Midi Olympique

WATERLOO

C’EST À PLEURER, LE XV DE FRANCE DE JACQUES BRUNEL N’A JAMAIS EXISTÉ FACE À L’ANGLETERRE (44-8). LES BLEUS ONT PRIS UNE VÉRITABLE LEÇON DE RUGBY, FROIDE ET HUMILIANTE. IL Y A URGENCE À TOUT CHANGER…

- Par Léo FAURE, envoyé spécial leo.faure@midi-olympique.fr

Jacques Brunel pose là, impassible. Ses Bleus viennent de prendre une sainte dérouillée à Twickenham, son capitaine Guilhem Guirado reconnaît sans mal que son équipe « n’était tout simplement pas invitée », la France n’a jamais connu une telle série de déroutes, y compris à domicile contre les Fidji mais le sélectionn­eur y voit surtout un aspect tactique, dans la gestion du jeu au pied de pression anglais dans le fond du terrain.

Il n’a pas tort, bien sûr. Battus dans les airs et le jeu d’occupation, les Bleus ont abandonné trop de points aux Anglais dans ce secteur pour rivaliser. Est-ce le seul problème ? C’était une faillite psychologi­que face aux Gallois, il y a une semaine. Un manque d’investisse­ment deux mois plus tôt, face aux Fidjiens, une carence physique en Nouvelle-Zélande et devant l’Afrique du Sud. Un manque d’expérience parci, un défaut de qualité technique par-là. Les Bleus ont toujours de bonnes explicatio­ns à leurs défaites et varient les plaisirs. Quand on les compile, on se rend compte que cette équipe de France manque d’à peu près tout.

« NOUS ÉTIONS PERDUS SUR LE TERRAIN ET RIEN NE VENAIT DU BANC »

Passé le constat, qu’est-ce qu’on fait ? On reste là sans rien faire, à attendre que ça passe et que, d’un sacré coup de bol, naisse une nation dominante du rugby ? Difficilem­ent concevable. Pourtant, aucune solution n’émerge des discours, sur le fond, au-delà des constats. « On va apprendre d’aujourd’hui que les Anglais étaient plus forts que nous, poursuit Brunel. […] Elle nous a mis sous pression d’entrée. Le match était joué à la mi-temps, bravo à elle. Il n’y a rien à dire. » C’est justement le problème. Il serait bien que les hommes en charge de cette équipe aient des choses à dire, des explicatio­ns à opposer aux manques, des solutions pour progresser enfin. Mais rien ne vient, si ce n’est l’explicatio­n des échecs par des faillites ponctuelle­s.

À la tête des Bleus, l’amateurism­e apparaît aujourd’hui total. Après l’épisode du capitanat improvisé de Vahaamahin­a, la semaine dernière, les Bleus ont livré cette fois une nouvelle facette de leurs manques. C’était au moment du protocole commotion de Damian Penaud, suivi du carton jaune à Gaël Fickou. Tour à tour, Ramos, Doumayrou puis Ntamack se sont placés à l’aile. Avant de se regarder, tous, interloqué­s. « C’était le bordel. Personne ne savait à quelle place il devait jouer. Nous étions perdus sur le terrain et on essayait de demander au banc », confiait un des joueurs après la rencontre.

LE TRAVAIL DE SEMAINE EN QUESTION

Les langues se délient et cette rencontre à Twickenham marque un premier trait de fracture visible entre les joueurs et le staff. Jusqu’où l’édifice peut-il se fissurer ? Jusqu’au modèle de la Coupe du monde 2011 où, dans un marasme similaire après des défaites en Italie et face au Tonga, les joueurs avaient pris la main sur la gestion de l’équipe ? Interrogé sur la question, Mathieu Bastareaud se montrait clairement embarrassé. « C’est difficile de répondre à ça. Nous sommes tous dans le même bateau, les joueurs et le staff. Écarter le staff ? Mais c’est aussi lui qui fait la compositio­n d’équipe… » Le Toulonnais est dans une position inconforta­ble. On le comprend. Propulsé homme de base de ces Bleus de Brunel, à grand renfort de communicat­ion, et nommé capitaine en juin dernier en l’absence de Guirado, il a aussi vu son sort s’inverser, en étant éjecté du groupe il y a deux semaines, avant le pays de Galles. De quoi vaciller sur ses certitudes. Dans ses explicatio­ns, l’agacement de Bastareaud n’est pourtant jamais loin. « On va baisser la tête et prendre la grêle pendant une semaine. Mais il faut qu’on arrête de parler. Tout le monde parle trop. Il est temps d’agir. »

Ce manque d’actions concrètes, Morgan Parra, autre leader de ce groupe en perdition, le verbalise clairement. « Avant le staff, c’est d’abord pour nous, les joueurs, que la situation est dure à vivre. Et c’est à nous de trouver les solutions parce qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas invités. Les Anglais font des choses simples mais énormément travaillée­s à l’entraîneme­nt. Ils les maîtrisent parfaiteme­nt. Nous, cet aspect de stratégie, on ne le travaille pas assez à l’entraîneme­nt. » Des critiques à peine voilées sur le travail effectué en semaine. Que Parra compte faire remonter au staff ? « Ça nous regarde. Ça restera au sein du groupe. » Parra, Bastareaud et quelques autres joueront cette année la dernière Coupe du monde de leur carrière. Celle-ci se profile bien mal. Et s’ils veulent inverser le cours de leur destin, ils seraient bien inspirés de prendre leur destin en mains pour monter une opération commando. Dès maintenant, pour sauver face à l’Écosse ce qui peut encore l’être dans ce Tournoi.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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