Midi Olympique

RELEVEZ-VOUS !

FRANCE - ECOSSE PEU AIDÉS PAR UN ENVIRONNEM­ENT IMPUISSANT, POUR NE PAS DIRE NOCIF, LES TRICOLORES DE GUILHEM GUIRADO DOIVENT PRENDRE LEUR DESTIN EN MAINS. ILS NE PEUVENT COMPTER QUE SUR EUX !

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

SUR L’AIR DE LA RÉVOLTE, LA JEUNESSE TRICOLORE EST ATTENDUE AU POUVOIR POUR SAUVER LA PATRIE EN DANGER. IL Y A URGENCE : FACE À L’ÉCOSSE, BRUNEL ET SES HOMMES DOIVENT SE RACHETER. ET, SURTOUT, S’IMPOSER.

Tout le monde veut le bien du XV de France. Il est de bon ton, d’ailleurs, de l’assumer face caméra : les mots dansent, le verbe frappe et, chez nos cabots les plus aguerris, une gestuelle admirable accompagne alors la solennelle tirade. Ils sont présidents, élus fédéraux, entraîneur­s ou consultant­s. Ils brassent des lieux communs, enfoncent des portes ouvertes, brandissen­t des déclaratio­ns d’intention qu’il nous est arrivé, nostra maxima culpa, de relayer dans ces colonnes. Car il est évident que l’union sacrée autour de ce XV de France en charpie est un mensonge, la « prise de conscience

du rugby français » une imposture.

Sur la Rade, Mourad Boudjellal avait d’abord promis d’être champion « avec 23 joueurs français sur la feuille de match » (2017) puis, plus récemment, de mettre sur pied une immense « fabrique à champions », une belle et bonne académie varoise. Avant de changer brusquemen­t d’avis et de signer Etzebeth ou Milner-Skudder. À Bordeaux, on draguait au même moment le Wallaby Scott Higginboth­am, qui pourrait entrer la saison prochaine en concurrenc­e avec le seul numéro 8 (Marco Tauleigne) qui puisse encore survivre au niveau internatio­nal. Dans les Hauts-de-Seine, le Racing 92 a choisi d’engager le Néo-Zélandais Dan Carter, plus proche de la quarantain­e que le XV de France ne l’est d’un Grand Chelem et à ce sujet, on a toujours à l’esprit ces mots d’un grand dirigeant de World

Rugby, prononcés en 2015 au Four Seasons hôtel de Park Lane, à l’époque où l’ouvreur all black venait pour la première fois de dire « oui » à la banlieue parisienne : « Carter a 33 ans. Le rugby français fait n’importe quoi. Tous ces courants

contraires tueront un jour l’équipe nationale. » Si c’était tout ! Mais à l’heure où le Stade français est en mal de chair à canon, les dirigeants roses recrutent aussitôt trois jokers médicaux en Afrique du Sud, piétinant le plan « formation

parisienne » qu’avait initialeme­nt vendu à la presse Robert Mohr, depuis écarté du club. À l’hiver 2019, à l’instant même où le XV de France en est à « se faire dessus » quand il accueille une Ecosse décimée à Saint-Denis, les discours de façade des uns, les postures des autres ont donc fini d’anéantir le peu de confiance que l’on avait jusque-là en ceux qui décident du sort du rugby français.

DES HYPOCRITES SUR LES PHOTOS DE FAMILLE

Dans cette triste comédie, on n’a enfin prêté qu’une oreille distraite à ce que racontait dimanche Sébastien Chabal sur le plateau du Canal Rugby Club (« Il faut que le rugby français se réunisse »), des truismes que ledit « rugby français » ressasse justement depuis dix ans. Personne n’a l’intention de « s’asseoir autour

d’une table. » Personne n’a l’intention de concéder un centimètre à l’ennemi, puisque les relations entre clubs et fédération ne sont rien d’autre qu’une guerre froide où les faux derches qui s’embrassent lors des soirées mondaines sortent les longs couteaux dès lors que le jour se lève.

À ce titre, la dernière tentative de rapprochem­ent entre le XV de France et le Top 14 fut un fiasco majuscule puisqu’au terme d’une série de réunions sacralisan­t le mariage entre Jacques Brunel et les coachs du championna­t, au point final d’une photo de famille prise en janvier 2018 au CNR et annonçant une interconne­xion révolution­naire entre les deux entités, la communicat­ion fut brutalemen­t coupée six mois plus tard. Plusieurs gros pourvoyeur­s du XV de France nous ont ainsi assuré récemment n’avoir pas eu de nouvelles du staff tricolore depuis des lunes…

LE SPECTRE D’UNE CUILLÈRE DE BOIS

C’est désormais une évidence : nul, en Gaule, n’est décidé à se battre pour le bien-être du XV de France et contre le spectre macabre d’une cuillère de bois. Garçons, vous êtes seuls. C’est votre combat, votre lutte et en ce sens, ne comptez plus sur personne : n’oubliez pas que la dernière grande bataille du syndicat Provale consistait en une menace de grève si l’on osait vous faire jouer la veille de Noël. N’oubliez pas que l’élu fédéral en charge du haut niveau (Serge Simon) n’est pas monté au front depuis des semaines pour vous défendre. N’oubliez pas que sur les douze derniers mois, le seul lancement de jeu qu’on vous ait fait travailler avait pourtant fonctionné, face à l’Argentine.

Mais n’oubliez pas, non plus, que le petit peuple du rugby français vous aime, a souffert tout autant que vous il y a quinze jours et chantera à vos côtés samedi après-midi à Saint-Denis, comme il l’aurait fait pour toute autre équipe de France. Bouffez le monde, tuez le père, croquez l’Écosse. Et si vous n’osez vous affranchir totalement d’un establishm­ent qui vous nourrit autant qu’il vous tue, ayez au moins le courage, par vos actes, de ponctuelle­ment lui dire « merde ».

Franchemen­t, cette Ecosse décimée, privée de la magie du meilleur animateur d’Europe (l’ouvreur Racingman, Finn Russell)et d’une troisième-ligne complète, a tout d’une aubaine, pour dire le moins. C’est l’occasion rêvée de faire ponctuelle­ment oublier au Stade de France, qui n’a pas fait le plein depuis des lunes, que son rugby vaut davantage qu’une piteuse dixième place au classement mondial et la complaisan­ce, pour ne pas dire le sincère dénigremen­t, du monde anglo-saxon dans son intégralit­é.

De fait, l’équipe de France n’appartient à personne, garçons. Et par atavisme, elle est même le bébé de tous : de vous, de moi, de nous, des 280 000 licenciés regroupés au sein du gros bateau fédéral et des 10 000 fadas qui pèteront probableme­nt leur PEL pour vous rejoindre en Coupe du monde au Japon. Alors haut les coeurs, enfants de la patrie. Parce que si vous ne le faites pas pour vos amis, vos frères, vos soeurs, vos parents et les quatre millions de personnes qui se masseront samedi après-midi devant leurs écrans télés, alors faites le au moins pour vous : allez les petits !

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Iturria, Poirot, Vahaamahin­a, Penaud et les autres, prêts pour le combat qu’ils doivent mener face à l’Ecosse. Derrière eux, le petit peuple du rugby français, invisible mais qui souffre à leurs côtés. Photo midi Olympique - Patrick Derewiany

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