JE T’AIME MOI NON PLUS
LE NUMÉRO HUIT DE MONTPELLIER VIENT D’ENCHAÎNER DEUX PERFORMANCES AVEC LES BLEUS, APRÈS UNE ANNÉE 2018 OÙ SON AVENIR INTERNATIONAL ÉTAIT POUR LE MOINS INCERTAIN. MAIS IL DOIT POURTANT ENCORE PLUS SUR LE COLLECTIF...
Je t’aime, moi non plus. Voici l’histoire d’amour entre les Bleus et Louis Picamoles, faite de hauts et de bas, de gloire et de déshonneur, passant d’indispensable à banni et inversement. L’histoire de Louis Picamoles avec la sélection nationale a toujours été mouvementée. Même avant qu’elle ne commence, elle avait pris un mauvais départ, c’est dire. En effet, Louis Picamoles n’avait pas été retenu au pôle France, avec les meilleurs moins de 19 ans de sa génération. Il y avait François Trinh-Duc, Guilhem Guirado, Maxime Médard, Maxime Mermoz pour ne citer qu’eux. Louis Picamoles avait pourtant le potentiel pour y être. À tel point que Didier Retière, alors entraîneur des avants des moins de 19 ans l’avait sélectionné pour participer au Tournoi des 6 Nations de la catégorie. Louis Picamoles effectuait alors les allers retours entre Montpellier et le CNR de Marcoussis avec son coéquipier Fulgence Ouedraogo, lui aussi oublié de la promotion Jean-Pierre Rives.
Chez les grands, l’aventure a commencé en 2008. Ce samedi, il fêtera le onzième anniversaire de sa première sélection. C’était le 9 février face à l’Irlande au Stade de France, au début de l’ère Lièvremont. À Twickenham, il portera le maillot Bleu pour la 74e fois. Et ce sera la dernière dans le temple du rugby anglais puisque le Montpelliérain qui a célébré mardi ses 33 ans a déjà annoncé qu’il mettrait un terme à sa carrière internationale fin 2019, après la Coupe du monde si tout se passe bien. Depuis novembre et son retour chez les Bleus, force est de constater que tout se passe bien, recevant même les éloges du sélectionneur Jacques Brunel au lendemain de la défaite face aux Fidji. « J’ai l’impression de plus l’avoir convaincu que vous (la presse, N.D.L.R.) ! lâchait le joueur avant le début du Tournoi des 6 Nations avant de planter une nouvelle banderille, Avec l’âge, je prends du recul. Je n’ai jamais caché mon objectif de disputer la Coupe du monde au Japon. Après, il sera temps de laisser la place aux plus jeunes et de vous faire ce plaisir-là. » Un retour en grâce qui était loin d’être écrit au moment de la prise de fonction de Jacques Brunel. Le technicien gersois avait décidé de ne pas convoquer le Montpelliérain début 2018 pour le premier match de cette nouvelle ère face à l’Irlande : « J’attends de lui qu’il fasse des prestations de plus grande qualité, comme son potentiel peut le lui faire prétendre. » Une justification sonnant comme une rengaine. Un joueur « dilettant » pour Marc Lièvremont, le premier sélectionneur à lui avoir fait confiance, avant de l’écarter de la feuille de match lors de la demi-finale et finale de la Coupe du monde 2011. Guy Novès, alors manager de Toulouse, le jugeait « lymphatique » lors de sa première saison au Stade toulousain. Philippe Saint-André glissait lui aussi une pique au milieu d’un compliquement après une victoire face à l’Australie : « C’est vrai que Louis, même si je n’aime pas trop lui dire de bonnes choses parce qu’il peut s’endormir, a été très bon dans le franchissement. » Reste que Louis Picamoles est un joueur rare dans le réservoir français, un profil qui ne peut pas laisser un entraîneur indifférent.
ABSENT EN NOUVELLE-ZÉLANDE
Alors quand Kevin Gourdon s’est blessé la saison dernière face à l’Irlande, Jacques Brunel a rappelé le Montpelliérain pour le déplacement en Écosse avec la troisième mi-temps que l’on connaît après avoir été remplaçant lors des deux premières. Retrouvailles complètement manquées avant que Louis Picamoles ne s’écarte de lui-même de la tournée d’été, préférant passer sur la table d’opération pour soigner une épaule et être performant avec son club lors de la reprise tout en évitant trois matchs face aux All Blacks où l’enfer était promis aux tricolores. Le Montpelliérain avait alors disparu des listes des internationaux protégés. « Tant qu’il ne montre pas qu’il a vraiment la détermination pour aller jusqu’à la Coupe du monde, je ne le mets pas dans la liste » avait alors réagi le sélectionneur. C’était le début d’une polémique de plusieurs mois. « J’ai juste dit que ma priorité était de me retrouver et de retrouver ma famille. Jacques Brunel a le droit de penser que j’ai renoncé à l’équipe de France mais je n’ai pas renoncé entièrement. » Ce n’était pas suffisant pour convaincre le technicien gersois cherchant en vain un numéro huit depuis la blessure de Marco Tauleigne. « Pour Picamoles, je n’ai jamais fermé la porte, avait alors commenté le sélectionneur depuis la Nouvelle-Zélande. Mais je veux des mecs qui soient fiers, contents de venir. Si on est hésitant, ce n’est pas la peine. Il vaut mieux rester à la maison. » On pouvait alors penser que l’histoire entre le XV de France et Louis Picamoles était bel et bien terminée, qu’il serait cette fois impossible de recoller les mor-
ceaux. Le rendez-vous de la dernière chance était fixé au 18 septembre, quasiment un an jour pour jour avant de début de la coupe du monde. La hache de guerre avait alors été enterrée, comme le dévoilait le joueur dans les jours suivant : « Je ne vais pas vous dire que l’on s’appelle tous les jours, mais on s’est revus, on a discuté, on s’est téléphonés, on a discuté à nouveau, et je crois que de mon côté et du sien, je pense, aussi, il n’y a aucun souci particulier. » Comme une évidence, que ce soit par rapport à ses performances qu’à l’absence de concurrence, Louis Picamoles a finalement retrouvé le groupe France en novembre dernier, plus attendu que jamais. Une tournée où il est monté en puissance, démontrant qu’il était ce joueur capable de gagner la ligne d’avantage en toutes circonstances, comme ce fut le cas vendredi dernier au Stade de France lors des seize ballons qu’il a eu à négocier. Il avait déjà été un des rares à répondre au défi physique imposé par les Fidjiens au mois de novembre, en étant un des rares français susceptibles de mettre l’équipe de France dans l’avancée. Le lendemain, Jacques Brunel reconnaissait que l’opération avait dû lui faire le plus grand bien. Début d’une idylle que les deux hommes espèrent poursuivre jusqu’au Japon où le Montpelliérain devra encadrer une jeune génération en étant exemplaire sur le terrain mais aussi important en dehors dans une équipe qui se repose sur trop peu de leaders. Une mission que le capitaine de Montpellier a semble-t-il assimilée à en croire ses déclarations avant ce crunch : « Un match à Twickenham contre l’Angleterre, c’est toujours unique. C’est ce que j’ai dit à mes coéquipiers. C’est un moment assez magique à vivre. Il faut qu’on soit capable de le vivre, pas de le subir. Si on se met une trop grosse pression négative, on va s’enterrer. Si on décide de profiter, de le vivre et de donner notre maximum, on verra bien ce que ça donne. Parler d’un résultat aujourd’hui, dans notre position, c’est difficile. Mais on se doit au moins d’avoir de la fierté à la fin du match. » ■