AVEC ET SANS SEXTON...
LES PARTENAIRES DE RORY BEST ONT RETROUVÉ LE CHEMIN DE LA VICTOIRE. ILS ONT MÊME SURMONTÉ LA SORTIE PRÉMATURÉE DE JONATHAN SEXTON SUR BLESSURE. SON REMPLAÇANT JOEY CARBERY A FAIT LE BOULOT, APRÈS UNE BOURDE INITIALE.
Les Irlandais se sont finalement tirés assez facilement du piège de Murrayfield. Vu le contexte, ce n’était pas si facile car à la 29e minute, il a fallu pallier la sortie prématurée de Jonathan Sexton, « séché » légèrement à retardement par le pilier gauche Allan Dell. Quand ils l’ont vu terrassé, les Écossais ont sans doute pensé avoir fait du bon boulot sur le coup là. Car douze minutes plus tôt, l’ancien joueur du Racing s’était montré décisif sur une belle combinaison offensive : croisée de O’Mahony (premier receveur) pour lui au centre du terrain. Avec un impeccable service de Sexton pour Stockdale, lancé à son intérieur. Voilà comment, en trois mouvements, on crée une brèche dans le mur adverse : du vrai tableau noir à la Joe Schmidt et du splendide travail d’orfèvre de l’ouvreur irlandais, passeur impeccable, capable de sacrifier son corps aux méchantes morsures des chiens de garde. Passer cinquante minutes sans son impeccable chef d’orchestre ne promettait pas d’être une sinécure... Et le réalisateur de la BBC se frotta les mains à l’idée de faire des gros plans sur Jonny mortifié sur le banc de touche, enveloppé dans son K-Way, le regard perdu dans le vide.
CARBERY, TELLE LA TRUITE DE SCHMIDT
Mais les Irlandais ont montré qu’ils pouvaient survivre à ça. Le remplaçant Joe Carbery, a commencé par une bourde, c’est vrai en se faisant intercepter par son vis-à-vis Finn Russell, ce qui
aboutit à l’essai écossais signé Johnson : « Il a vécu une rude entrée en matière et je crois que ça lui a fait perdre le moral pendant un moment. Ensuite, il a retrouvé le fil du match. Ce qui définit le mieux son match, c’est ce « chop tackle » en fin de partie qui nous a permis de récupérer un ballon. C’est un gars qui est en train de prendre confiance, et plus il vivra des gros matchs, plus il sera sûr de lui. » À bien revoir les images, on se dit que Joe Schmidt a été sévère avec son ouvreur : tant ses premiers lancements de jeu étaient d’excellente facture dans la fluidité et la vivacité de la passe. Le demi d’ouverture du Munster a pris confiance en effet, et s’est même permis une longue percée en solo pour offrir le dernier essai irlandais à Keith Earls (56e). Une action qui n’appartenait pas à l’arsenal du tableau noir de Schmidt et à la virtuosité du premier violon Sexton quand il joue sa partition. Ce fut plutôt une pure improvisation de jazzman puisque Carbery ramassa un ballon tombé à terre, après une pression défensive adverse. Il glissa alors entre les doigts de Dell et de Harley qui voulaient le prendre en sandwich et s’échappa comme une truite alors que ses prédateurs se télescopaient. Il lui resta à fixer les deux derniers défenseurs par un joli crochet extérieur pour servir son ailier.
Joey Carbery, 23 ans, arrive donc à maturité pour soutenir son prestigieux aîné, après avoir cohabité pendant trois ans avec lui au Leinster. Mais Dublin était trop petit pour ces deux talents et, au printemps dernier, Joe Schmidt a tranché : il a provoqué une réunion, discuté avec Leo Cullen (entraîneur du Leinster) et Johann Van Graan (celui du Munster) pour organiser le déménagement de cette pépite de la capitale vers la province. Joey Carbery est ainsi devenu pour la première fois de sa vie numéro un sous les couleurs de la franchise de Limerick-Cork.
Voilà les bienfaits d’un système entièrement fédéral. Même si certaines voix ont protesté, Joe Schmidt a su convaincre son monde que l’intérêt supérieur du rugby irlandais voulait que les deux meilleurs joueurs du pays puissent s’exprimer pleinement. Joey Carbery a pu jouer quatorze matchs, huit en Ligue celte et six en Champions Cup. Sera-t-il titularisé pour la suite de ce Tournoi ? Pas sûr selon Joe Schmidt : « Jonny a pris un coup sur la tête. Il a reçu des soins à l’extérieur du stade, mais il se sent bien à l’heure où je vous parle. Je crois qu’il sera disponible pour le
match face à l’Italie. » Le joueur a quand même échoué au protocole commotion. « Oui, il prend des coups, c’est le genre de choses qui arrive quand vous êtes au coeur du jeu. Sur le premier essai, il a pu dégager de l’espace pour Stockdale parce que les défenseurs s’étaient focalisés sur lui. en fait, il a reçu plusieurs coups, et on l’a d’abord examiné pour une cheville douloureuse. C’est à ce moment-là qu’on a vu qu’il avait un problème. »…