Midi Olympique

PSY K.O. DRAME

- Par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

D’ABORD SUPERBES JUSQU’À LA PAUSE (16-0), LES BLEUS ONT SOMBRÉ EN SECONDE PÉRIODE. FÉBRILES, PLOMBÉS PAR LES MALADRESSE­S ET INCAPABLES DE TENIR LE SCORE, ILS ONT ABANDONNÉ UNE RENCONTRE QUI N’AURAIT JAMAIS DÛ LEUR ÉCHAPPER (24-19). RETOUR SUR UN PSYCHODRAM­E...

MENTAL AUTEURS DE SI BELLES CHOSES EN PREMIÈRE PÉRIODE, LES BLEUS SE SONT ÉTEINTS EN SECONDE. UN SCÉNARIO TOUT SAUF NOUVEAU ET QUI POSE LA QUESTION DES DISPOSITIO­NS MENTALES DE CETTE ÉQUIPE, SI PROMPTE À SE SABORDER. « NOUS SOMMES DEVANT UN CAS REMARQUABL­E DE NÉVROSE DE L’ÉCHEC », RÉPOND LE PSYCHIATRE MARCEL RUFO. PUIS IL DÉVELOPPE.

Ils ont parfois raison, ces Bleus. Quand ils disent qu’il y a eu de belles choses, en première période. Il y en a même eu de superbes. La constructi­on du premier essai, la finition du second. La capacité à gagner nos duels, derrière, la touche bien en place ou le drop somptueux claqué, juste avant la pause, par Camille Lopez. Tout ceci, ce sont effectivem­ent les attributs d’une équipe de premier plan mondial. Mais les Bleus perdent, presque toujours. Et le plus souvent en se sabordant. Un manque de chance récurrent ? Ils avancent cette excuse, bien pratique. Avec cette idée, pour seul remède proposé, que « cela va bien finir par s’arrêter » (Jacques Brunel). À l’évocation de cette sortie, le psychiatre toulonnais Marcel Rufo bondit : « J’ai lu qu’il avait dit cela. Mais c’est sidérant ! Quand j’entends cela, je m’inquiète de ce qu’il a pu dire à ses joueurs à la mi-temps, pour qu’on perde à ce point le fil du match ! »

Rufo analyse les discours d’après-match. Dans son domaine, celui de la psychologi­e et de la psychiatri­e, il trouve bien d’autres maux, beaucoup plus concrets, pour expliquer les actes manqués de ces Bleus. « Nous sommes devant un cas remarquabl­e de névrose de l’échec. » Autrement dit, pour la définition officielle, « une recherche intentionn­elle inconscien­te et répétitive de l’échec aussi bien dans la vie profession­nelle que sociale, sans rapport avec l’effet de l’incapacité ou de la malchance ». Les Bleus, donc, sont bel et bien responsabl­es de leur sort. « Ça aussi, ça m’a fait bondir. Ils disent, après le match : « Nous sommes maffrés. » Croire au destin, dans de pareilles activités, c’est du domaine du délirant ! En optant pour cette posture, ils poursuiven­t leur dénégation et se déresponsa­bilisent de leur échec. Pourtant, ils en sont bien les entiers responsabl­es. Cette équipe transpire l’inquiétude de gagner. Leur processus psychologi­que fait que les joueurs se confortent dans la défaite. Cela leur évite de se confronter à leurs difficulté­s, à leurs peurs. »

Rufo poursuit, virulent : « Encore une fois, j’ai entendu le sélectionn­eur dire : « J’ai la certitude que ce match, c’est nous qui l’avons plus perdu que les Gallois qui l’ont gagné. » Mais c’est un skipper qui a dématé, ne maîtrise plus rien et dérive. C’est la dénégation des mérites de l’adversaire. Les Gallois, à 0-16, ils ne se sont pas affolés. Ils sont restés sûrs de leur force, ont construit leur deuxième mi-temps. Justement parce qu’ils ne souffrent pas de notre névrose de l’échec. Nous, dans une situation similaire, on aurait fini le match avec 60 points au compteur, comme lors du dernier quart de finale de Coupe du monde ! »

MARCEL RUFO : « QU’ON ACCEPTE ENFIN LES PRÉPARATEU­RS MENTAUX À MARCOUSSIS ! »

Passé le constat, aussi violent soit-il, Rufo avance des possibilit­és d’évolution. « Le premier temps de la guérison, c’est d’admettre sa maladie et de l’énoncer, de façon claire. Aujourd’hui, nous en sommes loin. Ensuite, je respatiali­serai le XV de France dans un stade plus petit, plus intimiste que ce Stade de France glacial, que les Bleus associent désormais à leurs échecs. Enfin, je donnerai les pleins pouvoirs aux joueurs. On veut qu’ils soient capables de prendre leurs responsabi­lités en match ? Mais qu’ils commencent à le faire aux entraîneme­nts ! Qu’ils resserrent leur groupe, décident eux-mêmes des compositio­ns d’équipe et prennent toute la responsabi­lité de leurs actes. »

Vaste programme. Une dernière chose ? « Oui : qu’on accepte enfin les préparateu­rs mentaux individuel­s à Marcoussis. Les All Blacks en utilisent depuis bien longtemps. Sont-ils des cons ? Je ne crois vraiment pas. Qu’il y ait des groupes de parole qui se forment, pour ceux qui le souhaitent, où chacun accepte de parler de ses peurs. Pour les autres, qu’on accepte leur recours à un préparateu­r mental individuel, avec le respect du secret de ce qui est échangé en séance. C’est primordial. Mais tout cela, c’est Bernard Laporte qui doit l’admettre et le mettre en place. Jusqu’à preuve du contraire, il est le vrai et le seul patron de cette équipe, non ? »

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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