ÇA VA CRUNCHER !
Angleterre - france Dimanche 16 heures
C’EST UN IMMENSE DÉFI QUI ATTEND MORGAN PARRA ET SES PARTENAIRES À TWICKENHAM. LES BLEUS SE DOIVENT UNE REVANCHE, FACE AU GRAND FAVORI DU TOURNOI ET FUTUR ADVERSAIRE EN COUPE DU MONDE...
À l’instant où les sujets de sa Majesté, toujours très dignes après un triomphe historique, se sont jetés comme des fauves sur les récents propos de Sébastien Vahaamahina, on s’est tous dit que la semaine des Bleus serait un tantinet éprouvante. Dans Midol, le grand « Vahaa » avait donc lâché avec la sincérité qui le caractérise : « Je ne savais même pas que j’étais passé capitaine en fin de match, contre Galles. C’est l’arbitre, Wayne Barnes, qui est venu me voir sur une pénalité pour me demander mon choix. Je lui ai dit de s’adresser au capitaine. Il m’a répondu que c’était moi ». À six jours du Crunch, vous imaginez bien que l’anecdote a tourné en boucle outre Manche. Le Daily Mail et le Mirror s’en sont faits l’écho. L’Angleterre a pouffé et, au Royaume Uni, ce sont finalement Andy Goode et Jim Hamilton, deux anciens troufions du Top 14, qui ont en ces termes conclu la scénette: «Voici, messieurs dames, le rugby français résumé en quelques lignes !»
Las, le calvaire du début de semaine ne s’arrêterait pas là et, un poil de temps plus tard, un site britannique diffusait même une vidéo intitulée « Merci France » et recensant, sur les trois dernières années, les généreux cadeaux des défenseurs tricolores aux marqueurs d’essais gallois, Yoann Huget y étant officiellement désigné comme le « Père Noël Maximo ».
Passée cette première british attack, les coéquipiers de Guilhem Guirado faisaient comme s’ils n’avaient rien vu, rien entendu. Touchés dans notre fibre cocardière, on se demandait de notre côté si Simon Gillham, le classy chairman de Brive-la-Gaillarde, oserait nous envoyer un autre email meurtrier, la prochaine fois où l’on se risquerait à glisser dans un article le qualificatif, grossier sans être totalement vulgaire, de rosbif...
MATHIEU BASTAREAUD, LE RETOUR EN GRÂCE
Lundi midi, on apprenait aussi via Rugbyrama.fr que Uini Atonio et Wesley Fofana traînaient la patte, quand Maxime Médard se plaignait de l’épaule. Dans la foulée, le ballet des chasubles démarrait à Marcoussis, laissant la place aux premières déductions. Sur le terrain d’entraînement du CNR, après Romain Ntamack, c’était le vice-capitaine Mathieu Bastareaud qui revenait en grâce au sortir du frigo. À ses côtés, Geoffrey Doumayrou, peu épargné par les observateurs lors de la dernière tournée d’automne, jaillissait du chapeau, décalant une nouvelle fois Gaël Fickou sur les extérieurs. Demba Bamba ? Pressenti pour remplacer Atonio, le bizut ne semblait pas craindre de passer sans transition ou presque du stade de SoyauxAngoulême à Twickenham : « Ça reste du rugby et moi, je prépare tous les matchs de la même façon. Depuis la tournée de novembre, mon statut a un peu changé en Pro D2, les adversaires tentent de me déstabiliser. Ils disent : « Fais gaffe, tu vas pas finir le match. Je vais te blesser, jeune… » Moi, j’essaie juste de rester le même. Et puis, je me dis que Mako Vunipola n’est qu’un être humain… » Quant à Antoine
Dupont, utilisé toute la semaine dernière d’entraînement à l’aile « pour faire le nombre » comme on dit, il semblait cette semaine apprécier un retour à son poste de prédilection, tournant enfin avec Morgan Parra derrière la mêlée bleue.
De l’Essonne, remontaient enfin les murmures qui suivent toujours les soirs de défaite du XV de France et mardi matin, un joueur nous confiait avoir été surpris par l’attitude de Jacques Brunel, ni consolatrice, ni grondante et plutôt lointaine, après le coup de bambou gallois. Un sentiment que ne partageait visiblement pas Fabien Sanconnie, lequel assurerait un peu plus tard aux journalistes : « Comme dans toute entreprise, on s’est fait remonter les bretelles par nos patrons. » Suffisamment pour leur faire prendre conscience du danger que représentait un voyage à Twickenham ? La question reste entière...
FÉLIX LAMBEY : « TOUT LE MONDE PENSE AVOIR LA SCIENCE INFUSE »
On aime ou on n’aime pas. Mais le management de Brunel, tout en rondeurs, a encore ses défenseurs dans le groupe France et tant que ses hommes continueront d’assurer face caméra qu’ils s’y complaisent, il n’y a pas de raison de le remettre en questions. En
revanche, la façon dont fut gérée cette semaine le dossier «Camille
Chat» laisse perplexe. De fait, on sait depuis vendredi soir que le Toulousain Julien Marchand souffre d’une rupture des ligaments croisés du genou gauche. Deux jours plus tard, alors qu’il se dorait la pilule à l’Ile Maurice, le talonneur du Racing n’avait quant à lui toujours pas eu le moindre contact avec le staff tricolore. À ce sujet, la vidéo de Camille Chat, publiée sur le réseau social Instagram et montrant le jeune homme escalader un cocotier mains et pieds nus, laisse imaginer à quel point le talonneur francilien était, samedi dernier au moins, conscient qu’il pouvait être rapatrié à tout moment à Marcatraz. Finalement, Chat débarquerait dans l’Essonne mercredi matin après un long voyage, quand un coup de fil un poil plus prématuré lui aurait permis de s’entraîner toute la semaine avec le XV de France...
Et le moral, ça va ? De leur bunker, les Bleus jurent que oui. Ces derniers temps, il ne s’est pourtant pas passé un seul jour sans qu’ils ne soient la cible de coups de griffe. Dans ces colonnes, Dimitri Yachvili et Olivier Magne ont par exemple dit tout de ce qu’ils pensaient de l’équipe de France actuelle et du jeu qu’elle propose. Alors cette semaine, à Marcoussis, il y avait ceux qui
s’en cognent. « Tout le monde pense avoir la science infuse, tranchait
Félix Lambey, titularisé en lieu et place de Paul Willemse. C’est trop facile. Je respecte les mecs ayant porté ce maillot avant moi mais soyons honnêtes : il y en a aussi un paquet qui disent des conneries. »
Au CNR, il y avait aussi ceux que les attaques lancées par les
anciens Tricolores n’avaient pas laissé insensibles : « Si je finis comme ça, disait Louis Picamoles, je demanderai à mes potes de m’en filer une. Parfois, on a presque envie de leur dire de venir passer une semaine avec nous. Quand on les croise, ils pourraient au moins avoir cette franchise de dire les choses en face. C’est la société actuelle, beaucoup d’internationaux donnent leur avis sur tout et il faut être capable de l’accepter. Mais c’est parfois difficile... » Bon an mal an, les Bleus disent aujourd’hui avoir évacué la claque galloise et s’être projetés vers Twickenham. Faut-il les croire ? Est-il rationnel de penser, au crépuscule de cette semaine pour le moins contrastée, qu’une victoire à Londres est encore envisageable ? « On ne va pas à l’abattoir, conclut Gaël Fickou. On se rend à Twickenham pour défendre nos couleurs et se battre à fond. Dans la vie, dans le sport, tout peut changer très vite.» Si seulement... ■