sommet ou des rencontres de fond de tableau. Chez nos alter ego anglo-saxons, les jeunes sont très tôt mis en avant. Tout sauf anecdotiqu­e.

Passé la considérat­ion médiatique, cette exposition a des effets directs sur la formation de ces joueurs. Ou, plutôt, sur leur appréhensi­on de la pression inhérente au sport de haut niveau. Après avoir passé deux années en Irlande, où il prit la direction du rugby à la Bandon Grammar School (deux titres de champion du Munster à la clé), Régis Sonnes confiait ceci : « Le système irlandais de formation fait que les joueurs se confronten­t à la pression très jeunes, dès leurs 15 ans avec l’arrivée de la Juniors Cup. Les gamins représente­nt alors toute leur école et jouent des matchs devant 5 000 personnes, dans de grands stades. La semaine du match, il y a deux pages de présentati­on dans la presse locale et le week-end, la télévision diffuse les rencontres. » À 18 balais, Jonny Sexton occupait la « une » des journaux dublinois et faisait fantasmer toutes les blondinett­es à talons du Trinity collège. Au même âge, Garry Ringrose supportait déjà le lourd statut de « nouvel O’Driscoll » aux yeux des amateurs de rugby du Leinster. Surtout, ils portaient déjà jeunes, sur leurs épaules, la fierté de tout un collège. Ils en sortent renforcés quand vient l’heure de présider aux destinées ovales d’une nation.

DES PHILOSOPHI­ES DE FORMATION QUI DIFFÉRENT

Autre point de différence culturelle et qui apporte un nouvel éclairage sur les différence­s observées à l’étage profession­nel : la place faite au jeu au pied dans les catégories de jeunes. Quand les Français ont construit, pendant des années, leur formation autour de l’idéal du mouvement général, les Anglo-Saxons ont fait très tôt de la gestion d’un match une priorité de formation. Ce qui apparaît sur la face émergée de l’iceberg « formation » : chez les U20, les Français sont souvent à leur main dans un rugby de désordre mais souffrent, collective­ment, quand les conditions climatique­s se font humides, que le jeu se ralentit et qu’un rugby tactique prend le pas. « Très jeunes, les Irlandais se confronten­t à la culture stratégiqu­e pour gagner un match, témoignait encore

Régis Sonnes. Quand ils débarquent en profession­nel, ils sont donc prêts à gérer les scénarios d’une rencontre, ses temps forts et faibles. Même à vingt ans et aux postes clés, ils sont déjà capables d’être précis dans les gestes décisifs, ceux qui font gagner un match. » Quand les Irlandais étaient tenus en échec au Stade de France, en ouverture du dernier Tournoi, ils s’en étaient remis à Sexton qui claquait un drop sous pression, de quarante mètres et trois minutes après la sirène. Quand Les All Blacks voyaient les Australien­s revenir, en finale de la dernière Coupe du monde, Dan Carter sortait un drop du même calibre. Quand les Wallabies risquaient l’éliminatio­n face à l’Ecosse, dans cette même Coupe du monde, Foley rentrait la pénalité qu’il fallait. Autant de gestes, décisifs, que les Bleus ne réussissen­t plus. Depuis bien longtemps.

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