Midi Olympique

FARRELL ET FILS

ANDY, LE PÈRE, ET OWEN, LE FILS VONT S’AFFRONTER POUR LA TROISIÈME FOIS. LE FILS EST EN TRAIN DE DEVENIR UNE ICÔNE DU RUGBY ANGLAIS. BEAUCOUP DE VOIX DÉPLORENT QUE LE PÈRE NE SOIT PAS REVENU AU PAYS L’ÉTÉ DERNIER COMME ADJOINT D’EDDIE JONES. IL EN A PEUT-

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

C’est quand même assez rare dans l’Histoire du rugby. Samedi à l’Aviva Stadium, un père affrontera son fils dans un match internatio­nal. Mais entre l’Irlande et l’Angleterre, c’est devenu un feuilleton depuis le Tournoi 2016.

Andy Farrell est depuis cette date l’entraîneur adjoint de l’Irlande, chargé de la défense ; tandis que son fils Owen sera le demi d’ouverture et le buteur de l’Angleterre. Et sans doute un peu plus que cela, il est devenu l’icône du XV de la Rose, un cran en dessous de son aîné Jonny Wilkinson bien sûr (lire ci contre). Mais il suffisait de lire la presse anglaise et de tourner autour du stage d’avantTourn­oi pour mesurer l’importance de ce blondinet, au visage souvent fermé. Andy lui s’est montré plus paisible à l’image de tout le staff de l’Irlande qui baigne dans l’huile dans la foulée du grand chelem 2018. Depuis 2016, l’affronteme­nt s’est produit à trois reprises et c’est le père qui mène deux victoires à une. Owen et Andy sont nés dans le nord industrieu­x du pays, à Wigan : charbon, textile, fumée noire, industrie lourde, et sport profession­nel, avec un ballon rond ou un ballon ovale. Owen a émigré à Londres à l’âge de 14 ans pour suivre… son père justement muté profession­nellement dans la capitale, en fait transféré des treizistes de Wigan aux quinzistes des Saracens en 2005. Andy n’avait que trente ans à l’époque. Oui parce que le père et le fils n’ont que seize ans de différence. Owen a eu largement le temps de voir son paternel crampons aux pieds et ballon à la main. Le plus incroyable, c’est que les deux ont même failli jouer ensemble en 2008 quand Owen fit ses premiers pas profession­nels, à l’âge de 17 ans avec les Saracens. Son père était encore joueur au club, mais l’événement ne s’est jamais produit.

Les deux Farrell ont donc longtemps cohabité dans une relation d’entraîneur-entraîné, aux Saracens d’abord, puis en équipe d’Angleterre sous l’ère Lancaster et, il ne faut pas l’oublier, avec les Lions en tournée en Australie en 2013 et en NouvelleZé­lande en 2017. La relation entre les deux, partenaire­s puis adversaire­s, a souvent été abordée et ils s’en sont tenus à des propos policés : « Le fait de l’affronter ne me fait rien de particulie­r, mais je le reconnais, la plus affectée par cette situation, c’est ma maman… » a expliqué Owen.

Mais ces derniers moins, la situation des Farrell a évolué. Andy n’a jamais été coach principal, mais toujours entraîneur spécialist­e de la défense. Mais sa cote a énormément grimpé depuis quelques années et en Angleterre, de nombreuses voix ont publiqueme­nt regretté qu’il ait été « jeté » trop vite après le désastre de 2015, dans le sillage de l’infortuné Lancaster pour faire place au staff de Eddie Jones. Joe Schmidt s’est dépêché de le recruter pour faire de l’Irlande une machine de guerre. En fait, c’est Eddie Jones qui à l’époque, n’avait pas voulu travailler avec les adjoints de son prédécesse­ur, pas seulement Farrell, mais aussi Mike Catt et Graham Rowntree. On ne sait pas si le fait que Andy soit le père d’Owen a joué dans son esprit, mais on sait qu’Eddie Jones est une forte personnali­té qui n’est pas du genre à partager son autorité avec une autre icône. « Quand je vois la façon dont l’Irlande a résisté aux All Blacks sur le plan défensif face aux All Blacks, je ne peux que me lamenter qu’on l’ait laissé de côté. Le moment où Eddie Jones a dit non à Andy Farrell fut une erreur ! » a asséné Lawrence Dallaglio dans le Sunday Times.

IL A REFUSÉ UN RETOUR EN ANGLETERRE

Clive Woodward avait tenu à peu près les mêmes propos dans le Daily Mail : « Pourquoi l’avoir viré, les retours étaient très bons à son sujet. » Steve Hansen aussi lui a rendu hommage : « Je reconnais ce que tout le monde reconnaît dans le milieu, il est très fort pour occuper l’espace et trouver le rôle précis de chaque joueur. Je sais que l’Angleterre a voulu le récupérer ces derniers temps. »

Hansen fait allusion au fait qu’en août dernier, une porte s’est ouvert quand Paul Gustard a quitté subitement l’équipe nationale pour aller entraîner les Harlequins.

La RFU a tout de suite tenté une approche pour récupérer Farrell, mais celui-ci a repoussé l’offre pour rester en Irlande. On a dit que Eddie Jones n’était pas enchanté par le fait d’avoir un père et un fils dans son groupe, même si les deux ont toujours vécu ça avec profession­nalisme. Mais Andy Farrell avait prolongé son contrat en mai jusqu’en 2020 avec la fédération irlandaise. Celle-ci ne se serait sans doute pas opposée au départ de son entraîneur-adjoint s’il avait vraiment voulu revenir dans son pays natal. Mais Andy Farrell se sent bien à Dublin et il savait que Joe Schmidt avait de grandes chances de quitter son poste de sélectionn­eur, et qu’il avait de bonnes chances de lui succéder. Devenir numéro 1 quelque part, ce n’est pas rien pour celui qui, finalement n’a été utilisé que comme adjoint depuis dix ans. Du coup Eddie Jones a choisi l’expériment­é Néo-Zélandais John Mitchell pour le seconder. et le pari a été réussi pour Farrell senior. Schmidt a effectivem­ent annoncé son départ après le Mondial 2019. Et Farrell a été nommé pour le remplacer le 26 novembre dernier, une décision prise très rapidement apparemmen­t sans l’ombre d’une hésitation par l’IRFU. Farrell a été récompensé de sa fidélité… à son employeur et à sa famille sportive plus qu’à sa famille biologique. Il se pourrait aussi que Andy Farrell fasse appel à Stuart Lancaster, son ancien patron au sein du XV de la Rose (2012-2015), actuelleme­nt dans le staff du Leinster, mais dont le contrat se termine en juin. Le tandem serait donc reconstitu­é… à l’envers. Les éventuels affronteme­nts avec son fils, ne sont donc pas finis a priori. Ils vont devenir une vraie banalité.

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