La Ligue des Nations prend corps
LE PROJET DE LIGUE DES NATIONS, CHAMPIONNAT AU LONG COURS METTANT AUX PRISES LES DOUZE MEILLEURES NATIONS DU MONDE, POURRAIT AVOIR UN IMPACT SUR LE TOURNOI DES 6 NATIONS SI UN CONSENSUS ÉTAIT TROUVÉ.
Fin septembre dernier, Midi Olympique révélait le projet de Ligue des Nations pensé par World Rugby pour remplacer les tournées de juin et de novembre et repenser le calendrier international. L’idée est revenue sur la table des négociations, en début de semaine, à Los Angeles (Etats-Unis), lors d’une réunion regroupant les acteurs majeurs du rugby mondial, dirigeants de fédérations et d’institutions. Les contours de cette nouvelle compétition, espérée à l’horizon 2022, se précisent même si rien n’est encore acté.
Une hypothèse de travail a surgi lors de ce rendez-vous en haut lieu, auquel Bernard Laporte a pris part, avec la réforme envisagée du Tournoi des 6 Nations : l’instauration d’un système de relégation et d’accession au sein de l’épreuve ? Cette proposition, régulièrement évoquée depuis quelques années, mais constamment rejetée jusqu’à présent, a été introduite dans la réflexion globale. Une telle réforme constituerait un changement radical pour ce monument du patrimoine sportif créé en 1883 : elle modifierait le visage du Tournoi avec l’apparition de la Géorgie, la Roumanie ou encore la Russie et l’exclusion momentanée d’un de ses membres permanents. Dans l’hémisphère Sud, aussi, des changements de grande envergure sont en pourparlers avec l’intégration voulue des Fidji et du Japon à l’actuel Rugby Championship, disputé par la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, l’Australie et l’Argentine. Là aussi, les concurrents du Tier 2 (Samoa, Tonga, Uruguay) se disputeraient une promotion au plus haut niveau, à travers leurs compétitions, pour rejoindre le gotha.
DES DROITS TÉLÉ MUTUALISÉS ?
Et la Ligue des Nations, dans tout ça ? Les dix sélections participantes aux deux compétitions majeures - 6 Nations et Rugby Championship - plus le Japon et les Fidji se confronteraient dans ce mini-championnat disputé en onze journées. Fini donc les tournées classiques. À quoi ressemblerait le programme de la France, à titre d’exemple, si cette Ligue voyait le jour ? Après les cinq levées du Tournoi, en février et mars, les Bleus affronteraient le Japon et les cinq autres formations de l’hémisphère Sud à l’occasion des fenêtres internationales de l’été (à l’extérieur) - celle de juin est amenée à être repoussée en juillet - et de l’automne (à domicile).
Une fois les onze matchs disputés par toutes les équipes, un classement serait établi. S’en suivraient des phases finales, programmées fin novembre ou début décembre avec, en point d’orgue, une grande finale, si possible dans une enceinte mythique, telle le Nou Camp ou Wembley. Cette compétition annuelle n’aurait pas lieu lors des saisons Coupe du monde et serait raccourcie lors des années de tournées des Lions britanniques et irlandais. « Après des réunions positives et productives avec les dirigeants de fédération et de compétitions, World Rugby a été chargé de continuer à explorer la viabilité des formats des potentiels compétitions à l’échelle mondiale, a déclaré un porte-parole de l’instance. L’objectif de ce travail est de fournir un mode de compétition et un modèle commercial qui assureront la meilleure valorisation pour toutes les nations en s’appuyant sur les fondations solides des compétitions existantes tout en dynamisant les fenêtres de juillet et novembre. »
Ce projet, plébiscité par Agustin Pichot, serait aussi porté, en coulisses, par un diffuseur télé de calibre international, désireux de s’offrir les droits de retransmission des trois compétitions en question. Le cabinet d’audit diligenté par World Rugby, aurait trouvé un groupe de médias mais aussi deux sponsors majeurs prêts à financer la compétition. Leurs noms n’ont pas été révélés, pour ne se fermer à aucun potentiel futur partenaire. La Ligue des Nations ne manque pas d’arguments pour arriver à ses fins et remporter l’adhésion. Selon The Times, les Fédérations se verraient proposer entre 5 et 10 millions de livres (5,7 à 11,4 millions d’euros, environ) pour y participer. Une telle manne ne laisse pas insensible les Fédérations sudistes qui sont exsangues financièrement.
Dans le Nord, les nations sont très attachées au Tournoi qui, pour l’Angleterre, le pays de Galles ou la France, représente plus de la moitié de leur recette (billeterie, droits télé et sponsoring) et ne veulent pas le galvauder. La réunion de Los Angeles n’a pas permis, selon eux, de grandes avancées. Une nouvelle rencontre des différents présidents fédéraux va être programmée à l’issue du Tournoi 2019. L’idée est d’arriver à mettre sur pied le projet de Ligue des Nations pour le présenter médiatiquement lors du Mondial au Japon. Enfin, du côté des nations mineures ou émergentes, la possibilité d’intégrer les compétitions du Tier 1 représente un atout de séduction. Un consensus pourra-t-il être trouvé à l’échelle mondiale et ainsi permettre à cette révolution d’arriver à son terme ? Dossiers à suivre.