Midi Olympique

« Les Gallois vont prendre un truc qu’ils n’ont jamais eu ! »

UINI ATONIO - Pilier du XV de France LA DERNIÈRE FOIS QUE LES GALLOIS ONT VISITÉ LE STADE DE FRANCE, LE TRUCULENT UINI ATONIO (28 ANS, 31 SÉLECTIONS) AVAIT ÉTÉ MÊLÉ À UNE IMPROBABLE POLÉMIQUE. VRAIE COMMOTION ? FAUSSE BLESSURE ? POUR LA PREMIÈRE FOIS, LE

- Quoi ? Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr Quelle opinion avez-vous des Gallois ?

Ils sont pas trop mal en ce moment. Je crois qu’ils restent sur neuf victoires consécutiv­es. (il souffle)

Merde : on est chez nous, devant nos supporters, dans un Stade de France qui, j’espère, sera plein à ras bord ! Tu veux quoi de plus ? On ne devrait avoir peur de personne !

Qui sont, à vos yeux, les joueurs clés du pays de Galles ?

Déjà, j’ai vu qu’ils avaient perdu Leigh Halfpenny, ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle pour nous. En revanche, Dan Biggar est de retour. Leur première ligne, avec Rob Evans et Samson Lee, a également beaucoup d’expérience. Mais on a aussi nos joueurs clés. On va rivaliser.

Vous êtes confiant…

Oui, parce que les Gallois vont regarder nos matchs de novembre et se dire : « C’est bon, tranquille ! On va leur marcher dessus, aux Français...» Mais là, ils vont prendre un

truc qu’ils n’ont jamais eu !

La dernière fois que les Diables Rouges ont visité le Stade de France, le match a duré 100 minutes et s’est terminé sur la plus longue séance de mêlée au monde. Que vous reste-t-il de cette victoire à l’arraché (20-18) ?

Je n’avais jamais connu ça. Ce soir-là, il y a eu près de vingt minutes de mêlée près de leur ligne, de la 80e à la 100e minute de jeu. On a gagné mais, après ça, les Gallois ont porté plainte ou je ne sais pas trop quoi…

En réalité, les Gallois reprochaie­nt au staff du XV de France d’avoir simulé votre commotion cérébrale, en fin de match. Ceci afin de permettre à Rabah Slimani de revenir en jeu et de prendre ainsi un avantage décisif sur la mêlée d’en face…

Oui, voilà. Mais cette fois-ci, pour éviter aux tabloïds britanniqu­es de ressortir des articles pourris, on va gagner le match et bien le gagner ! Et sans attendre la 100e minute !

Et votre commotion, alors ?

Ben quoi ? Le mec chargé de regarder les joueurs sur la pelouse trouvait que j’étais un peu bizarre, un peu sonné. Il m’a fait passer le protocole commotion, m’a dit que je n’étais pas en état de revenir sur la pelouse et, derrière ça, j’ai passé vingt minutes dans les vestiaires à attendre que le match se termine... Pendant ce temps-là, Rabah (Slimani) a fait quarante-huit mêlées. (rires)

Ne vouliez-vous pas revenir en jeu ?

Si ! J’ai dit au médecin que je voulais revenir ! Mais il n’était pas d’accord et je n’allais pas aller contre son avis. Le spécialist­e, c’était lui !

Que s’est-il passé, après ?

Il y a eu enquête. J’ai été reçu par un juge qui m’a montré tout un tas de coupures de presse. Il a fallu que j’explique que j’avais pris un coup, que j’avais dû sortir. Et puis tout est rentré dans l’ordre (après l’audience, le comité des 6 Nations avait infligé un simple blâme à la FFR, N.D.L.R.).

Dans la foulée, on dit que Patrice Collazo, votre entraîneur à La Rochelle, s’était quelque peu pris le bec avec Yannick Bru, l’entraîneur des avants tricolores. Est-ce vrai ?

Non, ils sont toujours potes ! Sur le coup, Yannick avait juste fait son job : j’étais blessé, je suis sorti, point barre.

Patrice Collazo, qui était un peu votre grand frère à La Rochelle, vous manque-t-il ?

Avec Romain Sazy et « Peloche » (Vincent Pelo), on l’appelle parfois. C’est normal. Patrice est le mec qui m’a fait venir.

À quelle époque ?

En 2010, au cours d’un tournoi de rugby à 10 à Hong Kong. Lui, il jouait avec une équipe de Barbarians français. Moi, j’étais le numéro 8 d’une autre équipe. Après le match, il est venu me voir et m’a dit : « T’as déjà joué pilier ? » J’ai dit

« non ». Quelques jours plus tard, j’étais dans l’avion.

Jacques Brunel a décidé d’intégrer beaucoup de jeunes au groupe France. Que pensez-vous d’eux ?

Nous, les anciens, avons la chance de jouer aujourd’hui. Mais dans deux ou trois ans, avec tous ces nouveaux qui arrivent… […] Thomas (Ramos), Demba (Bamba) ou Romain (Ntamack) ont des qualités techniques et physiques que nous n’avions peut-être pas. Ils amènent quelque chose. J’espère qu’ils auront leur chance.

Le Briviste Demba Bamba, l’un de vos concurrent­s au poste de pilier droit, vous impression­ne-t-il ?

C’est un vrai pilier, il ne dit pas un mot. Il me fait penser à moi à mes débuts en équipe de France. Il n’y a qu’en salle de muscu qu’il n’est pas timide. Vous verriez ça… […] Pour moi, Demba sera très rapidement le meilleur pilier français.

Quel est l’objectif dans le Tournoi, cette année ?

On veut d’abord montrer à nos supporters que nous travaillon­s, que nous progresson­s. On veut rendre les gens heureux autour de nous. On veut que le chauffeur du bus soit enfin content de nous conduire au stade ! (rires)

Et après ?

Le XV de France n’ira pas en Coupe du monde pour finir dixième. On va se battre.

Avez-vous déjà basculé sur la Coupe du monde ?

Pour l’instant, je suis en mode « Tournoi ». Ouais, en mode « un peu dégueu »... (rires) Il va me falloir bosser pour accrocher une place pour le Japon. Et j’en suis conscient.

Comment votre vie à Marcoussis est-elle rythmée ?

Après l’entraîneme­nt, j’appelle mon fils, qui vient d’avoir 2 ans. Il parle beaucoup, s’enferme dans la chambre, et alors sa mère ne peut plus approcher le téléphone. Pendant quarante-cinq minutes, il me raconte sa journée à la crèche, son repas, le nombre de pipis laissés dans la couche. Des mots d’enfant, quoi. […] Mais je n’ennuie personne. À cause des ronflement­s, je suis seul en chambre, à Marcoussis…

Y a-t-il un type à éviter, au CNR ?

Yoann Huget est le casse-couilles par excellence. Avec lui, on a le droit à toutes les pires blagues : il verse de la moutarde dans tes pompes, trafique les chaises pour qu’on tombe. Il est terrible…

La convocatio­n de Paul Willemse en équipe de France a été marquée par un débat assez virulent au sujet du « droit du sang » et du « droit du sol ». En 2014, lorsque Philippe Saint-André vous a appelé au même moment que Rory Kockott et Scott Spedding, le débat avait-il été aussi houleux ?

Ce n’était pas le même contexte. Paul a un passeport, ce n’était pas mon cas à l’époque. Quand je suis arrivé, les gens gueulaient un peu plus : « il n’a rien à faire là ! Il faut laisser la place aux jeunes Français ! » Mais si les autres équipes le font, pourquoi pas l’équipe de France ?

Comment ça ?

Chez les All Blacks, il y a des joueurs nés aux Samoa, aux Fidji. Les Wallabies, eux, ont 40 % de joueurs tongiens. C’est comme ça partout. Moi, je sais que Paul (Willemse) va tout donner pour le XV de France. Pour défendre ce maillot bleu, tu laisses tout, t’as envie de crever le mec en face. En gros, tu ne vas pas louper un plaquage contre les SudAf’ parce que t’es né en Afrique du Sud. Et puis…

Quoi ?

Imagine qu’un Français déménage à douze ans en NouvelleZé­lande et soit un jour sélectionn­é chez les All Blacks ? Ce serait énorme, non ?

Vous entraînez-vous encore à chanter la Marseillai­se, comme le fait Paul Willemse ?

Je la connais par coeur depuis déjà très longtemps. Quand je marche dans les couloirs de Marcoussis, je la chante.

Ah oui ?

Non, je déconne. (rires)

La semaine dernière, un Samoan de 27 ans a trouvé la mort sur un terrain de rugby. Cette inquiétant­e accumulati­on de décès vous pousse-t-elle à vous interroger sur ce jeu ?

Cette histoire est horrible. Le jeune a pris un coup, il est sorti du terrain par ses propres moyens et a fait un arrêt cardiaque dans la foulée. Il y a encore cinq ans, on ne pensait même pas à des drames pareils et, depuis deux ou trois mois, il n’y a plus que ça. Il n’y a plus que du noir.

Dès lors, que faire ?

Je ne sais quoi vous répondre. Le rugby est un sport de contacts et tu ne vas pas laisser un mec passer parce qu’il est plus grand que toi. Malheureus­ement, les merdes s’accumulent, ça me touche et il faudra réagir, d’une manière ou d’une autre.

Vous qui pesez 140 kg et mesurez quasiment 2 mètres, n’avez-vous jamais eu peur de faire mal à quelqu’un sur un terrain de rugby ?

Oui, bien sûr. Quand je vois un petit demi de mêlée de 70 kg, je me dis toujours qu’il ne faut pas l’écraser, qu’il faut faire attention. Et puis tu rentres dans le match, tu joues au rugby comme on te l’a toujours appris et tu oublies. C’est normal.■

« Merde : on est chez nous, devant nos supporters, dans un Stade de France qui, j’espère, sera plein à ras bord ! Tu veux quoi de plus ? On ne devrait avoir peur de personne ! » Uini ATONIO

Pilier du XV de France

 ?? Photo Icon Sport ?? Uini Atonio est confiant sur la capacité des Bleus à non seulement rivaliser mais aussi surclasser les Gallois.
Photo Icon Sport Uini Atonio est confiant sur la capacité des Bleus à non seulement rivaliser mais aussi surclasser les Gallois.

Newspapers in French

Newspapers from France