Midi Olympique

LE RETOUR DE LA POIGNE DE FER

LES FRANÇAIS AURONT DU PAIN SUR LA PLANCHE À TWICKENHAM VU LA DÉMONSTRAT­ION DE FORCE DES ANGLAIS FACE À DES IRLANDAIS MÉDUSÉS.

- Par Jérôme PRÉVÔT, envoyé spécial jerome.prevot@midi-olympique.fr

Les Français devront s’armer de courage pour survivre dans le temple de Twickenham, prompt à tous les sacrifices. Car ce que nous avons vu samedi à Dublin n’est pas de nature à rassurer les supporters des Bleus, mais alors pas du tout. Les Anglais ont écrasé l’Irlande de leur talon de fer. Pour donner un aperçu de la performanc­e du XV de la Rose, mieux vaut se reporter aux premiers mots de Eddie Jones : « Nous les avons pris d’assaut, nous les avons vraiment déchirés, nous avons mis une intensité terrible dans tout ce que nous avons fait. Certains matchs sont physiques, certains matchs sont tactiques… » Il a laissé sa phrase en suspens sans que l’on sache très bien ce qu’il fallait en penser. La victoire des Anglais fut-elle technique ou tactique ? Les deux mon général : les Anglais étaient les plus forts au premier sens du terme, comme à l’époque où ils venaient facilement gagner à Lansdowne Road. Mais ça, c’était il y a vingt ans, quand l’Irlande était une équipe de seconde zone. Mais refaire une telle démonstrat­ion en 2019 face à l’équipe qui vient de battre les All Blacks et de réussir le grand chelem… C’est le signe que Monsieur Eddie a repris ses troupes en main après une petite période de turbulence. On dit souvent qu’Eddie Jones est trop exigeant avec ses hommes, qu’il les pousse au-delà de leur limite. Peut-être qu’il y a des cassures de temps à autre, mais quand son message passe et que quelques hommes sont là, sa troupe devient un vrai commando d’élite, surtout quand elle a passé dix jours au Portugal dans une atmosphère de vrai stage, loin de certaines perturbati­ons.

COMMENT PERCER CE MUR BLANC ?

Les Anglais ne se sont pas imposés sur des actions de folie, au sens offensif du terme. Ils ont plutôt gagné un énorme bras de fer : pas en conquête mais sur les points de rencontre. La défense des blancs, bien préparée par John Mitchell a éteint tous les incendies adverses, jamais les Irlandais n’ont jamais franchi nettement ce rideau ballon en main, sauf à la toute fin, quand le score était fait. Et pour porter l’estocade, il fit entrer Courtney Lawes, l’équarrisse­ur, qui mit les derniers tampons, dont celui de la 70e qui caramélisa Gary Ringrose, acculé à la faute au sol. « Ce n’est pas tant la profondeur de notre effectif qui a fait la différence, c’est notre esprit de compétitio­n » poursuivit Eddie Jones, visiblemen­t expert pour tirer le meilleur parti de ceux qui ont résisté à la casse de ses séances impitoyabl­es. Les attaquants français serontils capables de déstabilis­er ce mur blanc à Twickenham ? Sur ce qu’ils ont montré durant la première mi-temps de vendredi soir, on leur accorde 20 % de chance… On verra bien ce que Brunel et Elissalde proposeron­t comme combinaiso­n pour percer ce coffre-fort. Les fameux schémas de Joe Schmidt s’y sont cassé les dents, même à quinze contre quatorze.

Mais le plus impression­nant ce fut cette science de l’occupation. Parce qu’Eddie Jones et ses hommes ont gagné contre les statistiqu­es ou plutôt, la statistiqu­e de base. Ils ont été deux fois plus pénalisés que leurs adversaire­s et, fait rarissime, ils n’ont bénéficié de leur première pénalité qu’à la… 39e minute. Jusquelà, ils étaient menés 5-0, mais n’en avaient pas souffert. Leur secret : une étonnante capacité à occuper le camp adverse, les fautes sifflées contre eux par Jérôme Garcès le furent rarement dans leur camp. La charnière a gagné la bataille du territoire, notamment Ben Youngs, aussi impeccable qu’Owen Farrell par sa rigueur et sa précision. Le demi de mêlée de Leicester n’a pas fait une seule course balle en main. Le plan préparé a été respecté à la lettre, multiplier les coups de pied de pression : « Trouver des espaces en jouant derrière leur défense et notre « chasse » a été bonne. » On a vraiment compris aussi pourquoi Eddie Jones ne prenait pas le fantasque Danny Cipriani dans son groupe. Il a besoin de gars qui appliquent des plans à la lettre et non pas des créateurs imprévisib­les. En fait tous ses choix forts ont été validés : on se demandait si valait le coup d’aller au Portugal, ce que Henry Slade venait faire dans une bataille aussi physique, et si c‘était une sage décision de placer Daly à l’arrière ? Les trois paris ont été réussis, haut la main.

On se demande donc à quelle sauce les coqs vont être dégustés, même si Eddie Jones a déclaré, magnanime : « Nous sommes encore loin de notre meilleur niveau. Mais nous craignons les Français, ils auraient dû gagner s’ils n’avaient pas offert quatorze points aux Gallois. Ils ont été très malchanceu­x. »

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Photo Icon Sport Henry Slade a impression­né, avec son compère Manu Tuilagi en arrière-plan, au centre de l’attaque anglaise s’offrant notamment un doublé.

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