Midi Olympique

Éternel dilemme et dangereuse confusion

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J’ai eu la chance d’évoluer huit années au plus haut niveau, dans différents clubs et au contact d’une quantité de grands joueurs. J’ai travaillé dur, très dur puisque je n’ai jamais été le premier sélectionn­é, bien au contraire, je me suis souvent glissé dans le dernier wagon. Le haut niveau, et par conséquenc­e le profession­nalisme, est un mélange d’exigence, de sacrifices et d’éternelles répétition­s. Ceux que l’on appelle les grands entraîneur­s sont reconnus pour être les plus minutieux et les plus exigeants. Ce jeu de rugby exacerbé de précision et de travail au sein duquel les places sont chères, laisse une empreinte indélébile dans le joueur, tant physique que mentale. On s’y investit ainsi corps et âmes, sans compter, sans penser à plus tard parce que le seul « plus tard » concevable est bien souvent la série de matchs suivante. Quelle excitation, quel bonheur de s’investir à 300% dans une aventure aussi unique, même si le plaisir a parfois tendance à passer au second plan.

J’en suis sorti à 27 ans, pour découvrir un autre rugby. Un rugby que je n’avais jamais vraiment connu, en amateur. Un rugby dans lequel il est surtout question de tout ce qui tourne autour : plaisir, respect, conviviali­té. Un rugby probableme­nt plus humain, dans lequel l’erreur est autorisée, acceptée, voire comprise sans pour autant oublier de travailler et de faire des efforts. Je me considère comme un privilégié d’avoir finalement connu ces deux univers si différents, presque opposés. La pratique reste la même dans la forme, et ponctuelle­ment dans les règles, mais les deux mondes sont aujourd’hui très éloignés. Cet éloignemen­t, entre profession­nalisme et amateurism­e, nécessite que l’on arrête de systématiq­uement les mélanger. On commet une erreur en considéran­t le rugby comme un tout : il doit exister une frontière entre le rugby que l’on regarde et celui que pratique la majorité. Les joueurs de rugby ne sont pas tous faits pour évoluer au plus haut niveau, il ne faut pas l’oublier. Cette frontière est déjà existante puisque les règles ne sont pas tout à fait les mêmes, mais cela ne suffit pas. Cette différence devrait être encore davantage marquée dans l’approche collective, culturelle, voire sociale que l’on se fait du jeu.

Les vrais raisons qui amènent des individus à se retrouver le soir autour d’un ballon sur un terrain boueux sous un projecteur approximat­if, ou un dimanche matin à 7 heures à la gare ou dans le fond du bus, ce n’est pas « la recherche de la performanc­e » c’est avant tout l’histoire qui se crée autour et elle mérite qu’on la remette au centre puisque finalement… il ne s’agit que d’un jeu.

« On commet une erreur en considéran­t le rugby comme un tout : il doit exister une frontière entre le rugby que l’on regarde et celui que pratique la majorité. »

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