LA NUIT DES CHASSEURS
ENTRE DES ANGLAIS MAÎTRES DANS L’ART DU JEU AU PIED DE PRESSION ET DES BLEUS RÉGULIÈREMENT FRAGILES POUR GÉRER CES SITUATIONS DE STRESS, UN DES PLANS D’ATTAQUE DU XV DE LA ROSE SEMBLE TOUT TROUVÉ. EN ESPÉRANT QUE LES FRANÇAIS RESSORTENT INDEMNES DES REDOU
L’image a tourné en boucle toute la semaine, symbole parmi tant d’autres de la défaite du XV de France face au pays de Galles. On parle ici, bien sûr, de la terrible boulette - pour ne pas dire de l’essai contre son camp - de Yoann Huget sous la pression de George North, après un anecdotique coup de pied à suivre de Parkes. Une erreur qui, faut-il le rappeler, n’était pas la première commise par un joueur français face aux Gallois, à l’image du télescopage Dulin-Doussain de 2014, du loupé de Plisson en 2016 (les deux déjà favorables à l’opportuniste North) ou de l’erreur de Trinh-Duc en 2018…
De quoi hurler à la malédiction ? Pas vraiment. Il convient plutôt de regretter une faiblesse chronique du XV de France au moment d’assurer ses couvertures de fond de terrain, que les Anglais chercheront évidemment à exploiter. En effet, depuis l’arrivée de l’entraîneur de la défense John Mitchell, le XV de la Rose semble avoir renoué avec le « kicking game » qui a toujours fait la fierté du rugby anglais : du jeu au pied, de la pression et une utilisation optimale des ballons récupérés « à la traque » ou rendus dans la précipitation par l’adversaire. Autant dire que dimanche, l’expérimental trio français peut s’attendre à avoir fort à faire…
FARRELL ET LE STYLE SARACENS
Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un oeil sur l’extraordinaire performance du XV de la Rose à Dublin la semaine dernière, qui vit les Anglais surclasser les Irlandais sur leur traditionnel point fort du jeu au pied. Excellents sous les ballons hauts de la charnière Murray-Sexton, le XV de la Rose a surtout réussi à faire peser une pression constante sur l’arrière Robbie Henshaw, en l’isolant au fond du terrain pour mieux y déposer le ballon. Grâce à la précision chirurgicale du capitaine Owen Farrell notamment (auteur de plusieurs coups de pied surprenants, en première intention), mais aussi des « box kicks » d’un Ben Youngs qu’on ne savait pas aussi précis et régulier dans l’exercice, sans oublier les « pieds d’appui » de Daly, May et Slade, qui ont sur faire peser une menace constante sur l’Irlande, à l’image de l’essai de Daly amené par un coup de pied à suivre de ce dernier dans le dos de Stockdale, mis sous pression par son vis-à-vis Jack Nowell. Un essai estampillé du style des Saracens, club référent en Angleterre et en Europe ces dernières saisons, dont le XV de la Rose a tout bonnement décidé de s’inspirer pour retrouver les sommets, ainsi qu’en atteste notamment le « replacement » d’Owen Farrell du centre à son traditionnel poste d’ouvreur.
COUVERTURES RENFORCÉES, ET APRÈS ?
Ceci étant posé, il est évident que les Bleus auront passé la semaine à tenter de fomenter un plan pour empêcher le « tape et chasse » anglais (kick and chase, en VO) d’être aussi efficace qu’à Dublin. Ainsi, après avoir pris l’option de défendre à seulement deux joueurs pour couvrir le fond du terrain face aux Gallois, on peut imaginer que les Tricolores reviendront à un schéma plus classique, en optant pour une couverture à trois
joueurs tout en demandant au demi de mêlée de reculer plus régulièrement le deuxième rideau. Voilà pour l’aspect stratégique. Restera, ensuite, la question des hommes et de la gestion des situations sous pression, qui plus est après l’erreur de Huget qui demeurera inconsciemment dans tous les esprits au coup d’envoi. Une faille que les Anglais, en maîtres de la guerre psychologique, chercheront d’autant plus à exploiter que le fond du terrain tricolore Penaud-Huget-Fickou sera profondément remanié et constitué de trois « non-spécialistes » à leur poste… Des « gibiers » bleus dont on espère qu’ils sauront garder leurs nerfs et survivre au mieux à la nuit des chasseurs…