Midi Olympique

« Devant, vous avez des monstres ! »

RICHARD HILL - Manager de Rouen POUR L’ANCIEN DEMI DE MÊLÉE DE L’ANGLETERRE, MALGRÉ L’ACCUMULATI­ON DE DÉFAITES, LE XV DE FRANCE A UN SYSTÈME OFFENSIF PLUS DANGEREUX POUR LA DÉFENSE ANGLAISE QUE CELUI DE L’IRLANDE…

- Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

Pensez-vous que l’Angleterre, lors de son premier match du Tournoi, est revenue à un jeu anglo-saxon ?

La caractéris­tique première du jeu anglais depuis toujours, c’est le pragmatism­e, en s’appuyant d’abord sur des avants dominateur­s. Eddy Jones est effectivem­ent revenu à ce type de jeu. Il faut, d’abord, utiliser les avants pour avancer et avoir une utilisatio­n du jeu au pied pour mettre l’adversaire sous pression. C’est exactement ce qu’il fallait faire pour battre l’Irlande. Pour la simple et bonne raison que si les Irlandais sont capables d’enchaîner vingtcinq temps de jeu, ils ont besoin de jouer en avançant. Or, John Mitchell, l’entraîneur de la défense, a parfaiteme­nt su trouver le système pour contrer le jeu du XV du Trèfle. Cette défense, très agressive, n’a pas permis à l’Irlande de gagner la ligne d’avantage. Au contraire, même. Les Irlandais ont constammen­t été contraints de jouer derrière cette ligne. Et se sont retrouvés sans solution.

Le jeu au pied a également, dans la plus pure tradition anglaise, retrouvé une place d’importance ?

Oui, Eddy Jones craignait beaucoup le jeu au pied adverse. Il a beaucoup fait travailler ses ailiers, notamment Jonny May et Elliot Daly. Durant le stage en Espagne, Eddy Jones a demandé à ses ouvreurs de bombarder des dizaines et des dizaines de ballons pourris ou imbibés d’eau sur les ailiers et l’arrière. À force, ils ont engrangé de la confiance. Eddy Jones savaient que les joueurs seraient prêt sous les ballons hauts.

L’utilisatio­n du jeu au pied de pression par les Anglais peutil poser problème à l’équipe de France, qui est souvent en difficulté dans ce secteur ?

Le jeu au pied est devenu une arme offensive et son utilisatio­n va être grandissan­te. Eddy Jones l’a bien compris très vite. Pour combattre les défenses qui montent vite et fort, les différente­s formes de jeu au pied sont précieuses. Je suis convaincu que dimanche, à Twickenham, la stratégie portera grandement sur le jeu au pied de pression.

L’an passé, Eddy Jones a très souvent associé George Ford à l’ouverture avec Owen Farrell en premier centre. Pourquoi a-t-il changé sa stratégie selon vous ?

Ford est un bon joueur mais il n’a pas les mêmes qualités athlétique­s que Farrell. Ce dernier est surtout un très bon plaqueur, un gros défenseur. Je crois qu’Eddy Jones a privilégié cet aspect-là parce qu’il correspond et symbolise ce retour à un jeu très « anglais ». Et puis, Farrell est un compétiteu­r qui déteste la défaite. Il aime défendre et possède un excellent jeu au pied. Contre l’Irlande, c’était très important. Mais nous avons des problèmes de riches en Angleterre : une dizaine d’ouvreurs peuvent prétendre à ce poste. Malheureus­ement, chez vous, il n’y en a pas beaucoup… C’est le problème de la France depuis de nombreuses années.

Pensez-vous le XV de France en capacité de prendre à défaut la défense anglaise ?

L’équipe de France que j’ai vue lors de la première mi-temps contre le pays de Galles en est capable, oui. Celle de la deuxième période, non. Mais un « crunch » n’est pas un match comme un autre. Jamais. Les Français, s’ils s’appuient sur ce jeu d’avants qui leur a permis de jouer dans l’avancée durant quarante minutes, seront plus dangereux que les Irlandais ne l’ont été.

Pourquoi ?

Parce que vous avez des monstres dans le paquet d’avants ! Les Irlandais ne sont pas aussi costauds, ne peuvent pas jouer comme l’ont fait les Français vendredi dernier. Et c’est pour ça que, si elle est reproduite, l’animation offensive peut gêner la défense anglaise qui essaie de monter vite. Ce jeu de « large-large » pratiqué contre les Gallois, ce n’est pas celui des Irlandais. Eux, ils jouent beaucoup autour des rucks, c’est pourquoi la défense anglaise avait été densifiée sur dix ou quinze mètres de chaque côté. Les Bleus, eux, jouent sur toute la largeur. La défense d’Eddy Jones devra donc occuper un peu mieux la largeur, ce qui laissera davantage d’espace entre les défenseurs. En revanche, avec un pack aussi monstrueux, j’ai été déçu de la mêlée française. Je m’attendais à mieux. À mon avis, Eddy Jones a dû faire faire quelques mêlées à ces joueurs cette semaine… Les Anglais aiment bien chatouille­r les Français dans ce secteur de jeu pour mettre la pression sur la charnière.

« Si elle est reproduite, l’animation française peut gêner la défense anglaise. »

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