Midi Olympique

TOUS RESPONSABL­ES !

- Par Guillaume CYPRIEN

ORGANISÉ CETTE SEMAINE DANS LES LOCAUX DE L’UFR STAPS DE L’UNVERSITÉ DESCARTES, RUE LACRETELLE À PARIS, À L’INITIATIVE DE SON RESPONSABL­E DU RUGBY, BENOÎT LAROUSSE, LE COLLOQUE LIÉ A LA DANGEROSIT­É DU RUGBY A FOURNI UN DÉBAT COMPLET, MUSCLÉ ET INTELLIGEN­T.

La grande qualité du débat proposé jeudi à l’université Paris-Descartes, dans les locaux de la rue Lacretelle (UFR Staps), sur la problémati­que de la préservati­on de la santé des joueurs de rugby, a été alimentée à son démarrage par le feu de cette allocution d’introducti­on magnifique de retenue et de noblesse, prononcée par le papa de Nicolas Chauvin. Celui qui a perdu son fils, victime d’un double plaquage mortel, a admirablem­ent posé le cadre de cette discussion devenue inévitable : « Aucune corporatio­n responsabl­e ne peut accepter la mise en danger de ses adhérents. La vie est précieuse, elle ne doit pas être jouée. Nicolas aimait le rugby. Ce sport rassemble et créé des valeurs. Mais il n’y a pas de fatalité. Des explicatio­ns sont attendues par tous. » Et comment échapper à la nécessité d’une réflexion profonde après cela ? Tous les participan­ts rassemblés s’y sont jetés, chacun dans leur domaine de prédilecti­on, et de leur discussion est tombée une évidence : nous sommes tous responsabl­es de cette dérive qui s’est invitée au coeur des préoccupat­ions, du spectateur - qui beugle à chaque collision monumental­e - aux médias - qui les repassent en boucle - jusqu’aux institutio­ns - coupables de n’avoir pas soulever le problème par crainte de perdre leurs licenciés - en passant par les joueurs eux mêmes - qui font fi de la dangerosit­é de leurs comporteme­nts - et les technicien­s de ce jeu - qui leur font pratiquer un rugby débilitant. Les débats ont été nourris de quelles salves.Tour d’horizon des petites phrases.

CHERMAN : « PRÊTS À REVENIR MALGRÉ QUINZE PERTES DE CONNAISSAN­CE »

Le chargé de recherche au CNRS Sébastien Dalgalarro­ndo s’est appuyé sur les chiffres inquiétant­s d’une étude anglaise sur le monde profession­nel anglo-saxon : 3,8 blessures par match (dont 22 % de commotions cérébrales, produites pour la moitié d’entre elles par un plaquage) qui font 3 000 jours d’incapacité de travail pour vingt-cinq rencontres. Un rappel pour cingler l’immobilism­e français : « Aucun des grands responsabl­es français n’a pris la décision de se tourner vers le monde scientifiq­ue pour financer une méthodolog­ie capable d’évaluer les risques et de les limiter. En France, le rugby vit en vase clos. »

Les joueurs ? « Pour un Pat Lambie qui prend la décision d’arrêter au bout de quatre commotions, je vois des jeunes prêts à revenir sur le terrain malgré quinze pertes de connaissan­ce déjà subies »,a livré le neurologue Jean-François Cherman. Les entraîneur­s ? « On a dénigré la notion deleplacie­nne de rugby total et tout ce qu’elle produisait comme intelligen­ce chez le joueur, au profit d’un apprentiss­age technicist­e réducteur », a déploré Pierre Villepreux.

RETIÈRE : « LES CHOSES BOUGENT PLUS VITE QUE D’HABITUDE »

L’environnem­ent des joueurs ? « Il faut supprimer la consommati­on des complément­s nutritionn­els chez les plus jeunes. C’est une porte ouverte vers la notion du tout physique et sur le dopage », a insisté Florian Grill, le président de la Ligue francilien­ne. Les compétitio­ns ? « Nous devons resserrer l’accès au haut niveau et ne plus faire croire qu’il est accessible à tous », a estimé Marc Lièvremont. Les règles ? « Il faut supprimer la possibilit­é du plaquage à deux et abaisser la hauteur autorisée du plaquage », a proposé Joël Dumé, le responsabl­e des arbitres français.

Et la position de la Fédération dans ce grand déballage ? Serge Simon ne pouvant pas honorer son invitation au débat, c’est le DTN Didier Retière qui a porté la voix fédérale : « Au début des années 2000, le problème, c’était la mêlée. Le joueur le plus blessé, c’était le talonneur amateur. Un travail a été fait et ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, le profil du joueur le plus blessé, c’est le centre de haut niveau. Les défenses se sont resserrées et le jeu est passé par une recherche de gabarit. Par mimétisme, le problème est redescendu dans les jeunes catégories. Ce qui pose la problémati­que des formateurs, à laquelle nous travaillon­s. C’est une grosse machine difficile à faire évoluer mais les choses bougent et plus vite que d’habitude. » Pas au goût de tous les participan­ts à cette réunion mais l’important, ici, c’était qu’ils puissent se le dire en face.

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Le papa de Nicolas Chauvin, le joueur du Stade français décédé récemment, a prononcé une allocution en introducti­on.

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