LE LION HORS DE SA CAGE ?
COMPÉTITEUR HORS NORMES, LE DEMI DE MÊLÉE TOULOUSAIN A MAL VÉCU D’ÊTRE ÉCARTÉ CONTRE LES GALLOIS. À TWICKENHAM, SON PROFIL D’IMPACT PLAYER SERA ÊTRE PRÉCIEUX... UN RÔLE QUI PEUT COLLER À SA FORCE DE CARACTÈRE.
Il y a ceux qui sont sous son charme, quasiment hypnotisés par ses qualités hors normes. Il y a les autres, plus sceptiques sur sa faculté à gérer les temps faibles de son équipe. Quoi qu’il en soit, tous s’accordent sur un point : Antoine Dupont est un phénomène, capable de renverser le cours de n’importe quel match sur un geste, un exploit, une course ou une inspiration. Mais le talent a aussi ses limites matérielles et encore faut-il qu’il soit dans le groupe. Car, aussi doué soit-il, il faut reconnaître au demi de mêlée que, costard sur le dos et mocassins aux pieds, il ne pouvait pas faire grand-chose, depuis les tribunes du Stade de France, pour éviter le naufrage des Bleus en deuxième mi-temps contre les Gallois… C’est peu dire que le Toulousain n’a pas vraiment goûté ce choix. Attention, Dupont est un garçon extrêmement respectueux et poli. Alors il a pris sur lui la semaine dernière, surtout qu’il avait sûrement compris dès la préparation de la rencontre que le staff ne compterait pas sur lui, et n’a surtout pas créé la moindre polémique. Pas le style de la maison. Mais il a rongé son frein et, aux dires de ses proches, a accusé le coup. À la hauteur de la surprise suscitée par la décision de Jacques Brunel et JeanBaptiste Elissalde de le laisser sur le côté. Il faut dire, également, que, si les débats sur les réseaux sociaux et les discussions de comptoir n’ont jamais été érigés en paroles d’évangile, le grand public n’a pas vraiment compris comment il était possible de se passer des services d’un tel joueur. Les justifications sur les repères communs entre Morgan Parra et Camille Lopez et l’envie d’installer le premier à la base du jeu des Bleus peuvent s’entendre. Celles sur la nécessité de préférer Baptiste Serin sur le banc, au nom de sa réussite en tant que buteur, quand Lopez a gardé le but au moment où le Bordelais a fait son apparition, beaucoup moins. Il se murmure, autour de Marcoussis, que Dupont aurait en partie sa force de caractère. Explications : l’ancien Castrais, sous ses airs flegmatiques, est un compétiteur hors normes et les craintes de le voir surjouer, dans l’espoir de gagner sa place, étaient évoquées à Marcoussis.
« Ça bout à l’intérieur, nous confiait en novembre à son propos Pierre-Henry Broncan, son entraîneur à Toulouse l’an passé avec qui il entretient des liens étroits depuis longtemps. Il calcule tout, réfléchit à tout, remet tout en cause en permanence, sur le plan sportif. Ce n’est pas maladif chez lui mais pas loin. […] Il veut jouer, ne se contente pas de la deuxième place. Il est très sain dans la concurrence mais pense toujours à demain, à être le premier. S’il est bon, ça ne lui ira pas car, pour lui, il devra être encore meilleur. »
« IL EST PLUS MATURE DANS SON JEU »
Cette soif de réussite lui est parfois reprochée. N’empêche qu’elle lui permet de gravir les échelons à une allure déconcertante. Grâce à laquelle il a doublé un Sébastien Bezy performant avec une aisance incroyable à son arrivée à Ernest-Wallon. Grâce à laquelle il a eu besoin d’une poignée d’apparitions, après huit mois d’absence en raison d’une grave blessure au genou, pour retrouver son rang et les Bleus. Dupont est un facteur X, un vrai. Peutêtre le seul du rugby hexagonal. Tant pis si son profil singulier risque de froisser l’équilibre imaginé par le staff. Parce qu’en période d’encéphalogramme plat au coeur d’une équipe qui manque de leaders et de tempérament dans les instants cruciaux, la présence d’un tel « insatisfait » ne sera jamais de trop. C’est même elle qui peut sonner la révolte. Surtout que, contrairement aux clichés parfois véhiculés, Dupont n’est pas juste l’individualiste que certains veulent bien décrire. « Son caractère peut lui nuire et le conduisait, de temps en temps, à en faire trop tout seul, explique Broncan.
Mais il commence à être plus mature dans son jeu, à progresser dans la gestion. Ceci aussi parce qu’il n’est plus un inconnu et a dû évoluer. » À Twickenham, Dupont doit laisser le costard et les mocassins aux vestiaires pour prendre place parmi les remplaçants. Et, s’il ne suffira pas à sauver la patrie, il pourrait avoir au moins la chance d’y contribuer. ■