LA FACE ENSANGLANTÉE

IL S’APPELLE TOM CURRY ET IL A FAIT UN MATCH ÉNORME DANS SON RÔLE DE TROISIÈME LIGNE SOUTIER. IL EST L’HOMME QUI DONNE TOUJOURS L’IMPRESSION D’ÊTRE À PLUSIEURS ENDROITS À LA FOIS. EXPLICATIONS.

Son visage ensanglanté a fourni une image choc au diffuseur de cet Angleterre-France. Tom Curry s’est fait un nom pour le grand public dans la posture du guerrier prêt au sacrifice. On a cru revoir le Jean-Pierre Rives des années 80. Le troisième ligne de Sale est sorti bien sûr, pour faire recoudre cette plaie au fond si « saignante », avant de revenir cinq minutes plus tard. Visiblement Eddie Jones n’avait pas envie de se séparer de ce grand échalas, qui ressemble à un adolescent mal dégrossi quand on le croise dans le civil. Mais son visage juvénile tout en longueur est posé sur un corps d’athlète. Évidemment, tunique blanche sur les épaules, il est la fougue incarnée. À Dublin, il a reçu un carton jaune pour un plaquage sur Earls. Dur au mal, vaillant, il n’est pas un manieur de ballons hors pair mais dans son genre, il a éclipsé Arthur Iturria et surtout Yacouba Camara de qui l’on attendait beaucoup plus, on ne va pas le cacher. Il a réussi 19 plaquages face aux Bleus assortis de 77 mètres parcourus avec seulement quatre ballons portés. Le plus incroyable, c‘est que ce soutier anglais n’a que vingt ans. Il a fait ses débuts avec son club de Sale à dix-huit ans en Champions Cup. Aucun joueur des Sharks n’a joué aussi jeune sur le plan européen. Seuls trois Anglais ont fait mieux que lui. On se souvient de notre surprise quand on le vit débarquer en équipe nationale en juin 2017 face aux Barbarians, profitant des absences des Lions. On aurait dit un collégien qui s’était trompé d’adresse. Sauf qu’il fut derechef nommé « homme du match » à 19 ans et qu’il fut appelé aussitôt pour la tournée en Argentine. Jamais un flanker aussi jeune n’avait joué pour le XV de la Rose. Pour trouver trace d’un avant plus prématuré que lui, il fallait remonter à 1912. En fait, on n’avait pas vu un débutant si précoce depuis Jonny Wilkinson en personne.

Le plus incroyable, c’est qu’on crut apercevoir Tom Curry l’an passé lors de la Coupe du Monde des moins de vingt ans avec le rang de capitaine… Sauf que, renseignement pris, ce n’était pas lui… mais son frère jumeau, Ben.

Oui, il y a deux Curry qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau et qui jouent au même poste. Ça nous promet bien du plaisir. D’ailleurs, ils auraient dû jouer ensemble en Argentine en 2017 sans la blessure de Ben.

« C’est une machine, a confié Steve Diamond, son coach de Sale. Mais c’est aussi un gars qui est très intelligent et qui comprend très bien le jeu. Pour lui, l’âge n’est pas une barrière. Il est déjà grand et fort avec un centre de gravité très bas. Vous allez entendre parler de lui. Mais je ne doute pas que Ben va le suivre. C’est sans doute dur pour lui de voir son frangin faire les gros titres… »