POUR EN FINIR AVEC LE WARRENBALL
LE VAINQUEUR SERA EN MARCHE VERS LE GRAND CHELEM. CE GALLES - ANGLETERRE SERA LE DERNIER DE WARREN GATLAND, GOUROU DU RUGBY GALLOIS, PARFOIS CARICATURÉ VIA LA NOTION DE « WARRENBALL ». UN TORT.
Le Galles - Angleterre 2019 fait figure de finale avant la lettre. Si l’Angleterre l’emporte, le grand chelem lui tend les bras avec les réceptions de l’Italie puis de l’Écosse. Si c’est le pays de Galles, le carton plein ne sera pas probable, mais très possible. Il faudra quand même aller en Écosse et recevoir l’Irlande. En plus, Warren Gatland va jouer pour la dernière fois face à l’Angleterre dans le Tournoi et il espère boucler la boucle car il a cité sa première victoire de 2008 comme l’un de ses meilleurs souvenirs : victoire 26-16 après avoir été mené de dix points à la pause. Il démarra ainsi son bail magnifique avec les Gallois, mais il est parfois énervé par l’étiquette qu’on lui a collée, celle du « Warrenball », une expression forgée par Brian Smith, ex-entraîneur des trois quarts anglais et des London Irish en 2013. L’expression qualifiait un style basé sur un rugby « boum boum ». « Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire. C’est vrai que c’était une période où sont arrivés des trois-quarts puissants comme Jamie Roberts, Jonathan Davies, George North, Alex Cuthbert, et c’est vrai, je les ai utilisés efficacement. » C’est vrai, l’une des premières décisions de Warren Gatland et de Shaun Edwards fut de faire de Roberts un premier centre car, on l’a oublié, le ex-futur joueur du Racing a démarré en sélection comme arrière-ailier. Il n’avait plus joué avec le numéro 12 depuis l’école. Cette décision fut fondamentale : « Je suis devenu un joueur de milieu de terrain et j’ai adoré ça. On ne peut pas jouer au rugby sur les talons, il faut avancer. Oui, on avait l’autorisation d’enfoncer les portes trois ou quatre fois. Mais toutes les équipes font ça finalement. Regardez ce qu’a fait l’Angleterre contre la France : trois percussions et si ça avance, on fait un renversement. »
Mais Sam Warburton a reconnu que le plan de jeu initial avait trouvé ses limites : « Ce que les gens ont critiqué et que les coachs ont compris, c’est que nous allions trop souvent dans le même sens, jusqu’à faire une passe de plus ou de trop dans le couloir des cinq mètres. On le faisait parce qu’on estimait qu’il y aurait forcément un centre en train de défendre et qu’il suffisait alors de repiquer au centre via une ou deux phases et percer là où ce centre aurait dû être. » En clair, l’objectif était d’étirer les défenses sur la largeur. Mais les bataillons adverses ont réussi à contrer cette, stratégie.
LE TOURNANT DE 2016
En 2016, Gatland et son staff décidèrent de changer de plan de jeu. Ça se passa lors de la tournée 2016 en Nouvelle-Zélande et ce fut un échec (trois défaites à zéro en test plus une déculottée face aux Chiefs). « Oui, on avait un nouveau plan, mais on n’a pas su l’utiliser. Et c’est vrai, on a persisté dans l’ancien schéma… » reconnaît Sam Warburton. À l’automne suivant, le staff gallois arrêta de titulariser Jamie Roberts. Choix crucial. Il fut soudain question pour Howley de faire jouer un « passeur » en premier centre, comme le ferait l’été suivant Gatland avec les Lions (SextonFarrell).
Les Gallois ont donc essayé de changer de style en cherchant à trouver des intervalles plus en finesse. Gatland et Howley ont essayé Owen Williams, puis Scott Williams et en ce moment le NéoZélandais naturalisé Hadleigh Parkes (Owen Watkin vient aussi de surgir dans ce style). North est resté, mais des ailiers plus fins comme Josh Adams, Hallam Amos, Steff Evans sont arrivés ; sans compter Liam Williams, prototype de l’attaquant d’espace. Gatland et ses adjoints ont donc un long parcours gallois derrière eux, il est moins monolithique qu’on le dit. Quelques rumeurs bruissaient dans les coulisses du cap d’entraînement des Gallois. Et si c’était les Anglais qui avaient raison dans leur utilisation si efficace du jeu au pied ? Pour contourner le mur adverse, Gatland a réfléchi à deux ou trois trucs assez proches de ce que font les Scarlets en Ligue celte (chip and chase ou kick and chase).
Il a aussi pensé à la bataille aérienne avec des spécialistes comme Liam Williams et George North. Le gourou gallois n’a pas qu’une seule corde à son arc.