Midi Olympique

Les « affamées » en veulent plus

LA JOUEUSE DU STADE FRANÇAIS, EXCELLENTE LORS DE LA TOURNÉE D’AUTOMNE, REVIENT SUR L’EXPLOIT FACE AUX BLACKS ET LA NOUVELLE NOTORIÉTÉ DES BLEUES.

- Propos recueillis par Vincent BISSONNET vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

Le 19 novembre, vous faisiez la une de Midi Olympique après l’exploit réalisé face aux Black Ferns. Quels retours avez-vous eu de cette exposition soudaine ?

On m’en a beaucoup, beaucoup parlé (sourire). J’ai eu énormément de retours positifs de personnes qui étaient heureux de voir une fille en Une. Surtout venant d’un journal spécialisé, ça situe la valeur de notre performanc­e. C’est le genre de mise en avant qui contribue à faire bouger les lignes pour notre sport. Avant les JO de Rio, on y avait déjà eu un peu droit mais jamais avec une telle visibilité. De manière générale, j’ai été surprise par l’enthousias­me suscité par notre victoire. Je n’avais jamais reçu autant de messages, les gens me racontaien­t qu’ils avaient sauté sur le canapé...

Avez-vous revu la rencontre ?

Oui. C’était un beau match, vraiment, avec du rythme, de longues séquences. Mais quand j’écoutais les gens autour de moi, il paraissait presque exceptionn­el. Je pense que c’est dû au suspense et à l’incertitud­e quant au vainqueur jusque dans les dernières minutes.

Le rugby féminin a pris une autre dimension médiatique, depuis. Comment le vivez-vous ?

Quand je me souviens de ce qu’était le rugby féminin à mes débuts, je me rends compte que l’avancée est considérab­le. En 2009, quand j’ai commencé, les pratiquant­es n’étaient pas nombreuses. Maintenant, la barre des 20 000 licenciés est atteinte. Sur le plan médiatique, nous sommes passés de l’anonymat à une belle exposition avec cette Une, le passage sur France 2... Au début, les jeunes n’avaient pas de joueuses connues à qui s’identifier. Maintenant, elles ont des exemples à suivre. Tout le rugby français semble en bénéficier, pas seulement les filles. Nous recevons aussi des courriers de garçons qui disent aimer notre façon de jouer et l’image que nous véhiculons. C’est valorisant.

Au-delà de la victoire, le jeu pratiqué en a surpris plus d’un. Vous êtes-vous surpris vousmême, sur les plans collectifs et individuel­s ?

Depuis 2017, notre staff porte un projet de jeu ambitieux et très intéressan­t. Son credo est : faire simple, vite et fort. Bon, ça demande beaucoup de travail et de persévéran­ce en amont mais ça paye sur le terrain : il y a du rythme, du déplacemen­t, de l’alternance et de la mixité entre avants et trois-quarts. En tant que deuxième ligne, par exemple, nous sommes par moments amenés à jouer sur l’aile. Personnell­ement, ça m’a permis de repousser mes limites. À la base, je n’étais pas très adroite avec la balle. Je venais de l’athlétisme, j’ai commencé à 20 ans. Il a fallu beaucoup d’entraîneme­nt pour masquer tout ça. Si j’ai pu progresser, c’est grâce aussi à cette volonté de tenter la passe. C’est ce qui fait aussi que les gens nous suivent avec plus d’intérêt.

En quoi cette fraîche notoriété peut-elle représente­r un risque pour ce groupe ?

Ça ne change pas notre manière d’être, en tout cas. La plupart d’entre nous a encore un pied dans la vie active, avec un métier ou des études à côté. Ça permet de rester au contact du monde réel, de ne pas se prendre pour d’autres. Je ne vois pas de changement dans l’investisse­ment des filles. La semaine passée, le groupe se réveillait à 6 h 30 pour être sur le terrain à 7 heures, qu’il pleuve ou qu’il neige. Notre devise veut tout dire : humbles et affamées. Humbles car nous restons des besogneuse­s qui ont le sourire. Et affamées car nous sommes encore mortes de faim, portées par l’envie de décrocher le plus de médailles possible.

Comment appréhende­z-vous le fait d’être devenues l’ennemi numéro 1 de vos rivales pour la victoire dans le Tournoi ?

Je pense que notre statut a changé, oui. Les Anglaises ont d’ailleurs réagi en profession­nalisant plusieurs joueuses récemment. Nous allons être attendues, c’est une certitude. La France est devenue l’équipe à battre. C’est logique. Avant les tests de novembre, c’était la NouvelleZé­lande qui avait cette étiquette à nos yeux. Comme nous avons battu les meilleures, c’est à notre tour désormais d’être ciblées.

À quoi ressemble votre quotidien ?

Jusqu’en en mai dernier, j’étais à 75 % au rugby et à 25 % chez la GMF. Mais j’ai dû arrêter mon activité profession­nelle. Avec tous les déplacemen­ts, ce n’était pas évident de combiner les deux. Peut-être que dans un futur proche, nous serons à 100 %, c’est en bonne voie apparemmen­t. Notre statut est de toute manière déjà presque profession­nel. Pour l’heure, mon quotidien est avant tout rythmé par les entraîneme­nts avec France VII. Sur les fenêtres internatio­nales, nous pouvons être mis à la dispositio­n du XV. Les deux staffs sont en étroite collaborat­ion. Je suis aussi engagée auprès du Stade français. Je n’ai joué que quatre matchs avec ma nouvelle équipe mais je m’y sens déjà très bien.

Certaines cadres du XV de France ont été réquisitio­nnées pour l’étape à 7 de Sydney. Comment parvenez-vous à combiner les deux ?

Nous commençons à être habituées à jongler entre les deux sélections. C’était déjà le cas en 2016. On essaye de faire au mieux pour mener ces objectifs de front. Nous attendons beaucoup de l’étape de Sydney ce week-end. C’est un rendez-vous très important. Cette année, le but est de décrocher au plus vite la qualificat­ion olympique. Plus tôt elle sera en poche, mieux nous pourrons préparer cette échéance capitale.

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